Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Madagascar (suite)

Les Français parvinrent à s’établir de manière plus durable puisque leur premier comptoir allait subsister pendant trente-deux ans (1642-1674). Seuls de cette nation, quelques marins normands (les frères Jean et Raoul Parmentier en 1529) avaient jusqu’alors approché des rives de la Grande Île quand, en 1642, le capitaine Rigault fonda une Compagnie d’Orient (à l’origine de la Compagnie des Indes orientales) qui obtint de Richelieu un privilège commercial de dix ans dans l’île de Madagascar. C’est ainsi qu’après un bref passage à Sainte Luce une soixantaine de colons français s’installèrent dans le sud de l’île en un endroit qu’ils baptisèrent Fort-Dauphin (1643).

Cet établissement connut tout d’abord une certaine prospérité. Des missions reconnurent tout le sud de l’île, et l’on parvint à se procurer du riz et des bœufs en grande quantité. Par la suite, les relations avec la tribu voisine des Antanosys (Tanusis) se détériorèrent, et la situation de Fort-Dauphin devint plus inconfortable. Le premier gouverneur, le huguenot rochelais Jacques Pronis, fut en 1648 remplacé par le sire Etienne de Flacourt (1607-1660), qui, avec de faibles ressources, parvint à faire face aux rigueurs du climat et à l’hostilité des autochtones, auxquels il livra quelques combats, mais la colonisation ne fit aucun progrès. Flacourt quitta l’île en 1660, et dès lors l’établissement ne cessa de péricliter. En 1667, le marquis de Montdevergue reprit en main la colonisation et envoya le commerçant François Martin explorer l’intérieur de l’île. Cet effort ne put conjurer l’échec final, et le comptoir fut définitivement abandonné en 1674. En dépit de cet insuccès, la tentative des Français à Madagascar avait considérablement fait avancer l’état des connaissances sur la Grande Île. Flacourt en particulier a laissé un ensemble d’ouvrages consacrés au pays et à ses habitants (Histoire de la grande isle de Madagascar, 1653 ; Dictionnaire de la langue de Madagascar, 1658, etc.).

À la fin du xviie et au début du xviiie s., l’île, abandonnée par les marchands européens, devint un repaire de pirates rescapés de la flibuste des Antilles. Pendant une quarantaine d’années, ceux-ci hantèrent l’océan Indien occidental, pillant les vaisseaux de la route des Indes : ils avaient fondé, probablement dans la baie de Diégo-Suarez, un établissement terrestre qui prit le nom de république de Libertalia. Par la suite, l’île fut surtout utilisée comme une réserve de main-d’œuvre servile pour les plantations des Mascareignes. La tentative du comte de Modave de restaurer l’établissement du Fort-Dauphin (1768-1771) se solda par un échec. Il en fut de même de la pittoresque aventure du baron M. Benyovszky, aventurier hongrois qui était parvenu à intéresser le ministre français de la Marine à une nouvelle entreprise à Madagascar : son établissement de la baie d’Antongil prit fin de façon tragique.

Vers la fin du xviiie s., le territoire de la Grande Île apparaissait divisé entre un certain nombre de royaumes à base le plus souvent tribale. Il y avait tout d’abord les royaumes côtiers ménabé et boina, peuplés de Sakalaves, sur la côte occidentale, betsimisaraka sur la côte orientale, mahafaly et antandroy au sud. Au centre de l’île, on trouve deux petits royaumes betsiléo et imérina. C’est ce dernier État qui allait prendre l’initiative de l’unification politique de la Grande Île. L’artisan de cette œuvre fut incontestablement Andrianampoinimerina, qui fut proclamé roi d’Ambohimanga vers 1787. Son premier soin fut de réunifier l’Imérina, qui, à son avènement, se trouvait morcelé en plusieurs chefferies. Il transféra sa capitale à Tananarive et dota son royaume d’une organisation de type féodal. Il parvint à soumettre les Betsiléos et entra en relation avec les chefs des royaumes côtiers. À sa mort, en 1810, l’Imérina était de loin le plus puissant des royaumes malgaches. Il entretenait des relations commerciales suivies avec les traitants des Mascareignes, auxquels il fournissait des esclaves.


Dé 1810 à 1885

« Souviens-toi que la mer est la limite de ta rizière. » Ce conseil aurait été prodigué par Andrianampoinimerina mourant à son fils et successeur désigné, Radama. Ce propos sibyllin résume l’aspiration des rois mérinas à placer la Grande Île sous une unique autorité politique, la leur.

Radama Ier, qui régna de 1810 à 1828, entreprit de consolider et de parachever l’œuvre de son père. Il eut la bonne fortune d’entrer en relation avec le gouverneur de Maurice, sir Robert Farquhar, qui s’intéressa à son entreprise et résolut de l’encourager.

Un traité passé en 1817 entre la Grande-Bretagne et Radama Ier donnait à celui-ci le titre de roi de Madagascar. C’était la première sanction internationale du rôle joué par la dynastie mérina. Ce traité, signé en vue de la suppression de la traite des esclaves, prévoyait également la fourniture de divers armements par les Anglais. Il fut renouvelé trois ans plus tard, en 1820. Dès cette époque, le royaume mérina commença de s’organiser sur le mode d’un État européen, pourvu d’une armée moderne et même d’un système scolaire.

L’un des premiers soucis de Radama fut d’assurer un débouché maritime à son royaume. Dès 1817, le chef de Tamatave, Jean René, se reconnut vassal ainsi qu’une grande partie du pays betsimisaraka. C’est vers cette époque que prirent fin les expéditions des Malgaches côtiers qui, depuis les royaumes sakalaves du Ménabé et du Boina, furent à leur tour annexés par Radama. À la mort de celui-ci (1828), la majeure partie de la Grande Île était donc placée dans la dépendance de Tananarive.

Le règne de la reine Ranavalona Ire, de 1828 à 1861, fut par contre caractérisé par une réaction dans tous les domaines et le retour aux usages d’antan. Un mouvement de xénophobie se fit jour, et la plupart des étrangers — conseillers ou missionnaires — furent expulsés de l’Imérina. Les intérêts des traitants furent lésés, ce qui provoqua quelques interventions des marines européennes (Tamatave notamment fut bombardée à deux reprises : 1829 et 1845).