Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Manitoba

Province de l’ouest du Canada ; 650 100 km2 ; 988 250 hab. Capit. Winnipeg*.


Le Manitoba comprend une partie sédimentaire (le tiers sud-ouest) et une partie appartenant au bouclier canadien. Dans la première, on distingue à l’est la plaine du Manitoba, fond d’un grand lac glaciaire dont les lacs Winnipeg (23 550 km2), Winnipegosis et Manitoba sont les héritiers, et à l’ouest le deuxième niveau des Prairies, limité par la cuesta du Manitoba. Dans la région précambrienne, la dernière glaciation a laissé une hydrographie désorganisée (lacs anastomosés, rapides).

Par suite de l’extension du Manitoba en latitude (11°), le climat est notablement plus froid et plus aride au nord qu’au sud.

Les zones de végétation se succèdent, plus précisément, du sud-ouest au nord-est : prairie, aspen grove ou parc de bois (trembles, chênes) et de prairie, forêt d’épicéas et de mélèzes, forêt boréale (à conifères, à bouleaux et à trembles), toundra.

Le Manitoba a connu deux périodes principales de peuplement : celle de la nation métisse au xixe s. et celle de l’immigration européenne massive au début du xxe s. (Britanniques, Allemands, Ukrainiens, Polonais, Scandinaves [notamment Islandais]). Seule la moitié sud-ouest de la région sédimentaire est peuplée et cultivée de façon presque continue.

La culture du blé est l’élément principal de l’agriculture. Elle n’a jamais fait l’objet d’une monoculture au même degré qu’en Saskatchewan, mais elle a donné naissance aux mêmes structures économiques (réseau ferroviaire, élévateurs) et sociales (coopératives, mouvement créditiste, partis agraires). La province produit quelque 80 millions de boisseaux de blé (2 Mt environ). La tendance à la diversification fut accélérée par la crise des années 30, par l’intervention fédérale (Prairie Farm Rehabilitation Administration et, plus récemment, Agricultural Rehabilitation and Development Administration, ou ARDA), par la surproduction (d’où un carry-over [report] considérable). On cultive aussi l’avoine, l’orge, le lin, la betterave à sucre ; depuis peu, on se tourne vers l’élevage porcin à base d’orge, la culture du colza (progression en flèche), du tournesol, du maïs à grain ou pour l’ensilage. La valeur de la production agricole atteint 360 à 400 millions de dollars canadiens. Actuellement, l’exode rural et le déclin des petites villes de services qui en résulte provoquent une altération profonde de l’occupation et de l’utilisation du sol : des voies ferrées ont été supprimées, entraînant la fermeture des élévateurs et l’abandon forcé de la culture du blé dans leur ancien rayon de desserte ; on projette même de déplacer et de regrouper une partie de la population rurale touchée par le dépeuplement de certains secteurs.

Le Manitoba n’occupe que le sixième rang des provinces pour l’industrie minière : 280 millions de dollars canadiens (5,3 p. 100 de la production canadienne). On extrait le pétrole (700 000 t) dans le sud-ouest sédimentaire et surtout les métaux dans la partie précambrienne : cuivre et zinc à Flin Flon et au lac Snow, nickel et cuivre au lac Lynn, à Thompson et à Bird River.

Mentionnons aussi l’exploitation forestière (usine de pâte à Pine Falls), le piégeage des animaux à fourrure, la pêche commerciale dans les lacs et la production d’énergie hydro-électrique.

On assiste à une rapide expansion des industries de transformation : industries alimentaires (minoteries, abattoirs), métallurgiques (matériel de chemin de fer, machines agricoles), chimiques (engrais, herbicides et insecticides, soude, produits pharmaceutiques), de confection. Très récemment se sont créées des entreprises d’électronique, d’articles en fibre de verre, de plastique renforcé (fuselage et empennage d’avions Boeing pour la firme de Seattle). La valeur de la production industrielle s’élève à 1 207 millions de dollars canadiens.

La concentration urbaine, conséquence de l’industrialisation, s’est faite surtout au profit de Winnipeg* (535 000 hab.), qui rassemble la plupart de ces industries. En dehors des banlieues, seul Brandon atteint 30 000 habitants.

On accorde actuellement un grand intérêt aux problèmes du Nord, problèmes économiques (inventaire des ressources) et sociaux (situation de la population indienne). Sur la baie d’Hudson, Churchill, reliée par voie ferrée au réseau canadien depuis 1929, est un port à blé (10 à 20 millions de boisseaux selon les années) et une base militaire.

P. B.

➙ Canada / Winnipeg.

Mann (Thomas)

Écrivain allemand (Lübeck 1875 - Zurich 1955).


Thomas Mann a souvent affirmé combien il était allemand et combien son œuvre devait être appréciée comme l’aboutissement d’une tradition proprement allemande ; à sa mort, il était aussi, de tous les écrivains de son pays, le plus connu dans le monde et le plus traduit. Durant un demi-siècle marqué par deux guerres mondiales et, en Allemagne, par douze années de dictature, Thomas Mann, pour qui, à l’origine, l’écrivain était un homme « étranger à la politique », fut amené à prendre position publiquement dans les affaires de son pays. Par là encore, son destin est représentatif de beaucoup d’autres écrivains de ce temps.

Sa carrière littéraire commença en 1901 par la publication, à vingt-six ans, d’un roman qui est une pièce maîtresse de son œuvre : les Buddenbrook (Buddenbrooks). Jusque-là il avait donné des nouvelles à des revues de Munich, où il s’était établi en 1894. Avec les Buddenbrook, il se montrait avec ses origines et ses prédilections, il expliquait indirectement pour quoi et pour qui il écrivait. Cette « histoire du déclin d’une famille » est celle des Mann. Ceux-ci étaient, comme ces Buddenbrook, négociants à Lübeck depuis trois générations quand, à la mort du père de l’écrivain (1891), la firme dut être liquidée. Il y avait pourtant dans la génération de Thomas, outre lui, son frère aîné Heinrich, ses sœurs et le cadet, Victor. Mais il ne se trouva ni fils ni gendre pour continuer ; Heinrich avait donné le signal de la « désertion » en se lançant dans le journalisme et les lettres, où il fit une carrière féconde de romancier et de publiciste. Son cadet le suivit, et leur mère, abandonnant Lübeck et ses souvenirs, vint s’établir à Munich, où Thomas Mann vécut aussi longtemps qu’il demeura en Allemagne. Les Buddenbrook retracent le chemin qui a mené des débuts de la firme, vers 1830, à un point qui, dans le roman, n’est pas encore celui de la liquidation, que l’on sent pourtant inéluctable. L’héritier du nom est un jeune homme rêveur et fragile, que l’audition de Lohengrin ravit et décourage en même temps ; il est trop clair que jamais il ne s’intéressera au commerce maritime. Il y a loin du fondateur de la dynastie, qui avait su se tailler une place à la bourse des grains de Lübeck, à ce jeune homme sensible, sans doute à la limite de l’hémophilie, comme l’était déjà son père, et que seules la rêverie et la musique attirent vraiment. La thèse du roman est là-dedans : plus les hommes s’affinent, moins ils sont aptes à se maintenir dans la lutte pour la vie ; l’énergie vitale dépérit quand la culture intellectuelle grandit ; la vie et l’esprit ont des exigences inconciliables. C’est la philosophie de Schopenhauer, orchestrée par Nietzsche et Richard Wagner. Ceux-ci ont été les inspirateurs de Thomas Mann, qui est venu à la littérature sans se rattacher à aucun groupe allemand, sensible plutôt à la lecture de romans Scandinaves, russes et, à l’occasion, français, tels ceux des frères Goncourt et plus tard, de Flaubert.