Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

manganèse (suite)

À l’issue de cette opération, l’acier obtenu peut contenir une certaine proportion de manganèse, ce qui lui confère des propriétés remarquables : sa présence contrebalance la fragilité causée par le soufre dans le cas d’un travail à chaud ; elle accroît la trempabilité et la résistance à l’usure (surtout si la teneur de carbone est également élevée) ; elle améliore le comportement des aciers soumis à hautes températures.

La teneur en manganèse des aciers spéciaux demeure généralement modeste, mais l’élément figure dans presque toutes les combinaisons ; cela, joint au rôle du manganèse dans les convertisseurs, explique les forts tonnages demandés et leur progression : on est passé de 2,5 Mt de métal par an en 1938 à plus de 9 Mt en 1974.

Le minerai le plus utilisé est l’oxyde, qui se présente souvent avec une gangue argilo-sableuse qu’il faut supprimer, ce que l’on fait par des opérations de lavage. On exploite également des silicates de manganèse.

Un gisement n’est exploitable qu’avec une teneur assez forte, plus de 35 p. 100. Des progrès ont, toutefois, permis d’abaisser ce chiffre et d’ouvrir des exploitations dans des zones jusque-là négligées. Les districts miniers demeurent cependant peu nombreux, et leur répartition est très différente de celle des puissances sidérurgiques : l’approvisionnement en manganèse est donc un problème stratégique.

L’U. R. S. S. fournit, grâce à ses gisements de Nikopol en Ukraine et de Tchiatoura en Géorgie, le tiers de la production mondiale. La position soviétique était plus forte encore avant la Seconde Guerre mondiale. L’Inde constituait alors le seul producteur moyen. Ils sont six maintenant : l’Afrique du Sud et l’Inde, où l’exploitation est ancienne, le Gabon, le Brésil, l’Australie et la Chine continentale, dont l’essor est récent. Les sept premiers producteurs assurent 80 p. 100 de l’approvisionnement mondial.

Le manganèse ne tient pas sur les marchés de matières premières la même place que les autres métaux non ferreux : la production et la consommation sont également concentrées ; une bonne partie des exploitations est financée par les utilisateurs. Cela soustrait le métal aux fluctuations qui caractérisent le cuivre, le zinc, le plomb ou l’étain.

P. C.

 R. S. Dean, Electrolytic Manganese and its Alloys (New York, 1952). / Le Manganèse dans la sidérurgie (P. U. F., 1953).

Manger (Itsik)

Écrivain d’expression yiddish (Czernowitz, auj. Tchernovtsy, 1901 - Tel-Aviv 1968).


Né à Czernowitz, chef-lieu de la province de Bucovine, dans l’Empire austro-hongrois, qui devint roumaine dans l’entre-deux-guerres pour finir soviétique après l’intermède de l’occupation nazie, Manger fut le dernier des troubadours errant de pays en pays, de continent en continent pour aboutir enfin « chez soi » : ce fut un compère de Villon et de Rimbaud à travers les âges et les cultures, qui sut assumer son judaïsme dans sa déréliction.

Fils d’un tailleur qui était « un humoriste, un artiste, un maître de la rime » et d’une mère qui le berçait de mélodies et de récits populaires, il fut imprégné des airs du théâtre d’Abraham Goldfaden (1840-1908), des chants des Broder Singer. L’allemand ne sut pas le séduire, mais le yiddish le retint, et ce d’autant plus qu’il vécut dans le sillage du fabuliste Eliezer Steinbarg et du poète Jacob Sternberg (1886-1947) dans la Roumanie du premier après-guerre. En 1928, Manger publia son premier livre à Varsovie. C’est alors qu’il se fixa pour dix ans en Pologne. Il se sentait taillé pour dépasser le Peretz* des Récits populaires. Ses œuvres parues dans la période 1935-1937 (les Chants du Pentateuque, les Chants du livre d’Esther, les Lettres de Loupiot de Zbarz à la belle Reinette) sont marquées au coin d’une originalité toute populaire, mêlant le lyrisme et le grotesque, cependant que son œuvre dramatique bouleverse par ses innovations le théâtre yiddish (la Sorcière et les Trois Arlequins).

Manger séjourna à Paris (1938-1940), en Angleterre (jusqu’en 1951), puis se rendit aux États-Unis. Son premier voyage en Israël date de 1958, et il s’y fixa pour y mourir en 1968.

Il lui suffit d’une simple touche pour exprimer sa vision : chez lui, les mots sont discrets et cachés. Le vers est aussi simple, aussi léger, aussi transparent qu’un vers de chanson populaire, mais d’une densité incomparable : le réalisme populaire devient romantique, le naturel devient raffinement maîtrisé, l’épique se meut en lyrisme.

Comme personne avant lui, Manger a exprimé dans sa poésie toute l’échelle des sentiments et des états d’âme de la chanson populaire juive.

Dans sa poésie, mystères et symboles vibrent dans l’ombre cristalline d’une musique tiède et colorée. La tendresse, l’imagination, l’émotion fusent dans le feu d’artifice de son génie.

A. D.

Mangin (Charles)

Général français (Sarrebourg 1866 - Paris 1925).


Cheveux en brosse, courte moustache au poil dru, regard pénétrant, un visage donnant une impression de force et d’énergie, telle est l’aspect légendaire que la postérité a gardé du général Mangin, colonial passionné par l’Afrique, grand chef de guerre et écrivain de talent, auquel l’Académie française décernera en 1925 son grand prix de littérature.

Né dans une vieille famille lorraine qui a cruellement ressenti la défaite de 1870, Mangin sort de Saint-Cyr en 1888 dans l’infanterie de marine. Envoyé au Sénégal, il se bat contre Samory Touré, puis entre dans la phalange des « Soudanais », où, de 1890 à 1894, il se distingue particulièrement à la prise de Ségou (1890) et de Diéna. À vingt-cinq ans, déjà cinq fois blessé, il est fait chevalier de la Légion d’honneur. De 1895 à 1899, il commande l’escorte militaire de la mission Congo-Nil, que Marchand* conduit jusqu’à Fachoda. Promu chef de bataillon à trente-quatre ans, il rejoint le Tonkin, où il commande de 1901 à 1904 le cercle de Bao Lac. Mais c’est surtout l’Afrique qui l’attire, et il y revient deux fois encore, de 1907 à 1911, comme chef d’état-major des troupes d’Afrique occidentale à Dakar.