Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Maine (suite)

Le destin du Maine a été lié à sa situation. Une remarquable croisée de routes, de la Normandie vers l’Anjou par la Sarthe et de Paris vers la Bretagne par l’Huisne et les plateaux bas-manceaux, révèle dès l’Antiquité, au confluent des deux rivières, une position maîtresse (Le Mans). Le rôle de marche frontière de la province, à l’époque féodale, face à la Bretagne, la confirme. Le Maine est le type même de la formation politique née de sa grande ville. Au xixe s., le chemin de fer consacre le carrefour. Une même transition climatique nord-sud des affinités herbagères normandes au vignoble ligérien, des améliorations agraires hissant le bas pays au niveau du haut, une même orientation marchande vers les spéculations animales (bovins, porcs, chevaux, volailles), de fortes traditions industrielles (textiles, métallurgie), une démographie vigoureuse, un vieux fond de conservatisme créent entre haut et bas Maine d’autres similitudes.

La distinction des deux Maines, soulignée par le partage administratif de 1790, n’en est pas moins une réalité. Le Maine, boisé, coupé de bocages, ne s’est jamais totalement rassemblé autour de sa capitale : l’audience du Mans n’excède guère les limites de son département. Pris entre des forces contraires, il reste, aujourd’hui comme hier, écartelé entre Paris et Rennes, Caen et la Loire (Tours, Angers, Nantes). Son rattachement à la Région Pays de la Loire en 1960 a rapproché la Sarthe de Nantes sans pour autant éloigner la Mayenne de Rennes. Les avis émis depuis 1972 par les deux départements pour leur incorporation, le premier à une région Loire moyenne, le second à la Bretagne, illustrent une divergence d’intérêts qui ne s’était encore jamais aussi clairement exprimée.

Y. B.


L’histoire

À l’époque de l’occupation romaine, la région était englobée dans la province lyonnaise. Elle correspondait aux cités gauloises des Aulerques avec les deux carrefours du Mans (Vindinum) et de Jublains (Noviodunum).

Après les raids des envahisseurs bretons et normands, le pays devint durant le haut Moyen Âge le diocèse du Mans, puis il tomba au pouvoir de comtes héréditaires. Dans la seconde moitié du xie s., le comté du Maine fut l’enjeu des luttes d’influence opposant les comtes d’Anjou et les ducs de Normandie.

Au début du xiie s., il fut rattaché à l’Anjou* et, en 1154, fit partie de l’héritage des rois d’Angleterre, lorsque Henri II* Plantagenêt, comte d’Anjou, devint le souverain de ce royaume. Au cours de sa lutte contre Jean sans Terre, le roi de France Philippe II Auguste en prit possession en 1203, et, en 1228, l’administration royale y fut établie.

En 1246, Saint Louis donna le comté en apanage, avec l’Anjou, à son frère Charles, le futur roi de Sicile. Durant la guerre de Cent Ans, le Maine fut ravagé par les Anglais, qui l’occupèrent lors des campagnes de 1424-25 et de 1433-34 : la libération totale du territoire ne fut effective qu’en 1450.

À la mort du dernier comte du Maine, Charles II (Charles V d’Anjou), en 1481, le roi Louis XI reprit possession du comté, qui fut définitivement réuni au domaine royal.

P. R.

➙ Laval / Loire (Pays de la) / Mans (Le) / Mayenne / Sarthe.

 F. Dornic, Histoire du Maine (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1960). / G. Pierret, la Nécessité économique de l’aménagement du territoire dans le Maine (Le Mans, 1960). / A. Bouton, le Maine, histoire économique et sociale des origines au xvie siècle (l’auteur, Le Mans, 1964-1971 ; 2 vol.). / Maine-Anjou (Horizons de France, 1968). / F. Lebrun (sous la dir. de), Histoire des pays de la Loire (Privat, Toulouse, 1972).


L’art dans le Maine

La région se divise en deux zones : le bas Maine, marqué par l’influence bretonne, et le haut Maine, marqué par celle du Bassin parisien. Mais l’ensemble de la production médiévale y subit l’ascendant de l’église romane de Notre-Dame-de-la-Couture et de la cathédrale du Mans* À l’époque romane appartiennent partiellement certaines églises de campagne, l’église Saint-Jean de Château-Gontier (important décor peint détérioré), la croisée du transept et le clocher de la cathédrale de Laval (qui conserve trois beaux monuments funéraires des anciens seigneurs de la baronnie), et surtout, dans la même ville, l’essentiel de l’église Notre-Dame-d’Avesnières (milieu du xiie s.), où se voient deux statues colossales en bois peint, un Christ du xve s. et un saint Christophe du xvie. C’est près de Mortagne-au-Perche qu’en 1140 Rotrou III, comte du Perche, fonda l’abbaye de la Trappe, reconstruite à la fin du xixe s.

L’ère féodale a laissé quelques témoins typiques : le château de Mayenne, la porte fortifiée de celui de Sablé-sur-Sarthe (reconstruit au xviiie s.), le château de Nogent-le-Rotrou, avec son massif donjon du xie s. et son logis du xve, d’où proviennent la statue funéraire de Sully par Barthélemy Boudin (1642) et celle — d’authenticité moins sûre — de Rachel de Cochefilet, épouse du grand ministre : toutes deux sont passées à l’hôtel-Dieu de Nogent-le-Rotrou. Au style gothique ressortissent le chœur rayonnant de l’église d’Evron (nef et tour romanes), le château d’Écoublère, domaine des du Guesclin, les tours à mâchicoulis de l’ancien château de Bazouges-sur-le-Loir et l’original manoir de la Buzardière, près de Parigné-l’Évêque, construit sur un plan aux décrochements ingénieusement complexes. Ce dernier édifice annonce, comme le château de Saint-Ouen (près de Château-Gontier), le goût de la Renaissance, qui règle l’ordonnance de la façade François-Ier dans l’imposant ensemble du Lude, de l’escalier voûté de caissons de Poncé-sur-le-Loir, du château plus tardif de Foulletorte, comme des deux belles verrières replacées dans l’église moderne de Sablé-sur-Sarthe. Du nouveau style, associé au gothique flamboyant, l’église de La Ferté-Bernard offre un exemple typique. La ville était déjà considérable au xie s. : c’est dans ses murs qu’en 1189 se rencontrèrent Philippe II Auguste et Richard Cœur de Lion. Mais son église primitive fut reconstruite dans la seconde moitié du xve s., ainsi qu’au xvie s. en ce qui concerne l’ample chœur, dont les chapelles absidiales s’ornent de voûtes ouvragées à « clés pendantes » ; la balustrade du chœur n’est pas moins remarquable : elle est sculptée à jour, et ses arabesques font lire le début de l’antienne Salve regina caeli. La Ferté-Bernard, dont le nom trahit l’origine féodale, possède encore un hôtel de ville du xvie s. aux élégantes tourelles, une halle en charpente de 1535 et plusieurs maisons de la première moitié du xvie s., décorées de sculptures satiriques.