Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Luxembourg (grand-duché de) (suite)

Histoire

Le Luxembourg se situe à la lisière du monde germanique et du monde roman. Cette position explique les vicissitudes de son histoire, mais en même temps en fait son originalité. Aujourd’hui encore, dans ce petit pays où la population parle le luxembourgeois (un dialecte d’origine germanique), le français est la langue de l’administration. Seul de tous les territoires voisins (duché de Lorraine, duché de Bar, électorat de Trèves, principauté de Liège, duché de Limbourg), nés dans des conditions analogues, le Luxembourg a pu survivre en tant qu’entité nationale. Dans la grande Europe des Neuf, un territoire exigu avec une population infime a su s’affirmer. Si l’histoire a une valeur explicative, le Luxembourg est certainement un cas modèle.


Les origines lointaines

L’archéologie atteste le peuplement des territoires luxembourgeois dès le Paléolithique, notamment dans les régions du sud et les paysages fluviaux (Moselle, basse Sûre).

À l’âge de fer, les Celtes traversent le Rhin et s’installent dans ces régions, puis, à leur suite, des peuples germaniques. Le mélange de ces races donne naissance au peuple des Belgae, parmi lesquels on distingue entre Rhin et Meuse, sur le futur territoire luxembourgeois, plusieurs tribus : Segni (Oesling), Caerosi (Eifel) et surtout Treveri (Trèves) et Mediomatrici (Metz).

La paix romaine est favorable à l’essor démographique et économique. Plusieurs grandes routes consulaires passent par le Luxembourg (Reims à Cologne par Trèves, Lyon à Trèves). La christianisation de ces territoires, freinée par les invasions germaniques (Francs Ripuaires), se fait au tournant des ive et ve s. à partir de trois grandes métropoles épiscopales : Metz, Trèves et Liège. Au début du viie s., la masse de la population semble christianisée. L’évangélisation en profondeur sera l’œuvre des grandes abbayes (Echternach, Saint-Hubert et Orval). La grande personnalité de l’époque est saint Willibrord (Angleterre 658 - Echternach 739).

Le Luxembourg va se dégager de la dislocation de l’Empire carolingien. Les luttes que les rois de France et de Germanie se livrent pour la possession de la Lotharingie se terminent définitivement au profit des derniers en 925. Cette date fixe la condition politique du Luxembourg : il relèvera de l’Empire pour de longs siècles, théoriquement jusqu’en 1795.

L’affaissement du pouvoir central avec la naissance de l’ordre féodo-vassalique provoque entre Rhin et Meuse l’apparition d’un complexe de petites principautés séparées dont le développement sera parfois capricieux. Une suite d’accidents a voulu que le Luxembourg soit le seul à avoir subsisté jusqu’à nos jours. Au xe s., une famille noble est solidement implantée sur le cours moyen de la Moselle (entre Metz et Trèves), celle de Wigeric, comte palatin, dont tous les fils auront une destinée brillante : Adalbéron, évêque de Metz ; Frédéric, comte de Metz et duc de haute Lotharingie ; Giselbert, comte d’Ardenne, et Sigefroi (963-998), fondateur du Luxembourg.


Formation territoriale et démembrements

Le nom même du pays apparaît dans l’histoire quand, en 963, le comte Sigefroi acquiert un site stratégique (une hauteur surplombant la rivière Alzette) sur lequel se trouvait un fortin appelé « Lucilinburhuc ». Occupant une place centrale parmi les possessions dispersées du comte, ce site sur lequel le comte fit construire un château, sera le noyau de la ville et du comté du même nom. Origine lourde de conséquence : Luxembourg aura la destinée d’une ville-forteresse jusqu’en 1867.

La politique territoriale des successeurs de Sigefroi vise à arrondir leurs possessions et à les relier entre elles. Le comté de Luxembourg se développe d’abord le long de deux rivières : l’Alzette et la basse Sûre, en région d’expression germanique.

À la mort sans héritiers du dernier comte de la première maison, Conrad II, en 1136, le fief impérial échoit à un cousin, Henri IV l’Aveugle (1136-1196), de Namur. L’union Namur-Luxembourg, bien que de nature passagère, aura d’importantes conséquences. Freinés dans leur élan vers l’est et le sud par le barrage que forment les villes épiscopales de Trèves et de Metz, les comtes de Luxembourg vont se tourner vers le nord et l’ouest. À la mort d’Henri, le comté de Luxembourg et les deux petits comtés de Laroche et Durbuy, dont Henri avait hérité, parviennent, après bien des péripéties, à sa fille Ermesinde. Pour la première fois, des territoires d’expression romane sont entrés dans l’orbite luxembourgeoise — le Luxembourg gardera cette dualité linguistique jusqu’en 1839 —, le pays s’ouvre de plus en plus largement à l’influence de la civilisation française.

À son deuxième mariage, Ermesinde acquiert en dot le marquisat d’Arlon, territoire qui fait la liaison entre Laroche-Durbuy et Luxembourg. Désormais, les possessions luxembourgeoises forment un ensemble cohérent qui s’étend des portes de Metz jusqu’aux rivages de la Meuse.

En 1264, le puissant comte de Vianden se reconnaît vassal du comte Henri V le Blondel. Ses successeurs amènent de nombreux seigneurs de l’Eifel à faire de même (c’est-à-dire Schleiden et Kronenburg) : la présence luxembourgeoise s’y maintiendra jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.

Le comte Jean l’Aveugle et son fils, le duc Venceslas Ier, orientent l’expansion territoriale vers le sud-est en acquérant chacun une moitié du comté de Chiny : 1338 et 1364. À cette dernière date, le Luxembourg, élevé depuis 1354 au rang de duché, atteint sa plus grande étendue (environ 11 000 km2) et constitue un vaste bloc entre la Moselle et la Meuse. La formation territoriale s’achève avant la fin du Moyen Âge ; à l’époque moderne et contemporaine, une série de démembrements l’entamera profondément.

De par sa position géographique, le Luxembourg devait fatalement être entraîné dans les rivalités opposant la France à l’Espagne et aux États allemands. L’intégrité territoriale peut être maintenue jusqu’à la paix des Pyrénées (1659), où l’Espagne cède à la France la partie méridionale du duché avec les petites villes de Thionville, Ivoy-Carignan et Montmédy (premier démembrement). En 1815, au congrès de Vienne, la Prusse, qui vient d’acquérir les provinces rhénanes allemandes, obtint également les territoires luxembourgeois situés à l’est de la Moselle, de la Sûre et de l’Our (deuxième démembrement). Finalement, en 1839, à la suite de la Révolution belge, le Luxembourg subit une dernière mutilation : la partie occidentale comprenant toute la population francophone et un quartier d’expression germanique (Arlon) sont rattachés à la Belgique (province de Luxembourg) [troisième démembrement]. La partie orientale continue à former le grand-duché de Luxembourg (en union personnelle avec le royaume des Pays-Bas jusqu’en 1890). De 11 000 km2 à peu près au moment de sa plus grande extension (1364), le Luxembourg est depuis 1839 réduit à 2 586 km2. Un irrédentisme luxembourgeois n’a jamais existé.