Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Malthus (Thomas Robert) (suite)

Le revenu* réel et le profit peuvent être accrus grâce à une amélioration de la « fertilité du sol » ou à des « inventions ». De même, la valeur échangeable du produit peut être accrue grâce à la « division de la propriété foncière », au « commerce intérieur et extérieur » et à l’« entretien de consommateurs improductifs ». En définitive, Malthus a très bien vu que la croissance ne peut être continue sans qu’il y ait un accroissement de la demande ; il a aussi souligné — ce qui est plus fondamental — que cet accroissement de la demande n’est pas spontané.

G. R.

➙ Démographie / Économique (science) / Malthusianisme économique.

 J. Stassart, Malthus et la population (Fac. de droit, Liège, 1957). / A. Sauvy, Malthus et les deux Marx (Denoël, 1963 ; nouv. éd., Gonthier, 1966). / J.-M. Poursin et G. Dupuy, Malthus (Éd. du Seuil, 1972).

malthusianisme économique

C’est à partir de l’idée de restriction des naissances, qui se trouve à la base du malthusianisme démographique (v. démographie), qu’on parle de malthusianisme économique.



Définition

Peuvent être qualifiées de malthusiennes toutes doctrines économiques préconisant délibérément une limitation de la production*. Il arrive même que l’on dénonce comme malthusienne toute idéologie hostile au changement, au progrès sous toutes ses formes, ou encore toutes les attitudes qui, bien que ne relevant pas d’une doctrine consciente, aboutissent au freinage de l’activité productive. De façon plus précise, sous l’expression générale de malthusianisme économique, on désigne les diverses pratiques destinées à réduire l’offre* non pas de façon provisoire (réduction des stocks ou échelonnement des ventes), mais d’une manière durable.

Les procédés malthusiens sont variés. Les uns, par la destruction d’une partie des biens jugés excédentaires, ont pour but de maintenir les prix* à un niveau élevé ou d’empêcher leur effondrement ; ces premiers procédés, surtout utilisés dans une situation où l’offreur dispose d’un pouvoir de monopole, relèvent de ce qu’on a pu appeler un malthusianisme agressif, car, le plus souvent, il s’agit d’obtenir un plus grand profit avec un minimum d’efforts. À cette forme on oppose le malthusianisme larvé, animé par des réflexes conservateurs ou par la recherche de la sécurité ; dans ce cas, les procédés auxquels on recourt présentent un caractère plutôt préventif, s’attachant à empêcher que la production ne devienne excédentaire, ce qui aboutit à transformer les conditions mêmes de la production. Alors que la première forme est le plus souvent dénoncée en raison des actions visibles qui la font remarquer, la seconde est de loin plus dangereuse, car moins spectaculaire.


Le malthusianisme agressif

Le malthusianisme agressif se présente notamment sous la forme d’une action sur les quantités, que l’on cherche à restreindre : il a dominé surtout lors de la grande crise* économique de 1929. Il consiste essentiellement en une destruction totale ou partielle des quantités jugées excédentaires. Dans le domaine de l’agriculture, la destruction est souvent totale : les récoltes sont parfois enfouies, car le prix de vente ne pourrait payer la cueillette et le transport. Par exemple, le café du Brésil était brûlé dans les locomotives, le blé était dénaturé au bleu de méthylène, les vignes ou les arbres fruitiers arrachés. En septembre 1953, le gouvernement américain adopta un programme d’abattage d’une partie du troupeau porcin : 6 millions d’animaux, arrivant à leur plein développement et que ni l’exportation ni la consommation intérieure ne pouvaient absorber, furent détruits. Les éleveurs reçurent plus de 30 millions de dollars d’indemnités.

Dans l’industrie, la restriction de la production prend des aspects moins ouverts et moins brutaux. Certes, on détruit de l’outillage, des groupements patronaux rachètent des usines pour les démolir de fond en comble et envoyer le matériel à la ferraille ; un trust ferme une partie des usines qu’il contrôle. Cette action se marque parfois sur la qualité : un trust anglais prévoyait que l’ampoule électrique ne devait pas durer plus de 1 000 heures. Relèvent aussi de cette forme de malthusianisme les pressions qu’exercent sur les pouvoirs publics certains groupes sociaux pour obtenir un contingentement des importations ou une relèvement des droits de douane. Devant la cherté des produits dont le prix a augmenté par suite de la rareté, il en résulte une restriction du débit par le fait que beaucoup de consommateurs sont amenés à s’abstenir. Mais qu’il y ait cherté par la rareté ou rareté par la cherté, le but est toujours d’établir ou de maintenir des profits élevés en tenant la dragée haute au consommateur. Cependant, entre le malthusianisme agricole et le malthusianisme industriel, une différence très nette apparaît : les producteurs industriels ont plus de facilités que les agriculteurs pour empêcher que les quantités produites deviennent excédentaires ; il leur suffit de fermer des usines, de mettre en veilleuse des équipements ou des chaînes de production, etc. Mais, avec de telles actions, on passe insensiblement déjà au malthusianisme larvé.


Le malthusianisme larvé

Le malthusianisme larvé trahit la prédominance d’un certain état d’esprit, orienté essentiellement vers la recherche de la sécurité ; peu de groupes sociaux échappent d’ailleurs à cette tendance. Au goût du risque et de l’indépendance qui caractérisait les entrepreneurs pionniers du capitalisme se substitue souvent, chez leurs successeurs, la recherche de la sécurité par l’association au fur et à mesure que, selon l’expression de l’économiste allemand Werner Sombart (1863-1941), le « capitalisme prend du ventre ». Les premiers avaient assuré la conquête des positions ; les seconds se contentent de les organiser, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils demeurent inactifs.