Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Madrid (suite)

Le xixe s. a détruit autant qu’il a construit. L’invasion française et les guerres carlistes ayant provoqué la suppression, puis la démolition de nombreux couvents, des places spacieuses naissent (plaza de Oriente devant le Palais, plaza de Bilbao, del Rey, etc.) ainsi que des jardins. Les rues du centre prennent la physionomie qu’elles garderont pendant un siècle : maisons de brique à quatre ou cinq étages, avec de hautes fenêtres et de grands balcons. Ces ensembles, harmonieux dans leur modestie, sont plus attachants que les pastiches gothiques, Renaissance, voire mudéjars qui séviront dans les édifices publics ou dans les « palais » de la Castellana (« Champs-Élysées » madrilènes prolongeant le Prado) et du nouveau quartier résidentiel édifié au nord-est par un financier romantique, le marquis de Salamanca.

La fiévreuse croissance de Madrid depuis le début du xxe s. a rompu l’équilibre, détruit l’harmonie de cette ville à la fois rustique et royale. Les édifices du style « nouveau riche » qui suivit la Première Guerre mondiale, la percée de la fâcheuse Gran Vía (1916-1934) n’étaient que le prélude aux récents bouleversements des quartiers du centre et à l’édification de buildings disproportionnés. La préservation des vieux quartiers historiques, la réussite de la Cité universitaire, à la périphérie (reconstruite après les combats de la guerre civile), la perspective assez grandiose de la Avenida del Generalísimo, nouvelle entrée septentrionale de Madrid, ne compensent pas le massacre de ce qui fut, et reste, le cœur de la vie urbaine.


Les musées

En revanche, le bilan des xixe et xxe s. est entièrement positif sur un autre plan, la création d’un magnifique ensemble de musées. En tête et hors série se détache le Prado, presque exclusivement voué à la peinture, et qui occupe depuis sa création, en 1819, le noble édifice construit par Juan de Villanueva (1731-1811) pour les sciences naturelles. Conçu d’abord pour exposer un florilège des collections royales, il devint « national » à la révolution de 1868 et reçut alors plusieurs centaines de tableaux espagnols provenant des couvents supprimés. Aujourd’hui, il est un des plus importants musées d’Europe, peut-être le premier par sa densité en chefs-d’œuvre (Bosch...) et par ses ensembles massifs de certains maîtres (Titien, Rubens, Vélasquez, Goya). Musée national et international, il reflète les goûts des souverains qui durant trois siècles protégèrent les peintres et dont l’un, Philippe IV, fut le collectionneur le plus passionné de son temps. Les Vénitiens, les Flamands, les Français, les Allemands y sont représentés par des œuvres maîtresses. Mais le Prado permet aussi de suivre tout le déroulement de la peinture espagnole, et spécialement castillane, des fresques romanes à Goya. Il se prolonge depuis 1971 par l’annexe du Casón, qui réunit les meilleurs tableaux du xixe s. de l’ancien musée d’Art moderne, tandis qu’un grand musée d’Art contemporain est installé à la Cité universitaire.

D’autre part, le musée de l’Académie des beaux-arts offre un ensemble de peintures en majorité espagnoles qui complète fort bien le Prado, notamment pour Zurbarán et Goya. Le musée Archéologique apporte un ensemble d’œuvres capitales pour la connaissance de l’Espagne ibérique (la Dame d’Elche), wisigothique (les croix de Guarrazar), musulmane (les arcs de l’Aljafería de Saragosse), etc. Mais, à côté de ces grands musées, d’autres, plus spécialisés, sont des modèles d’installation et contiennent des trésors : Musée romantique, musée du Peuple espagnol (ethnographie et folklore), musée des Arts décoratifs. Il faut y joindre deux grandes collections riches en chefs-d’œuvre, léguées à l’État espagnol avec le « palais » construit pour elles : le musée Cerralbo (Greco, Zurbarán, etc.) et le musée Lázaro Galdiano (émaux, ivoires, primitifs espagnols, école de Madrid, œuvres de Goya et de ses satellites, peinture anglaise, etc.).

P. G.

 R. de Mesonero Romanos, El antiguo Madrid (Madrid, 1861-1881 ; 2 vol. ; nouv. éd., 1925-26). / P. Guinard, Madrid, l’Escorial et les anciennes résidences royales (Laurens, 1936). / F. Chueca Goitia, El Semblante de Madrid (Madrid, 1951) ; Madrid-Tolède (A. Michel, 1972). / A. J. Onieva, Guía del Museo del Prado (Madrid, 1956 ; trad. fr. Nouveau Guide complet du musée du Prado, Madrid, 1960 ; 4e éd., 1967). / A. Bonet Correa, Iglesias madrileñas del siglo XVII (Madrid, 1961). / C. González-Ruano ; Madrid, apéndice, dedicata a la visíta al Museo del Prado (Barcelone, 1963 ; trad. fr. Madrid, suivi de Une visite au Prado, Barcelone, 1966). / F. J. Sánchez Cantón et H. B. Wehle, El Museo del Prado (Santander, 1963 ; trad. fr. le Musée du Prado, Cercle d’art, 1963). / M. Lorente, le Prado (Larousse, 1965 ; 2 vol.).

madrigal

Forme poético-musicale qui a constitué au xive s., puis au xvie, l’un des genres les plus importants de la musique polyphonique profane en Italie.


Au xive s., à l’époque de l’Ars* nova, le madrigal, qui est la chanson artistique par excellence et qui consiste en un bref poème composé de plusieurs strophes de trois vers suivies d’un ritornello de un ou deux vers, est écrit le plus souvent à deux voix, le cantus déroulant de longues vocalises sur un ténor au rythme soutenu. De 1340 environ à 1365, ce genre atteint son apogée avec Giovanni da Cascia (ou da Firenze), Piero da Firenze et surtout Jacopo da Bologna, sa vogue décroissant ensuite au profit de la ballata, désormais préférée par des musiciens comme Francesco Landino († 1397).

Le madrigal qui se développe de nouveau au xvie s. n’a de commun avec le précédent que le nom, celui-ci réapparaissant pour la première fois en 1530 dans un recueil publié à Rome chez Dorico sous le titre : Madrigali novi de diversi excellentissimi musici. Libro primo della Serena. Beaucoup plus libre dans sa forme que celui du xive s., ce madrigal (que les canzoni de la fin du xve s. annonçaient déjà) n’est plus constitué que d’un poème continu dont le musicien, suivant l’idéal du moment, s’efforce de traduire les sentiments en une composition qui, dégagée de la forme strophique, devient à son tour un véritable poème musical, sans redites ni refrain. Toutes les voix (le plus souvent 4 ou 5) ont désormais la même importance, et les compositeurs, faisant usage, comme dans le motet de la même époque, de toutes les ressources du contrepoint, édifient une polyphonie complexe, tantôt en style imitatif, tantôt en style vertical. Suscité en littérature par le retour à Pétrarque et les réformes linguistiques des humanistes comme Pietro Bembo*, le madrigal, grâce à une pléiade de compositeurs de très grand talent, a pu répondre à l’idéal artistique d’une élite et représente l’une des formes les plus originales de toute l’histoire de la musique italienne.