manichéisme (suite)
À ces rites principaux s’ajoutent les nombreux signes (ou « mystères ») auxquels les manichéens étaient attachés et que les Kephalaia IX mettent en relation avec le mystère de l’Homme primordial : le souhait de paix, la poignée de main, le baiser, le prosternement, l’imposition des mains, tous gestes qui manifestent la parenté entre le manichéisme et le christianisme primitif.
L’Église manichéenne
La religion prêchée par Mani emprunte de nombreux traits au milieu fortement baptiste et gnostique de la Perse du iiie s. ; elle se présente comme une « religion de salut » et, bien plus que la secte d’Elkasaï, comme une « religion du Livre ». Mani fonda aussi une Église qu’il marqua d’une empreinte œcuménique.
Le message apporté par l’Illuminateur se présente comme la clef de toutes les révélations antérieures. Il devait permettre l’unification religieuse du monde, encore divisé à son époque entre Bouddha en Orient, Jésus en Occident et Zoroastre en Iran. Mani aurait confié à trois de ses disciples, Hermas, Addo et Thomas, l’évangélisation de la Scythie, de l’Égypte et de la Syrie. Trois missions organisées par Mani sont, en tout cas, bien connues grâce à ses lettres : celle d’Addo à Alexandrie entre 244 et 261 ; une autre en Bactriane et jusqu’à l’Amou-Daria vers 262 ; une autre parmi les chrétiens syriaques de Kirkūk vers la même époque. L’Occident semble avoir été plus accueillant que l’Orient à la nouvelle doctrine. En 297, l’empereur Dioclétien, impressionné par les progrès de la mission manichéenne en Égypte, promulgua le premier édit persécuteur à son endroit. Néanmoins, le message de Mani continua de se répandre. On sait l’audience qu’il avait acquise en Afrique au ive s., au moment où Augustin y adhéra. Au viiie s., l’Église manichéenne aura pour chef suprême un Africain.
Bien que les filiations soient mal établies, il est possible que le manichéisme ait donné naissance au viie s., en Arménie, puis dans l’Empire byzantin, au mouvement des pauliciens et, de là, à celui des bogomiles. Ceux-ci engendreront à leur tour au xiie s., en Italie et dans le sud de la France, le mouvement cathare.
Au viiie s., la doctrine manichéenne s’étendit au Turkestan et en Chine. En 763, le chef des Turcs Ouïgours se convertit ; jusqu’à sa destruction en 840, l’Empire ouïgour eut le manichéisme pour religion d’État.
En Babylonie, le manichéisme cohabitera avec le judaïsme et le christianisme sous le règne des Sassanides, puis sous celui des Omeyyades. Au xie s., avec l’avènement des califes ‘abbāssides, il fut chassé des régions où il avait vu le jour. Son pontificat, transféré de Babylone à Samarkand, disparut peu après.
B.-D. D.
➙ Augustin (saint) / Cathares / Christianisme / Gnostiques / Mandéisme / Mazdéisme.
P. Alfaric, les Écritures manichéennes (Nourry, 1918 ; 2 vol.). / H. J. Polotsky, Manichäische Homilien (Stuttgart, 1934). / H. C. Puech, le Manichéisme, son fondateur, sa doctrine (S. A. E. P., 1949). / T. Säve-Söderbergh, Studies in the Coptic Manichaen Psalmbook (Uppsala, 1949). / G. Widengren, Mani und der Manichäismus (Stuttgart, 1961). / O. Klíma, Manis Zeit und Leben (Prague, 1962). / C. Schmidt, H. J. Polotsky et A. Böhlig, Kephalaia (Stuttgart, 1966). / L. J. R. Ort, Mani. A Religio-historical Description of his Personality (Leyde, 1967). / F. Decret, Aspects du manichéisme dans l’Afrique romaine (Éd. augustiniennes, 1970). / F. Decret, Mani et la tradition manichéenne (Éd. du Seuil, 1974).