Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Luxembourg (grand-duché de) (suite)

Un grand Moyen Âge

Après les efforts tenaces des comtes de la première maison (v. 1083, fondation de l’abbaye de Munster à Luxembourg avec une école latine), le comté, fief d’Empire, prend figure d’État sous le long règne de la comtesse Ermesinde (1196-1247), qui sait profiter des concessions que l’empereur Frédéric II* est obligé de faire aux princes territoriaux (1232) : les grands officiers de la Couronne apparaissent, l’administration locale passe entre les mains de prévôts nommés par la comtesse, de nombreuses localités sont affranchies. De stériles luttes pour les comtés de Namur et de Limbourg préoccupent les successeurs (Henri V et Henri VI). C’est de cette époque également que date la branche française des Luxembourg : Henri V laisse le comté de Luxembourg à son fils aîné et donne à son puîné, Valeran, le comté de Ligny (1274), que lui avait apporté en dot sa femme, Marguerite de Bar. Brusquement, en 1308, avec l’élection d’Henri VII à l’Empire, assurée grâce à l’appui de son frère Baudouin (1285-1354), archevêque de Trèves, et de Peter von Aspelt, archevêque de Mayence, d’origine luxembourgeoise, le cours de l’histoire est dévié.

L’accession à l’Empire ouvre à la dynastie des destinées brillantes, mais entraîne à longue échéance l’aliénation du pays natal. Le premier souci d’Henri VII, devenu empereur, est d’assurer à sa famille une base territoriale plus large et des moyens financiers plus puissants. Il les trouve en Europe centrale grâce au mariage de son fils, Jean l’Aveugle, avec Élisabeth, héritière du royaume de Bohême (1310). À la mort prématurée d’Henri VII (1313), la couronne impériale passe, momentanément, dans la famille des Wittelsbach (Louis de Bavière), mais, en 1346, quelques mois avant de mourir dans la bataille de Crécy au secours du roi de France, Jean a la satisfaction de voir son fils Charles IV devenir roi de Bohême, en attendant la dignité impériale.

À l’époque, les relations des Luxembourg avec la France sont particulièrement étroites : Henri VII avait conclu en 1294 une alliance formelle avec Philippe IV* le Bel ; Jean l’Aveugle épouse en secondes noces une princesse française (Béatrice de Bourbon) ; sa sœur Marie épousera le roi Charles IV le Bel, et sa fille Bonne le roi Jean II* le Bon. Son fils, Charles IV*, est élevé à la cour de France. Mais les intérêts à long terme de la maison de Luxembourg se situent à l’est.

Les principales acquisitions territoriales des Luxembourg sont : la Bohême et la Moravie (1310), la Silésie (1327), le margraviat de Lusace (1368), l’électorat de Brandebourg (1373) et la Hongrie (1387). À l’ouest, Venceslas Ier obtient par mariage les duchés de Brabant et de Limbourg (1355).

Le mariage de 1310 avait assuré à la maison de Luxembourg une ascension foudroyante : le xive s. est dans l’histoire de l’Empire le siècle des Luxembourg. En 1437, cependant, la branche s’éteint, et leurs possessions passent en majeure partie aux Habsbourg. La branche française survit jusqu’en 1861. C’est un membre de cette branche, Jean de Luxembourg, qui livre Jeanne d’Arc aux Anglais (1430).

Le Luxembourg subit le contrecoup de cette grande politique : négligé et exploité financièrement, il est en 1388 engagé dans sa quasi-totalité. L’engagère change plusieurs fois de mains avant de tomber entre celles de l’ambitieux duc de Bourgogne, Philippe III* le Bon (traité de Hesdin, 1441), pour qui l’acquisition du Luxembourg est un maillon important entre la Bourgogne* et ses possessions du Nord. La capitale, qui a pris parti pour les héritiers des Luxembourg, est prise de force (1443), des révoltes de la noblesse sont réprimées. Après des décennies de troubles, le duc de Bourgogne rétablit l’ordre.


L’époque bourguignonne (1443-1506)

Cette époque va marquer profondément l’orientation de l’histoire luxembourgeoise. Sur le plan politique, elle amène l’insertion, mais non l’absorption, du Luxembourg dans un ensemble plus vaste, les Pays-Bas*, dont le Luxembourg partagera la destinée jusqu’au xixe s. Des ducs de Bourgogne le Luxembourg passe d’abord aux Habsbourg* d’Espagne (1506), aux Habsbourg d’Autriche ensuite (1714). Il est ainsi durablement soustrait aux visées politiques françaises.

L’union entre les provinces des Pays-Bas se fait dans la personne du prince : jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les rois d’Espagne et les empereurs porteront le titre de duc de Luxembourg et comte de Chiny. Les souverains, conformément aux tendances de l’absolutisme monarchique, travaillent à la centralisation de ces « pays ». Le Luxembourg réussit à conserver un vif particularisme, que favorise sa position géographique excentrique. Situé à l’extrême sud des Pays-Bas, il en est séparé politiquement par la principauté de Liège* et géographiquement par la barrière de l’Ardenne. Du fait de cette situation et compte tenu de la dualité linguistique, le Luxembourg participe davantage à la sphère culturelle des villes de Trèves et de Metz qu’à celle des villes des Pays-Bas.

Sur le plan religieux, les souverains bourguignons inaugurent un régime de soumission grandissante de l’Église à l’État — notamment par le placet —, qui atteint son point culminant avec le despotisme éclairé de Joseph II*. Sur le plan culturel, la conquête bourguignonne ouvre le Luxembourg plus largement à l’influence française. L’absolutisme moderne prend au Luxembourg une teinte française : désormais, le français est pratiquement d’un usage exclusif dans la haute administration (et l’est resté jusqu’à nos jours), alors qu’au niveau de l’administration locale le français et l’allemand sont utilisés dans leur quartier linguistique respectif.


L’Ancien Régime

Avec les Pays-Bas, le Luxembourg est entraîné dans les luttes pour l’hégémonie de l’époque moderne. La France entame profondément les provinces frontalières des Pays-Bas. Le Luxembourg subit d’innombrables invasions et se trouve sur le passage de nombreuses armées- qui, toutes, ennemies ou amies, éprouvent les populations. Il n’y a pas de guerre européenne d’Ancien Régime qui ait épargné le pays. À trois reprises, la France réussit à s’emparer de la forteresse de Luxembourg (1543, 1684, politique des réunions, et 1795) et à deux reprises elle annexe le pays dans sa totalité (1684-1697 et 1795-1814), mais elle ne garde en définitive que la partie méridionale (premier démembrement). Au cours de ces guerres, la place de Luxembourg a pris une importance grandissante, notamment sous l’action énergique de Vauban*, qui entreprend de grands travaux de fortification, continués au xviiie s. par les Autrichiens et au xixe par les Prussiens.