Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mao Tsö-tong (suite)

À partir de 1941, le « Zheng Feng » (« Tcheng Fong ») est lancé, c’est-à-dire une « campagne de rectification » à l’intérieur du parti, qui trouve son développement surtout en 1942. D’une part, Mao Zedong veut renforcer l’unité du parti et élever le niveau de connaissance des nombreux nouveaux membres ; d’autre part, il insiste sur la nécessité pour le P. C. C. de « siniser » le marxisme. Enfin, au VIIe Congrès (avr.-juin 1945), il est élu président du Comité central. Pour la première fois, la « pensée de Mao Zedong » doit servir à « guider tout le travail du parti », et Liu Shaoqui (Lieou Chao-k’i) déclare alors que « Mao n’est pas seulement le plus grand révolutionnaire et le plus grand homme d’État de l’histoire chinoise, mais aussi le plus grand théoricien et homme de science ».

La reddition japonaise, après les bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, surprend les nationalistes comme les communistes. Les uns et les autres essaient d’accaparer le plus de territoire possible. Les nationalistes, grâce à l’aide de l’aviation américaine, réussissent à se rendre maîtres des points stratégiques. Les communistes, quant à eux, continuent leur progression dans les campagnes, principalement en Mandchourie.

En août 1945, Mao se rend à Chongqing (Tch’ong-k’ing), la capitale de guerre du Guomindang, pour rencontrer Jiang Jieshi et tenter de mettre au point un accord entre les deux parties. Bien qu’aucun des interlocuteurs ne veuille prendre la responsabilité d’ouvrir les hostilités, il se révèle au bout de deux mois qu’il n’existe aucun terrain d’entente. La deuxième guerre civile éclate à l’été 1946. Si les communistes ont plus que décuplé leurs forces depuis 1937, la puissance des armées nationalistes permet à Jiang Jieshi d’envisager une victoire rapide.

Comme à l’accoutumée, c’est surtout sur le soutien des masses que Mao compte pour remporter la victoire. La politique agraire des communistes prend un tour plus radical que pendant la guerre sino-japonaise. Mais elle reste très souple et adaptée aux situations locales. Il est instamment demandé à l’armée rouge de continuer de se conformer aux règles appliquées depuis sa création, à savoir le respect des populations civiles, l’aide à leur apporter et un comportement individuel exemplaire. En se différenciant des armées chinoises traditionnelles, les communistes sont sûrs d’attirer à eux la sympathie du peuple.

En 1945, le rapport des forces entre les deux armées est de un à quatre. En 1947, il n’est plus que de un à deux. En 1948, enfin, les forces communistes sont aussi fortes que celles du Guomindang. Le contrôle de la Mandchourie et de la Chine du Nord, la prise de Pékin en janvier 1949, la bataille de la Huai-hai (Houai-hai), qui voit opposer plus d’un million d’hommes et où les nationalistes perdent leurs dernières chances, laissent entrevoir une issue rapide au conflit. Ce renversement n’est pas seulement dû au travail effectué par les communistes. Les erreurs militaires de Jiang Jieshi, l’état permanent d’inflation, de gaspillage, de corruption du gouvernement de Nankin affaiblissent considérablement sa crédibilité et le rendent chaque jour plus vulnérable.

Le 30 juin 1949, Mao publie l’un de ses essais les plus importants : De la dictature démocratique populaire. Il y définit les critères qui permettent de distinguer « le peuple » des réactionnaires et admet que les petits-bourgeois et la bourgeoisie nationale peuvent faire partie du premier dans la mesure où leur comportement est positif. Quant aux « ennemis du peuple », il faut les neutraliser.

En septembre 1949, alors que la presque totalité des territoires chinois est passée aux mains des communistes, une conférence consultative réunie à Pékin approuve l’organisation d’un nouveau régime, fondé sur un gouvernement de coalition et présidé par Mao Zedong. Le 1er octobre 1949, devant la foule rassemblée place Tian’anmen (T’ien-Ngan-Men), celui-ci proclame l’avènement de la République populaire de Chine.

À cinquante-six ans, ce fils de paysan du Hunan (Hou-nan) accède à la plus haute responsabilité dans le pays le plus peuplé du monde. Le révolutionnaire devient homme d’État. Cette tâche pourrait paraître insurmontable si l’on omettait le fait que Mao avait, depuis la période du Jiangxi (Kiang-si), appris à diriger un véritable gouvernement.

À la fin de 1949, la situation de la Chine est catastrophique. L’économie est profondément désorganisée ; les finances sont ruinées. Les dirigeants communistes sont cependant favorisés par plusieurs facteurs, le premier étant l’unité politique perdue depuis 1911 et enfin retrouvée. Le vieil empire du Milieu reprend possession de la Mandchourie avec son équipement industriel hérité des Japonais et ses richesses naturelles. Le fait que la dignité de la Chine soit enfin recouvrée, et que ses intérêts soient âprement défendus par les communistes est apprécié de tous. Le deuxième facteur tient au potentiel d’organisation du P. C. C. Les cadres formés depuis des dizaines d’années sont capables de prendre en charge l’administration du pays.

Dans un premier temps, le P. C. C. va s’attacher à reconstruire politiquement et économiquement la Chine. Fidèle à son expérience, il lance des « campagnes de masse » destinées le plus souvent à provoquer des transformations de structure ou de mentalité. La plus importante d’entre elles est celle qui vise à l’élimination des contre-révolutionnaires. Durant toute l’année 1951, des centaines de milliers de personnes sont traduites devant les tribunaux populaires. Plusieurs dizaines de milliers sont exécutées. Une deuxième campagne vise, elle, d’une part les fonctionnaires du parti — on insiste surtout sur la lutte contre l’autoritarisme et le laisser-faire — et d’autre part ceux qui continuent de pratiquer la corruption et la fraude. Au niveau économique, Mao et ses compagnons s’emploient à faire appliquer dès 1950 une première réforme agraire. (V. Chine.) Une autre loi vient bouleverser l’ordre social hérité du passé : celle sur le mariage. Pour la première fois, la femme a en Chine des droits égaux à ceux de l’homme. Cet affranchissement n’est pas étranger aux convictions personnelles de Mao, qui depuis l’époque du 4 mai 1919 n’avait cessé de lutter pour libérer la femme chinoise.

À partir de 1951, au moment où la restauration économique et financière commence, une grande campagne pour la « refonte » des intellectuels se développe sur l’ensemble du pays. Des milliers d’entre eux réexaminent leurs vies et leurs idées et font leur autocritique. L’éducation, complètement réformée, est mise au service du prolétariat.