Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

marché (suite)

Les études de motivation se sont inspirées des études de psychologie clinique, voire de la psychanalyse. Les techniques d’observation statistiques font appel à la corrélation, à la régression, à l’expérimentation, etc. La sociologie a permis des recherches pour pallier la difficulté qui consiste d’une part à globaliser un marché (tout le monde est pareil) et d’autre part à l’atomiser (chacun est différent). En multipliant les partages de groupes à partir d’un attribut et en les combinant entre eux, on est arrivé à la notion de segmentation, qui permet d’adapter les stratégies commerciales aux différentes portions de marché mises en évidence. Ces méthodes s’appuient sur la théorie des graphes. Le degré de raffinement de ces études est de toute façon limité par deux aspects : d’une part le temps nécessaire pour les obtenir, d’autre part leur coût. Elles sont, en outre, aidées par d’autres analyses ou moyens de contrôle tels que les tests et les panels de consommateurs ou de distributeurs.

Fr. B.

➙ Distribution / Enquête par sondages / Management / Marketing / Motivation (étude de) / Prévisions et objectifs / Vente.

 F. Bouquerel, l’Étude des marchés au service des entreprises (P. U. F., 1953 ; nouv. éd., 1964-65, 3 vol.). / Y. Fournis, les Études de marché (Dunod, 1970). / J. Klein, les Fluctuations des parts de marché dans l’entreprise (Dunod, 1970). / B. Lebel, les Études de marché, outil du marketing (Éd. d’organisation, 1972).


La géographie des marchés


Leur nature

Les marchés constituent un rouage essentiel de la plupart des économies. Ils permettent de prendre la mesure de l’offre et de la demande d’un article, d’assurer la liaison entre les producteurs et les consommateurs et d’ajuster les décisions des uns aux anticipations des autres. Leur rôle est donc multiple : géographique, puisqu’ils créent la transparence et facilitent l’apparition des courants d’échanges ; temporel, puisqu’ils indiquent à la fois la situation à un moment donné et les perspectives qui naissent des stocks, des désirs des consommateurs et des projets des producteurs ; fonctionnel, enfin, puisque le marché voit s’échanger informations directes et informations en retour, grâce à quoi l’équilibre économique est assuré à travers le jeu des feed-back et des réévaluations.

On a souvent de la peine à percevoir la complexité des services que rendent les marchés : une place de village ne comporte aucune installation fixe, ne nécessite aucun investissement. On est sensible au pittoresque des paysans rassemblés, à la qualité des produits qu’ils offrent, au rituel un peu curieux des transactions. Derrière cette apparence fruste, il faut un effort pour saisir le jeu fondamental qui assure le fonctionnement d’une région, d’une économie, et l’harmonie d’une civilisation.

Comment schématiser le déroulement d’un marché ? Il existe des producteurs dispersés et des consommateurs qui le sont également. S’ils rentrent en contact au hasard les uns avec les autres, il leur sera très difficile de s’entendre sur les termes de l’échange qu’ils concluront. Dans bien des cas, les partenaires potentiels ne se rencontreront pas, si bien que des produits resteront inutilisés, alors que des demandeurs n’auront pas été satisfaits. Le marché, c’est tout d’abord une institution qui doit permettre d’apprécier le volume global de l’offre et de la demande, de manière à assurer le déroulement le plus harmonieux de l’échange. Il suffit évidemment pour parvenir à ce résultat de centraliser l’information relative aux qualités et aux quantités produites et demandées : dans notre monde, les marchés prennent bien souvent une forme abstraite, délocalisée, qui tient à la mobilité de l’information et aux techniques qui permettent de la rassembler, de l’apprécier et de la diffuser sur de vastes espaces. Cependant, cette transformation, cette délocalisation ont toujours été difficiles à obtenir. Les informations économiques n’ont de valeur que si elles sont neutres, objectives. À quoi me sert de savoir qu’il existe des produits offerts en tel ou tel lieu si je n’ai aucune idée de leur qualité, de leur valeur ?

Le problème de transmission des informations est particulièrement délicat en matière économique : il ne suffit pas d’être au courant de ce qui se passe au loin, il faut, pour se décider, être assuré de l’authenticité des nouvelles et de la sincérité de ceux qui les acheminent.

Il y a longtemps que l’on sait acheminer les nouvelles à distance, mais cela n’a pas créé automatiquement une transparence suffisante pour éviter les déplacements de personnes et de biens. La réunion périodique des producteurs et des consommateurs en un même lieu résout le problème : la solution paraît simple, élémentaire ; elle ne l’est pas suffisamment pour s’être imposée partout dès les débuts de l’humanité. Dans un ouvrage très neuf, Conrad M. Arensberg et Karl Polanyi ont attiré l’attention sur la multiplicité des formes de l’échange économique dans les civilisations archaïques et dans les premiers empires. Les recherches menées depuis par Paul Bohannan et George Dalton ont confirmé la justesse des premières analyses.


Les types de marchés et les espaces créés

Très souvent, la première forme d’organisation des échanges repose sur un principe de distribution : dans les États qui s’élaborent au IIIe et au IIe millénaire av. J.-C. en Mésopotamie, en Amérique précolombienne, dans les royaumes africains, le commerce, celui à longue distance tout au moins, est organisé par le pouvoir central. Les scribes égyptiens ou chaldéens notent ce qui est récolté et emmagasiné dans les temples. Le prince peut alors procéder à une redistribution à l’intérieur du pays ou payer les produits acquis sur les marchés extérieurs. Le système inca, avec ses temples et sa forte centralisation, n’est pas très différent. Dans la confédération des cités aztèques, les commerçants apparaissent aussi comme des fonctionnaires avant que leurs entreprises ne s’émancipent et que ne s’esquisse une véritable économie de marché.