machinisme (suite)
Récemment, une nouvelle argumentation est apparue contre le machinisme. La machine, pour être pleinement efficace, doit être insérée dans tout un réseau de machines et de services. Elle entraîne donc la concentration des hommes en certains lieux privilégiés. Cette concentration entraîne à son tour la dégradation de l’environnement matériel et humain de la plupart, la désertion des zones d’habitation traditionnelle et l’occupation anarchique de lieux de détente. De plus, la machine laisse des déchets, qui polluent l’air et l’eau, et multiplie les objets, dont le sort fatal est de finir sous forme d’ordures. Bref, le machinisme a des répercussions négatives multiples sur le cadre naturel et social de la vie.
Une argumentation plus subtile consiste à montrer que tout n’est pas mécanisable, du moins dans les mêmes proportions. Si l’on peut concevoir une usine qui fonctionne de façon entièrement automatique, une foule d’activités tertiaires requièrent le temps, l’énergie et l’habileté des hommes. Bref, le machinisme, loin de déboucher sur le loisir* généralisé, permet simplement de transférer des hommes des activités mécanisables (des secteurs primaire et secondaire) vers des activités non mécanisables (le secteur tertiaire).
Enfin, le machinisme suppose d’énormes immobilisations de capitaux et de savoir-faire, qui interdisent aux peuples qui ont pris un départ tardif dans la course au machinisme d’espérer rejoindre les premiers partis. Le machinisme accentue donc l’hétérogénéité de l’humanité et tend à la figer en deux blocs que séparent aussi bien la richesse que la puissance.
Ces deux visions contradictoires sont fondées l’une et l’autre dans les faits. C’est dire que le machinisme n’est, par lui-même, ni une panacée ni une catastrophe : tout dépend de l’usage qu’en font les hommes.
J. B.
➙ Automatisation / Energie / Industrielle (révolution) / Travail.
L. Mumford, Technics and Civilization (New York, 1934 ; trad. fr. Technique et civilisation, Éd. du Seuil, 1950). / D. Faucher, le Paysan et la machine (Éd. de Minuit, 1950). / G. Friedmann, le Travail en miettes (Gallimard, 1956). / C. R. Walker (sous la dir. de). Modern Technology and Civilization (New York, 1962). / B. de Jouvenel, Arcadie. Essais sur le mieux-vivre (S. E. D. E. I. S., 1968).