Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

macédonienne (dynastie) (suite)

En politique intérieure, Romain Ier s’attacha à défendre la petite propriété contre les « puissants », qui accaparaient les terres des pauvres, dont ils faisaient leurs serfs. À l’extérieur, il affronta l’émir de Mossoul en Arménie et en Mésopotamie (931-944), et repoussa les invasions russes de 941 et de 944. Ce grand basileus connut une fin tragique : il fut arrêté par ses deux fils (944) et déporté dans l’île de Proti, où il termina sa vie comme moine (15 juin 948). Mais les deux usurpateurs furent à leur tour déposés (27 janv. 945) et exilés au profit de l’empereur légitime.

C’est ainsi que Constantin VII Porphyrogénète, âgé de quarante ans, parvint à l’exercice du pouvoir. Érudit plus qu’homme d’État, il déploya une intense activité dans le domaine de la culture et de la science.


Les usurpateurs

Romain II (de 959 à 963). Fils de Constantin VII, il lui succéda ; ce souverain frivole, dominé par sa femme, Théophano, la fille d’un cabaretier, se reposa tout entier sur Nicéphore II Phokas (de 963 à 969). Ce valeureux général enleva aux Arabes la Crète (961) et Alep (962). Après la mort de Romain II, il épousa la veuve de ce dernier et se fit proclamer empereur (16 août 963). Il réagit contre la politique antiaristocratique de ses prédécesseurs en favorisant les « puissants » ; il tenta, toutefois, d’enrayer le développement de la grande propriété ecclésiastique. Sa politique militaire fut surtout dirigée contre l’islām : il annexa la Cilicie, Chypre et une grande partie de la Syrie. Trahi par sa femme, il fut assassiné le 10 décembre 969.

L’assassin, Jean Ier Tzimiskès (de 969 à 976), d’origine arménienne, se considéra comme le souverain légitime pour avoir épousé Théodora, une fille de Constantin VII. Il abrogea la loi de son prédécesseur qui freinait la cupidité de l’Église, affronta en Bulgarie le prince russe Sviatoslav (971), annexa ce pays et abolit le patriarcat bulgare. En Orient, il reprit l’offensive contre les Arabes, intervenant en Mésopotamie, en Syrie et en Palestine. Il fut enlevé par le typhus le 10 janvier 976.

Après sa mort, les deux fils de Romain II, Basile et Constantin, prirent le pouvoir, mais seul le premier gouverna : il fut le plus illustre des Macédoniens (v. Basile II).


Le déclin de l’État

V. byzantin (Empire).

P. G.

 A. Rambaud, l’Empire grec au xe siècle (Franck, 1870). / G. Schlumberger, Un empereur byzantin au xe siècle : Nicéphore Phocas (Firmin-Didot, 1890 ; nouv. éd., de Boccard, 1923) ; l’Épopée byzantine à la fin du xe siècle (Hachette, 1896-1905 ; 3 vol.). / A. Vogt, Basile Ier, empereur de Byzance et la civilisation byzantine à la fin du ixe siècle (Picard, 1908). / J. C. S. Runciman, The Emperor Romanus Lecapenus and his Reign (Cambridge, 1929). / A. A. Vassiliev, Byzance et les Arabes, t. II : la Dynastie macédonienne (Fondation byzantine, Bruxelles, 1969).

Mácha (Karel Hynek)

Écrivain tchèque (Prague 1810 - Litomĕřıce 1836).


Fondateur de la littérature tchèque moderne, Karel Hynek Mácha est l’homme d’une seule œuvre (ou presque), Mai (Máj, 1836), un poème lyrico-épique de 800 vers. Homme et œuvre n’ont jamais cessé d’intéresser et de faire problème depuis bientôt cent cinquante ans (80 rééditions). La mélodie inégalée des ïambes de Mácha a enchanté plusieurs générations et n’a rien perdu aujourd’hui de sa vigueur ni de son charme. Et pourtant, le Byron de l’Europe centrale reste bien peu connu à l’étranger : ses vers ont découragé tous les traducteurs et demeureront sans doute indéfiniment inaccessibles au public non spécialisé en dehors de la Tchécoslovaquie.

L’accueil glacial de certains, les protestations indignées des autres lors de la parution de Mai, puis l’attention grandissante du public, à partir de 1840, aux beautés musicales de cette œuvre encore déconcertante, enfin l’acceptation du message de Mácha, tel fut, schématiquement, le destin de cette production romantique, demeurée unique en pays tchèque, qui fascine encore les écrivains du xxe s. et bénéficie d’une cote favorable auprès des critiques marxistes. Qu’avait produit le romantisme tchèque jusqu’à Mácha ? La restauration d’un outil linguistique abandonné au peuple des campagnes depuis un siècle et demi (Josef Dobrovský, Josef Jungmann), une collecte studieuse des chants populaires (F. L. Celakovský), de pieuses falsifications visant à doter la Bohême de sa Chanson de Roland (affaire des faux manuscrits de Váelav Hanka), une longue épopée nationaliste et panslaviste (Jan Kollár).

Qu’apportait le Mai ? Le témoignage de l’angoisse métaphysique d’un homme aux prises avec ses propres contradictions, le cri funèbre d’un nihiliste, un pessimisme radical, l’histoire confuse d’un brigand parricide victime de l’absurdité de l’existence, mourant broyé par une fatalité aveugle. On attendait un exercice de propagande nationaliste, à tout le moins une suite aux essais historico-folkloriques du tout jeune étudiant en droit habitué des cercles patriotiques qu’était Mácha : on eut le mal du siècle.

Une maîtrise jusqu’alors inconnue de la langue, une harmonie évocatrice demeurée sans égale, une palette extraordinairement riche, rien de tout cela ne put, sur le moment, compenser l’impression de trahison scandaleuse que produisit l’œuvre.

Le peuple tchèque se laissa rapidement gagner par les qualités musicales de Mai, bien avant que des études savantes aient vu le jour sur la structure des vers, leur harmonie vocalique, leurs répétitions calculées de consonnes, leur maîtrise — si difficile en tchèque — du rythme ïambique (Mácha soutient la comparaison avec Michkiewicz*, Lermontov*, Baudelaire*) ; puis, tardivement, il reconnut un peu son âme dans le miroir que lui offrait le lyrisme de Mácha. Si son pessimisme se retrouve dans les ballades de K. J. Erben, au xixe s., c’est seulement au xxe s. que l’on voit souligné par des écrivains praguois (comme l’était Mácha), par Kafka* (d’expression allemande) et Hašek*, le caractère absurde de l’existence humaine : tous les trois imaginent des héros butant à une réalité qui leur est totalement étrangère, inintelligible.