Lyautey (Louis Hubert Gonzalve) (suite)
Maréchal de France en 1921, il sera pourtant écarté du Maroc en pleine guerre du Rif, alors qu’il vient de sauver Taza et de briser l’assaut des forces d’Abd el-Krim (été 1925). En lui retirant ses fonctions de commandant en chef, confiées au maréchal Pétain*, le gouvernement Painlevé provoque la démission de Lyautey, qui quitte le Maroc le 10 octobre 1925.
Retiré à Thorey, Lyautey ne continuera pas moins à travailler sans relâche ; il engage son prestige en organisant des réunions où l’on retrouve de jeunes Marocains, des étudiants de Nancy, des scouts, des cultivateurs... Il reçoit de nombreuses personnalités et les accueillera également à Paris, où il fait de fréquents séjours. En 1928, il inaugure en présence du président Poincaré le monument élevé sur la « colline inspirée » à la mémoire de Barrès. Il sera chargé, comme commissaire général, d’organiser l’Exposition internationale coloniale qui s’ouvrira à Vincennes en 1931 et où il réalisera une évocation grandiose et vivante de l’œuvre de la France dans le monde. Le musée permanent de la France d’outre-mer devait survivre à cette manifestation, assortie de congrès scientifiques, culturels et médicaux portant sur les problèmes du développement des peuples.
Lyautey a marqué profondément son temps. Il est l’exemple d’un chef militaire ayant possédé au plus haut degré, outre sa valeur technique, des qualités, des mérites et des dons universels. Il avait l’âme du penseur, le sens social du chrétien, le génie de l’organisation, l’esprit du moraliste, le talent de l’écrivain. Il a créé une sorte d’humanisme militaire et une doctrine exemplaire de compréhension et de fraternisation entre les mondes différents : « J’ai compris la Chine, l’Orient, l’islam, écrivait-il, ces civilisations différentes et non inférieures. » Fondant son action sur le respect des croyances et des coutumes comme sur la primauté des valeurs spirituelles, il a su élever au rang de l’apostolat, par la modération, l’équité, le rayonnement et la perception de l’avenir, les plus hautes vertus des bâtisseurs et administrateurs des pays d’outre-mer. Enfin, avec la stature d’un homme d’État, il n’a cessé d’être un homme d’ordre, se refusant à toute aventure ou ambition politique : aussi bien pendant l’affaire Dreyfus* que lors des événements du 6 février 1934, il s’est interdit de céder à de pressantes sollicitations. Il reste l’un des rares militaires de cette taille dont la gloire et l’exemple sont demeurés purs dans l’armée comme dans la nation. On lui doit : le Rôle social de l’officier (1891), Du rôle colonial de l’armée (1900), Dans le sud de Madagascar, pénétration militaire, situation politique et économique (1903), Paroles d’action (1927), Lettres du Tonkin et de Madagascar (1894-1899) [1931], Lettres du sud de Madagascar (1900-1902) [1935] et une série d’études, de documents, de lettres et de rapports qui contribuent à éclairer sa personnalité. Son corps, qui avait été d’abord inhumé à Rabat, repose depuis 1961 sous la coupole des Invalides.
J. G.
➙ Maroc.
A. Maurois, Lyautey (Hachette, 1939 ; nouv. éd., 1953). / P. Heidsieck, Rayonnement de Lyautey (Gallimard, 1941 ; nouv. éd., 1949). / G. Catroux, Lyautey le Marocain (Hachette, 1952). / P. Lyautey, Lyautey l’Africain (Plon, 1953-1957 ; 4 vol.). / Comte de Saint-Aulaire, Au Maroc, avant et avec Lyautey (Flammarion, 1954). / M. Durosoy, Lyautey, mon général (Julliard, 1956). / G. de Tarde, Lyautey, le chef en action (Gallimard, 1959).