Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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machinisme agricole (suite)

La lenteur de l’évolution, le décalage constaté au cours de notre rapide analyse historique s’expliquent ainsi partiellement par ces contraintes techniques. Il faudrait y ajouter un certain nombre de contraintes socio-économiques provenant de la nature du milieu humain dans lequel s’effectue la mécanisation de l’agriculture. L’analyse des conséquences de la mécanisation sur la production agricole permettra de mettre en valeur certaines de ces contraintes économiques.


La mécanisation agricole a des conséquences socio-économiques importantes

Toute mécanisation a évidemment des conséquences économiques et sociales puisqu’elle se répercute sur la production et sur la main-d’œuvre. Mais ces conséquences sont atténuées ou au contraire accentuées par le caractère particulier de la production agricole.

• Principaux avantages de la mécanisation agricole
La productivité. Une productivité est toujours un rapport entre une quantité produite et un facteur de production (exprimé en quantité ou en valeur) : par exemple, un nombre de quintaux de céréales par hectare de surface céréalière, un nombre de tonnes de betteraves récoltées par heure de main-d’œuvre définissent des productivités.

L’accroissement de productivité dû à la mécanisation se fait sentir dans l’agriculture comme dans les autres secteurs de l’économie. Des points de repère éloignés dans le temps font apparaître cette augmentation dans toute son évidence.

En France, par exemple, vers 1860, c’est-à-dire avant toute motorisation, les terres labourables représentaient environ la moitié du territoire national ; en 1967, elles ne représentaient plus que le tiers de ce même territoire. Sur des surfaces bien plus faibles, on produit globalement beaucoup plus, puisqu’il faut nourrir mieux (le niveau de vie augmente) un plus grand nombre de consommateurs (la population s’accroît). C’est donc un accroissement de productivité (productivité de la terre) qui est le résultat de l’ensemble des progrès agronomiques (sélection des variétés les plus productives, fertilisation chimique, protection phytosanitaire, etc.) et qui n’a été rendu possible que par le progrès de la mécanisation. Seuls les matériels modernes ont permis de mettre en œuvre les progrès de l’agronomie et de profiter des accroissements de rendement qui résultent de ces progrès.

La productivité du travail s’est accrue dans des proportions encore plus spectaculaires. Quelques chiffres illustrent ce phénomène. Vers 1860, la population active agricole représentait un peu plus de 50 p. 100 de la population active totale. En 1970, ce pourcentage était inférieur à 17 p. 100 : seule la machine permet à moins de travailleurs de produire plus en un temps plus court (la durée moyenne du travail a également diminué).

D’après Jean Fourastié, la productivité quantitative de l’heure effective de travail agricole aurait été, en un siècle, multipliée par 6,3.

Au niveau d’une opération particulière, les temps moyens de travaux pour une même surface diminuent de façon spectaculaire avec la mécanisation, comme le montre le tableau I.

Au niveau de la main-d’œuvre globale d’une exploitation, la même évolution, due en grande partie aux possibilités de la machine, peut être mise en évidence. Au temps des attelages, une ferme de 120 ha employait en permanence une quinzaine d’ouvriers ; actuellement, elle peut parfaitement fonctionner avec un ouvrier et le chef d’exploitation et deux ou trois tracteurs. On parle déjà d’une nouvelle exploitation familiale ayant cette structure. Les exploitations familiales anciennes devront, pour subsister, soit se grouper, soit se spécialiser vers des productions de luxe peu mécanisables.

Enfin, la mécanisation augmente parfois le rendement ou la qualité du produit, donc sa valeur marchande et les productivités exprimées en valeur. Quelques exemples :
— les semis mécaniques, en ligne à profondeur constante, à dose contrôlée, à espacement constant permettent l’implantation d’une population qui explorera au mieux le sol ;
— les outils aratoires modernes, grâce à leur rapidité, permettent des interventions au meilleur moment, quand les conditions climatiques sont les plus favorables ; le rendement peut s’en trouver nettement amélioré ;
— les traitements antiparasitaires rapidement et soigneusement faits avec des machines à fort rendement permettent d’éviter des catastrophes et agissent sur la qualité comme sur la quantité des récoltes ;
— les machines de récolte modernes permettent d’enlever rapidement le produit, alors qu’il est à son meilleur stade physiologique, et de le soustraire aux dégradations éventuelles par les agents atmosphériques, c’est donc une double amélioration de qualité que l’on peut imputer aux machines de récolte.

• Les conditions de travail. Pour une même production, le travail effectué mécaniquement est plus rapide ; la fatigue de l’ouvrier sera donc plus faible par unité de temps, ou le temps passé sera réduit pour des efforts identiques. C’est une conséquence directe de l’amélioration de la productivité.

Mais, à cette possibilité d’amélioration quantitative des conditions de travail, il faut ajouter une amélioration qualitative, en particulier pour les travaux sales, dangereux et pénibles : nettoyage des locaux d’élevage, épandages des déjections animales et des engrais chimiques, battages, élimination des mauvaises herbes, etc.

• Transfert d’activités. L’agriculteur est libéré par la machine de certains travaux purement manuels et il peut consacrer ce temps à des tâches plus intellectuelles qui sont les activités normales d’un chef d’entreprise : comptabilité, gestion, recherche de spéculations nouvelles, activité commerciale, activité professionnelle, etc.

Il peut consacrer aussi davantage de temps à ses loisirs et voir son mode de vie se rapprocher un peu de celui des entrepreneurs des autres secteurs économiques.