Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Malevitch (Kazimir Severinovitch) (suite)

Les premières toiles suprématistes apparaissent à l’exposition « 0,10 » à Petrograd (1915) ; mais, dès 1913, Malevitch a trouvé la forme suprématiste de base, le carré, à partir de laquelle vont se développer tous les groupements suprématistes : statiques, dynamiques, magnétiques, mystiques. Jusqu’à la fin de sa vie, le peintre ne cesse d’approfondir l’intuition de 1913 ; il proclame le principe d’économie (cinquième dimension picturale) en esthétique : « Rendre par la seule surface plane la force de la statique ou bien celle du repos dynamique. » Le point culminant est le Carré blanc sur fond blanc (1918, Museum of Modern Art, New York), carré suprême, mouvement pur : « Le carré blanc porte le monde blanc (la construction du monde) en affirmant le signe de la pureté de la vie créatrice humaine. » La constatation de l’impossibilité où se trouve l’artiste de rendre toute la réalité de l’objet le conduit à la source des réalités : « L’intuition pousse la volonté au principe créateur, mais pour aller vers lui il est nécessaire de se détacher du monde des objets, il faut créer de nouveaux signes. » Dans la nature physique, il n’y a rien de parfait et d’éternel, tandis que « dans les profondeurs éloignées de l’intuition gisent les perfections toujours nouvelles de l’homme et du monde ». Tout tend dans l’univers au repos absolu, à l’immobilité, à la non-existence : là est la perfection divine du monde d’où naît toute existence. Les visions malévitchiennes ont des accents présocratiques (Parménide d’Élée), mais la démarche est proche aussi de la voie taoïste-bouddhique et des techniques spirituelles orthodoxes (hésychasme) dans lesquelles, par la prière, le mystique se débarrasse graduellement du sensible pour atteindre la seule vision de l’Unique.

De 1915 à 1928, Malevitch domine la vie artistique russe par une activité infatigable. Ses disciples sont de plus en plus nombreux, tels au début Ivan (Jean) Pougny (1894-1956), Lioubov Popova (1889-1924), Ivan Klioune (1878-1942). En 1918, il est professeur aux Ateliers supérieurs d’art et de technique (Vkhoutemas) et forme des élèves. En 1919, il remplace Chagall* à la tête de l’école d’art de Vitebsk, qu’il baptise Ou.no.v.is. (Affirmation du nouveau en art). De nouveaux disciples apparaissent, dont Lissitski*, ou encore Nikolaï Souietine (1897-1954) et Ilia Tchachnik (1902-1929), qui créeront de magnifiques assiettes suprématistes. En 1920, Malevitch participe à la création à Moscou de l’Institut de la culture artistique (In.khou.k), où s’opposent ses idées, d’ordre spirituel comme celles de Kandinsky*, aux idées des « productionnistes » matérialistes (Tatline*, Aleksandr Rodtchenko [1891-1956]). En 1922, il est directeur du nouvel Institut de la culture artistique à Petrograd. Il donne une assise plus solide au suprématisme architectural, qui était annoncé par les stades précédents. À partir de 1923, les aspects dynamiques et volumiques évoluent vers un stade architectonique qui vise à transformer l’environnement de l’homme dans l’avenir : pour Malevitch, comme pour Tatline et pour Gueorgui Yakoulov (1884-1928), l’ère de la peinture de chevalet est révolue ; la plume de l’architecte doit remplacer le pinceau.

En 1928, au retour de son voyage en Pologne et en Allemagne, Malevitch entre dans l’ombre, car l’art d’avant-garde est combattu en U. R. S. S., puis condamné en 1932. Il est arrêté en 1935 : on ne le fera sortir de prison que pour le laisser mourir chez lui, miné par un cancer. Son œuvre, dont l’influence a été considérable (surtout en Amérique avec le minimal art), reste la manifestation la plus radicale de l’art abstrait*.

J.-Cl. M. et V. M.

 C. Gray, The Great Experiment, Russian Art, 1863-1922 (Londres, 1962 ; trad. fr. l’Avant-garde russe dans l’art moderne, 1863-1922, la Cité des arts, Lausanne, 1968). / D. Vallier, l’Art abstrait (le Livre de Poche, 1967). / T. Andersen, Malevitch (Amsterdam, 1970). / V. Marcadé, le Renouveau de l’art pictural russe (1863-1914) [l’Âge d’homme, Lausanne, 1972].

malformation

Vice de structure grossier du corps, présent à la naissance.


Les malformations congénitales impliquent une anomalie du développement au cours de la période d’embryogenèse et d’organogenèse, c’est-à-dire dans les trois premiers mois de la vie intra-utérine. Passé ce délai, en effet, le fœtus est constitué, avec tous ses organes, et ne peut plus être malformé, au sens strict, mais tout au plus « déformé ».

Les données relatives à la fréquence des malformations sont extrêmement variables. Il est probable, néanmoins, qu’à la naissance 2 à 3 p. 100 des nouveau-nés présentent une ou plusieurs malformations majeures et qu’à la fin de la première année ce taux soit doublé par la découverte de malformations non décelables à la naissance. L’étude de ces malformations constitue la tératologie, science dont les Geoffroy Saint-Hilaire, père et fils, ont jeté les bases dès le début du xixe s.


Les principales malformations

Un même processus tératogène est capable, selon son intensité, le moment et la durée de son action, d’occasionner une perturbation de la morphogenèse (monstruosité) ou une perturbation de l’organogenèse (malformation simple).


Les monstruosités

Elles représentent les variétés majeures des malformations congénitales. Un petit nombre seulement permettent la survie.

Les monstres composés sont les plus rares, mais les plus spectaculaires. Les moins rares d’entre eux sont les monstres doubles, dont la fréquence est de 1 pour 50 000 naissances. Le plus souvent, les deux corps sont unis par le crâne (céphalopages), par le rachis (rachipages) ou par les deux régions lombo-sacrées (pygopages) et possèdent chacun un ombilic distinct. Il y a quelques exemples célèbres, presque toujours féminins, de pygopages qui ont vécu. Les essais de séparation ont jadis été désastreux, mais une tentative de ce genre a été récemment couronnée de succès en Italie. Parfois, les deux corps possèdent un ombilic unique desservant les deux composants qui fusionnent au niveau du thorax (xiphopages). Il en existe une quinzaine d’exemples célèbres, dont les plus connus sont les frères siamois qui vécurent soixante-trois ans, épousèrent deux sœurs et eurent vingt-deux enfants.