Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Malebranche (Nicolas de) (suite)

Conséquence de cette célèbre doctrine de la vision en Dieu : nous ne pouvons discerner que ce que Dieu nous fait voir et veut nous révéler. De la sorte, tous les esprits sont éclairés par la même raison universelle, immuable et infinie : la divinité elle-même. Si l’objectivité de la science du monde est par là établie, il dépend aussi de l’analyse que l’étendue matérielle est, elle aussi, intelligible.

M. D.

 H. Gouhier, la Philosophie de Malebranche et son expérience religieuse (Vrin, 1926 ; 2e éd., 1948). / A. Cuvillier, Essai sur la mystique de Malebranche (Vrin, 1954). / M. Guéroult, Malebranche (Aubier, 1955-1960 ; 3 vol.). / G. Dreyfus, la Volonté selon Malebranche (Vrin, 1958). / G. Rodis-Lewis, Nicolas Malebranche (P. U. F., 1963). / A. Robinet, Système et existence dans l’œuvre de Malebranche (Vrin, 1965) ; Malebranche, de l’Académie des sciences. L’œuvre scientifique, 1674-1715 (Vrin, 1970). / Malebranche, l’homme et l’œuvre (Vrin, 1967). / P. E. Elungu, Étendue et connaissance dans la philosophie de Malebranche (Vrin, 1973).

Les œuvres de Malebranche

1674-75

De la recherche de la vérité, t. I et II : Malebranche doit se défendre contre les attaques du chanoine de Dijon Simon Foucher (1644-1696) et du jésuite Louis Le Valois, qui insistent sur l’incompatibilité de la doctrine malebranchiste avec l’eucharistie. Un cartésien de stricte obédience, Pierre Régis (1632-1707), refuse sa définition des idées. Leibniz* fait chorus pour dénoncer les lois du mouvement formulées par le texte.

1676

Conversations chrétiennes.

1677

Méditations sur l’humilité et la pénitence : origine d’une longue polémique sur la grâce avec le janséniste Arnauld. (V. jansénisme.)

1678

De la recherche de la vérité. T. III, contenant plusieurs éclaircissements sur les principales difficultés des précédents volumes.

1680

Traité de la nature et de la grâce : violemment réprouvé par Bossuet*, par Arnauld, qui riposte en publiant Des vraies et des fausses idées (1683), et par Fénelon*, qui rédige une Réfutation du système du Père Malebranche. L’ouvrage est mis à l’index dès 1690 et encore en 1709-1714.

1683

Méditations chrétiennes et métaphysiques.

1684

Traité de morale.

1688

Entretiens sur la métaphysique et sur la religion.

1697

Traité de l’amour de Dieu : l’auteur prend parti pour Bossuet contre Fénelon dans la querelle du quiétisme*.

1708

Entretiens d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois sur l’existence et la nature de Dieu.

1715

Réflexions sur la prémotion physique : « Car il était aussi grand géomètre et grand physicien. Son savoir [...] lui fit donner une place d’honoraire à l’Académie des sciences » (Fontenelle).

Malevitch (Kazimir Severinovitch)

Peintre russe (près de Kiev 1878 - Leningrad 1935).


Il commença à s’affirmer dans les expositions de l’avant-garde russe à partir de 1910, avec des toiles inspirées de Gauguin* et de tendance néo-primitiviste (le Pédicure, Sur le boulevard, 1910 ; le Jardinier, les Cireurs de parquet, 1911 ; toutes au Stedelijk Museum d’Amsterdam), teintées souvent d’un expressionnisme violent (le Baigneur, 1911, Stedelijk Museum ; Polka argentine, 1911, coll. Aberbach, New York). On retrouve l’élément primitiviste dans l’étape cubo-futuriste (1912-1914) : Un matin après la tempête de neige dans le village (1912, Stedelijk Museum) ou le Faucheur (1911, galerie Tretiakov, Moscou). Il s’agit chez Malevitch d’une interprétation symbolique du sujet populaire, surtout paysan, mettant l’accent sur le tragique de la condition humaine.

Dès 1910 apparaît la dématérialisation du visage humain, réduit à la forme ovale, élément que le peintre reprendra plus tard non seulement dans les œuvres suprématistes, mais aussi vers 1918, quand, il reviendra à une certaine figuration. Pour l’instant, l’ovale s’accompagne d’une croix ; une des œuvres les plus remarquables de Malevitch, Tête de paysan sur croix rouge (Musée russe, Leningrad) est comme l’allégorie de la souffrance du peuple russe. Il semble que Malevitch ait été influencé par les penseurs chrétiens russes, en particulier Nikolaï F. Fedorov (1828-1903), pour lequel il ne devait y avoir ni rapport objectif ni rapport subjectif à l’objet, mais un rapport projectif : une transformation de la connaissance en « projet d’un monde meilleur ». Dans ses nombreux écrits, Malevitch emploiera souvent une terminologie mystique, et dans ses œuvres suprématistes un des éléments fondamentaux sera la croix orthodoxe à huit extrémités, symbole de la fin de la vie terrestre et de la résurrection, auquel s’ajoute la forme ovale rappelant les œufs colorés dont le peuple russe orne ses tables lors de la fête de Pâques. Enfin, beaucoup de convergences, comme les signes de base du suprématisme (carré, croix, cercle noirs), ramènent à certaines implications bouddhiques, en particulier dans leur variante zen.

Jusqu’en 1913, Malevitch se place dans le sillage de Larionov*, participe à ses expositions. Entre 1911 et 1913, il crée une variété de cubisme qu’il appelle alogisme ou réalisme transmental (zaoumny realizm) [la Vache et le violon, Musée russe]. Les œuvres importantes de l’alogisme furent présentées à l’exposition de l’Union de la jeunesse, en 1913-14. Elles réduisent l’objet à « des axes par lesquels passe le développement des formes, des volumes, des lignes droites et courbes ». L’alogisme malévitchien suit la même démarche que la poésie transmentale (zaoum) de Velemir Khlebnikov (1885-1922), qui tendait à une instrumentation rythmique du matériau verbal, sans souci de la syntaxe et de la logique habituelles. En 1913, on trouve aussi des toiles groupées sous l’étiquette du réalisme cubo-futuriste (Femme moissonnant, Réchaud, Pendule, Lampe, Samovar...). Cette même année, l’artiste fait les décors de l’opéra futuriste de M. Matiouchine (1861-1934), Victoire sur le soleil.