Mantegna (Andrea) (suite)
Après le Polyptyque de saint Luc (1454, pinacothèque de Brera, Milan), le grand Retable de saint Zénon, exécuté pour l’église de ce nom à Vérone entre 1457 et 1459, marque le dernier épisode de la période padouane. On y trouve la parfaite utilisation des solutions stylistiques déjà présentes dans les fresques de Padoue, tel le rapport nouveau créé avec le spectateur par la position di sotto in su des personnages du premier plan, innové avec tant de fougue dans la fresque de l’Assomption de la Vierge de la chapelle Ovetari, cependant que les saints des compartiments latéraux s’ordonnent avec une lucide volonté en fonction de la Vierge en majesté qui forme le centre perspectif de la composition. Les panneaux de la prédelle (musée du Louvre et musée de Tours) manifestent par la vivacité du coloris l’enseignement de Giovanni Bellini*, qui modifia dans un sens naturaliste le parcours mantegnesque.
En 1460, Mantegna accepte après un long échange de correspondance l’offre de Louis III de Gonzague, seigneur de Mantoue. Une relation faite de la même rigueur morale unit le marquis et son peintre. Celui-ci trouve à Mantoue des conditions d’existence qui lui permettront d’atteindre la forme la plus consciente et la plus monumentale de son art.
Il fait en 1464 un voyage archéologique sur le lac de Garde pour y retrouver des vestiges classiques ; en 1466, il se rend à Florence, où il prend un contact direct avec les chefs-d’œuvre de Donatello, d’Andrea del Castagno et de Piero della Francesca. Ces enseignements se mêleront de manière féconde dans le grand travail de la Camera degli Sposi du château San Giorgio. L’œuvre a profondément marqué le Corrège*, Jules-Romain* et Véronèse*. La décoration des murs, du plafond et de la lunette forme un tout d’une rare autorité spatiale. Sur le mur nord, la Cour de Louis de Gonzague est mise en scène avec virtuosité, mais la variété des personnages et le vérisme des portraits jouent sur la tonalité digne et sévère d’un paysage lointain, ponctué de monuments classiques empruntés à Rome. Ce songe antiquisant se retrouve dans le Saint Sébastien du Louvre (v. 1480) : attaché à une colonne antique, il repose sur des débris architectoniques disposés dans une intention archéologique. Quant au Christ mort de la Brera, il témoigne d’un tour de force perspectif et d’un jeu linéaire poussés à une dimension métaphysique.
Le marquis Louis III meurt en 1478, et commencent alors les épreuves morales et financières pour Mantegna. Son fils meurt en 1480, perte qu’il ressent douloureusement : en outre, il doit solliciter une aide financière auprès de Laurent le Magnifique, qui était venu le voir dans son atelier. Mais le mécénat des Gonzague reprend, et Mantegna entreprend en 1485 le Triomphe de César (palais de Hampton Court), neuf grandes toiles tendant à la monochromie, qui allongent dans une lente procession leurs guerriers imaginaires, nés d’une vision antique. Pendant l’exécution de ce travail, il a l’occasion de préciser ses souvenirs classiques en se rendant à Rome en 1488.
La dernière décennie est une période d’intense créativité, où sont élaborées beaucoup de ses œuvres les plus marquantes : la pala avec la Madone et des saints de l’église Santa Maria in Organo de Vérone (1496-97), la Madone de la Victoire (v. 1495-96, Louvre) et les deux toiles commandées pour le studiolo d’Isabelle d’Este, aujourd’hui au Louvre, le Parnasse (1497) et Minerve chassant les Vices du jardin des Vertus (1501-02). Ces œuvres sont difficilement séparables les unes des autres : elles sont peintes dans le même registre expressif, mélange complexe d’érudition, d’invention narrative et de convention formelle et morale.
N. B.
G. Fiocco, L’arte di Andrea Mantegna (Bologne, 1927). / E. Tietze-Conrat, Montegna (Londres, 1955). / E. Camesasca, Mantegna (Florence, 1964). / N. Garavaglia, L’opera completa del Mantegna (Milan, 1967).