Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Marie (suite)

Il ne s’agit pas d’un mécanisme déductif, mais d’une lente prise de conscience, où l’expérience et la réflexion chrétiennes se nourrissent et s’éclairent l’une l’autre, en dépendance de l’Évangile et en dialogue avec la culture contemporaine. La piété traduit en sentiments, en prières et en images la relation vécue de l’Église à Marie en fonction de Jésus-Christ. La réflexion théologique exerce là-dessus un travail de critique et de systématisation qui retentit plus ou moins, indirectement, sur la piété. Le magistère, à son tour, contrôle, oriente et stimule ou freine plus ou moins cette élaboration.

Les résultats de tout cela ont une valeur inégale, et la critique protestante peut quelquefois aider catholiques et orthodoxes à épurer et à approfondir leur doctrine et leur piété. Inversement, d’ailleurs, une réflexion mariologique plus profonde et rigoureuse dans les Églises de vieille tradition amène chez certains protestants une « découverte » et une meilleure appréciation de Marie dans l’Évangile.

Dans la mesure où Marie personnifie l’Église, l’avancée œcuménique vers une doctrine et une pratique ecclésiales communes, telle qu’on la constate depuis le milieu du xxe s., retentit normalement sur la compréhension du rôle de Marie et de sa sainteté. On est fondé à espérer qu’en résorbant leur contentieux ecclésiologique les chrétiens surmonteront aussi leurs désaccords au sujet de la Mère du Christ, sans perdre pour autant le bénéfice d’un pluralisme théologique sain et stimulant.

J. de B.

Sanctuaires et pèlerinages à la Vierge

Chaque pays, chaque diocèse a ses sanctuaires, ses pèlerinages régionaux. On connaît universellement la Vierge del Pilar à Saragosse, Lorette en Italie, Notre-Dame-de-Guadalupe au Mexique, Czestochowa en Pologne, Fatima au Portugal, Einsiedeln en Suisse.

Pour s’en tenir à la France, il faut nommer dès le haut Moyen Âge : Notre-Dame de Fourvière à Lyon (ixe s.), Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand (reconstruite au xe s), Notre-Dame du Puy (pèlerinage célèbre en 992).

Au xiie s. se multiplient les cathédrales (30 sont actuellement consacrées en France à Marie), et d’abord Notre-Dame de Chartres et Notre-Dame de Paris. C’est l’époque aussi des pèlerinages à Notre-Dame de Boulogne, à Notre-Dame de Liesse, à Notre-Dame-des-Ardents à Arras ainsi qu’à Rocamadour.

Le xixe s. connaît un grand mouvement de dévotion mariale à la suite d’une série d’apparitions : rue du Bac à Paris en 1830 (à Catherine Labouré ; point de départ de la confrérie de Notre-Dame-des-Victoires, fondée en 1836), à La Saiette-Fallavaux en 1846, à Lourdes en 1858, à Pontmain dans la Mayenne en 1871.

Aujourd’hui, les pèlerinages français qui ont le plus grand retentissement international sont ceux de Lourdes* (environ trois millions de pèlerins annuels) et de Chartres* (pèlerinage des étudiants).

➙ Jésus.

 H. Du Manoir et coll., Maria (Beauchesne, 1949-1964 ; 7 vol.). / J. Bosc, P. Bourguet, P. Maury et H. Roux, le Protestantisme et la Vierge Marie (Éd. Je sers, 1950). / Bulletin de la Société française d’études mariales (Lethielleux, 1950 et suiv.). / M. Schmaus, Katholische Dogmatik, t. V : Mariologie (Munich, 1955). / K. Rahner, Maria, Mutter des Herrn (Fribourg-en-Brisgau, 1956 ; trad. fr. Marie, Mère du Seigneur, Orante, 1960). / R. Laurentin, la Question mariale (Éd. du Seuil, 1963) ; la Vierge au concile (Lethielleux, 1965). / E. Schillebeeckx, Marie, mère de la Rédemption (Éd. du Cerf, 1963). / M. J. Nicolas, Theotokos. Le Mystère de Marie (Desclée, 1965). / V. Lossky, À l’image et à la ressemblance de Dieu (Aubier, 1967). / Le Saint-Esprit et Marie dans l’Église (Lethielleux, 1969-1971 ; 3 vol.).

Marie-Antoinette

Reine de France (Vienne 1755 - Paris 1793).


Actrice d’un drame qui bouleversa la France et l’Europe, Marie-Antoinette est le type même de ces personnages historiques que la passion déforme. Symbolisant un « parti », elle attire sur elle admiration ou haine. Pour les uns, elle est légère et capricieuse, fantaisiste, imprudente et prodigue ; ennemie des réformes et créatrice de scandales, elle pousse Louis XVI à résister à la Révolution, trahit la France et contribue à précipiter la ruine de la monarchie. Pour les autres, elle sait, au milieu de la tourmente, rester « vraie et naturelle », et conserver, malgré toutes les vicissitudes, « une grande âme, un cœur pur et une intelligence élevée ». Où est la vérité ?


De la bergère de Trianon à la boulangère de Versailles

Fille de l’empereur François Ier et de Marie-Thérèse d’Autriche, elle a quinze ans lorsque la politique européenne l’arrache à son milieu familial et la jette au milieu d’une Cour dont elle ne comprend pas les tortueuses intrigues et d’une France qu’elle ne connaît que par sa mode. « Un avenir s’ouvre pour moi tout rempli d’écueils, écrit-elle à son frère Joseph, priez pour moi et aidez-moi. » Cette insécurité domine le premier temps de sa vie dans le royaume de Louis XV. La maladresse du Dauphin, qui mit sept ans à devenir son époux, grandit encore une inquiétude qu’elle masque derrière la frivolité des apparences. Elle est cette jeune femme qui s’amuse aux plaisirs de Versailles, qui joue tantôt à la reine, tantôt à la bergère de Trianon et commet trop d’imprudences pour ne pas donner prise à la clabauderie. Quand, en 1786, l’affaire du Collier ternit la monarchie (v. Louis XVI), elle a beau crier son indignation « d’être sacrifiée à un prêtre parjure, à un intrigant impudique, s’emporter à l’idée qu’on ait pu supposer la reine de France donnant un rendez-vous, recevoir dans le secret un cardinal et souffrir qu’il se jetât à ses pieds », qui peut la croire parmi ces Parisiens qui souriront au passage du bel Axel de Fersen ?

Et pourtant c’est l’époque où, reine depuis 1774, Marie-Antoinette change profondément. Elle ne manquait pas d’esprit, mais son éducation avait été nulle sous le rapport de l’instruction. Hors quelques romans, elle n’avait jamais ouvert un livre et ne recherchait pas même les notions que la société peut donner (baron Pierre de Besenval). La maternité la transforme. Il y a là une dimension fondamentale du personnage : dès les premières alarmes de la Révolution aux marches de la guillotine, elle est mère et cherche d’abord à sauver sa famille.