Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

manganèse (suite)

État naturel

La pyrolusite est un minerai usuel, mais on connaît aussi d’autres oxydes ainsi que des sulfures. Le manganèse est le treizième élément par quantité décroissante à la surface de la terre ; il a une abondance analogue à celle du carbone (0,08 p. 100).


Atome

Le numéro atomique est 25, et l’état électronique fondamental de l’atome est 1s2, 2s2, 2p6, 3s2, 3p6, 3d5, 4s2. Il est le cinquième élément de la première série de métaux de transition ; son rayon atomique est de 1,17 Å, le rayon du cation Mn2+ de 0,91 Å, et celui du cation Mn3+ de 0,62 Å. Les énergies successives des premières ionisations ont les valeurs suivantes : 7,43 eV ; 15,7 eV ; 34,1 eV ; 53,56 eV ; 76,17 eV ; 101,0 eV ; 119,0 eV ; 206,91 eV. On voit que l’arrachement des deux ou trois premiers électrons met en jeu des valeurs relativement peu élevées, mais que l’énergie nécessaire pour l’enlèvement du sixième et des suivants devient notable. Cela commande évidemment les propriétés de l’élément.


Corps simple

Le manganèse est un métal gris, brillant, dont le point de fusion est de 1 247 °C et la température normale d’ébullition de 2 030 °C. Il a une densité de 7,4. Il ne s’altère pas à l’air, par suite de la formation d’une couche superficielle qui le protège. À chaud, il brûle dans l’air et l’oxygène, il se combine aux halogènes, au soufre, au carbone et à l’azote. Il est attaqué par les acides froids dilués HCl, H2SO4. Il réagit avec la vapeur d’eau au rouge en libérant de l’hydrogène. Il donne de nombreux alliages, et en particulier les ferromanganèses, parmi lesquels les « spiegels » formés de Mn, de Fe et de C. Les ferromanganèses sont obtenus au haut fourneau en allure très chaude. Ils servent essentiellement à l’affinage de la fonte et à la préparation d’aciers.


Principaux dérivés

La présence de sept électrons sur les deux niveaux externes explique la présence de dérivés rattachés à des nombres divers d’oxydation. Au nombre d’oxydation zéro est associé le manganèse carbonyle Mn2(CO)10, où les deux atomes de manganèse sont directement liés l’un à l’autre.

Le manganèse de nombre d’oxydation I apparaît dans l’ion [Mn(CN)6]5–, obtenu en réduisant par la poudre d’aluminium en présence de soude les solutions du cyanure manganeux complexe contenant l’ion [Mn(CN)6]4–.

L’ion Mn+2 a une configuration en 3d5 et présente une stabilité associée au demi-garnissage du niveau 3d. En présence d’eau, on observe les couples oxydo-réducteurs suivants :
E0 Mn2+/Mn = – 1,05 V associé à la transformation Mn+2 + 2e ⇄ Mn
et E0 Mn+3/Mn+2 = 1,51 V associé à Mn+3 + e ⇄ Mn+2,
ce qui montre que l’ion Mn3+ est fortement oxydant, et, comme un potentiel normal E0 MnO2/Mn+3 de 0,95 V est associé à la transformation
MnO2 + 4 H+ + e ⇄ Mn3+ + 2 H2O,
il en résulte que les sels manganiques contenant l’ion Mn3+ se dismutent en solution dans l’eau suivant la transformation
2 Mn+3 + 2 H2O ⇄ Mn2+ + MnO2 + 4 H+.

Le manganèse de nombre d’oxydation + IV existe dans l’oxyde MnO2 et les ions complexes et L’oxyde MnO2 n’est pas stœchiométrique, et la pyrolusite n’a jamais plus d’oxygène qu’il n’est indiqué dans la formule MnO1,95.

Les seuls dérivés connus du manganèse VI sont les manganates. La fusion alcaline oxydante d’un sel de manganèse II ou du bioxyde MnO2 conduit aux manganates, tel Na2MnO4. Les manganates ne sont stables en solution aqueuse que si le milieu est très basique ; sinon les manganates se dismutent en permanganates et en bioxyde MnO2. Par exemple, avec l’anhydride carbonique, on observe la réaction
3 K2MnO4 + 2 CO2 → 2 KMnO4 + MnO2 + 2 K2CO3.

On connaît l’anhydride Mn2O7, les permanganates ainsi que des solutions aqueuses d’acide permanganique HMnO4. Ces dérivés correspondent au nombre d’oxydation + VII du manganèse. L’acide est fort, et les permanganates ne sont pas hydrolysés. Les permanganates sont oxydants, mais, en solution aqueuse selon le milieu, le terme de leur réduction varie. En milieu nettement acide, on aboutit aux sels manganeux, et la réaction est utilisée pour un certain nombre de dosages. Ainsi

Le dérivé le plus utilisé est le bioxyde MnO2 (qui, à part son rôle de minerai, sert de dépolarisant dans certaines piles électriques), et le permanganate de potassium sert à de nombreux dosages par oxydoréduction.

Gabriel Bertrand a montré le caractère actif du manganèse dans certaines oxydases ; on a trouvé du manganèse dans l’arginase, qui est un ferment du foie qui décompose l’arginine en ornithine et en urée.

H. B.


Les utilisations

Le manganèse est un métal utilisé essentiellement par la sidérurgie, qui absorbe plus de 95 p. 100 de la production ; c’est la raison pour laquelle on ignore son importance réelle dans la vie économique. Le produit n’atteint jamais sous sa forme pure l’utilisateur final. La place du manganèse dans la sidérurgie moderne est pourtant essentielle : en tonnage, il représente plus que l’ensemble de tous les autres métaux utilisés dans les alliages.

Lorsque la fonte sort du haut fourneau, elle contient parfois une quantité appréciable de manganèse. Cela ne constitue pas une gêne, car la présence de ce corps est indispensable pour éliminer le soufre, avec lequel il possède une forte affinité. Au four Martin, en particulier, on utilise de la fonte « manganésée » pour parvenir à débarrasser l’acier d’un élément qui le rend cassant.

Le manganèse, s’il est présent, disparaît presque totalement au cours de la première phase de l’affinage, dans le convertisseur : il s’oxyde plus facilement que le carbone. Pour obtenir de l’acier de bonne qualité en éliminant des corps comme le phosphore, on est conduit à mener très loin l’oxydation, si loin qu’une certaine oxydation du fer se produit. Si l’opération est lente, cela ne présente pas d’inconvénient, car l’oxyde de fer se décante naturellement. En matière industrielle, il faut aller vite. On stoppe donc l’oxydation du fer en introduisant un élément plus avide d’oxygène : on ajoute des ferrosiliciums ou des ferromanganèses, des spiegels, pour employer le terme technique.