Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lübeck

V. de l’Allemagne occidentale (Schleswig-Holstein), près de la Baltique ; 243 000 hab.


À 5 km environ de la localité slave de Liubice, détruite en 1138, la ville allemande de Lübeck est fondée en 1143 en pays wende au confluent de la Wakenitz et de la Trave par le comte de Holstein Adolphe II, vassal du duc de Saxe Henri le Lion. Jaloux de l’essor rapide de cette fondation, ce prince s’en empare dès 1158-59. Il attire les marchands slaves et scandinaves, exempte les siens de toute taxe dans le duché de Saxe, dote la ville d’une monnaie, d’un droit très avantageux, y transfère en 1160 le siège de l’évêché d’Oldenburg et y fait entreprendre la construction de la Marienkirche et de la cathédrale. Lübeck résiste avec héroïsme aux troupes de Frédéric Ier* Barberousse, ne se rendant à ce dernier qu’après la chute d’Henri le Lion et sur son ordre en 1181. Devenue aussitôt après ville immédiate de l’Empire, bénéficiant de « privilèges éminents » confirmés en 1188, dotée en outre exceptionnellement d’un Rat avant 1200, accueillant avec enthousiasme en août 1203 le roi Valdemar II de Danemark, qui confirme ses privilèges, Lübeck reprend sa liberté en 1223, avant même la défaite de ce prince à Bornhöved en 1227. Première de toutes les villes allemandes, elle est déclarée dès 1226 ville impériale par Frédéric II*, qui renforce ses privilèges. Elle est inféodée le 25 janvier 1252 à la maison de Brandebourg par l’empereur Guillaume de Hollande, qui soumet son évêque au duc de Saxe ; en fait, elle est depuis longtemps une ville pratiquement indépendante sous le gouvernement d’hommes issus de lignages en constant renouvellement : 24 vers 1150, 46 en 1230, 130 en 1408.

Admirablement située aux confins de la Baltique et de la mer du Nord, Lübeck connaît un rapide essor commercial ; ses navires sillonnent ces deux mers, et ses marchands trafiquent avec succès en Allemagne, en Russie, en Scandinavie et en Angleterre, et sont même exemptés de taxes en Suède en 1252.

Amorcé vers 1230 par une entente juridique avec Hambourg, ville avec laquelle elle signe le traité de 1241, par lequel elle s’engage à entretenir et à défendre avec son concours la route terrestre qui relie les deux agglomérations, le rapprochement de ces dernières se concrétise par les accords monétaires de 1255 et politiques de 1259. Lübeck, qui est associée depuis 1256 à Rostock et à Weimar pour éliminer la piraterie de la Baltique, fonde la ligue des villes wendes (mentionnée pour la première fois en 1280), et demande aux ligues saxonne et westphalienne de s’unir à elle pour assurer le transfert du comptoir de Bruges à Aardenburg. Ainsi se trouve assurée progressivement entre 1250 et 1350 la transformation de la Hanse des marchands en une Hanse des villes, dont la diète (Hansetag) se tient trois fois sur quatre à Lübeck. Cette dernière, chef-lieu du « tiers » lübeckois, qui réunit les villes wendes, poméraniennes, brandebourgeoises et parfois saxonnes (au xive s.), exerce une influence exclusive sur le comptoir de Bergen et une influence prépondérante sur ceux de Bruges, de Londres et de Novgorod. Elle contrôle à la fin du xive s. les pêcheries de Scanie, le commerce du sel de France, celui de l’ambre de la Baltique. Aussi compte-t-elle environ 25 000 habitants en 1450. Mais, désireuse de maintenir son emprise économique sur le monde scandinave et baltique, elle entre en conflit avec le roi du Danemark Valdemar IV (1361-1370), avec les Hollandais (1436-1441), soutient contre Copenhague la candidature de Gustave Vasa à la couronne de Suède en 1523.

Lübeck adhère à la Réforme en 1531, puis à l’anabaptisme en 1534 sous l’impulsion de son bourgmestre Jürgen Wullenwever. Grâce à ce dernier, elle interdit au Danemark, en 1533, d’élire un roi sans son consentement. Mais la flotte hanséatique ayant été vaincue à Svendborg en 1535, Wullenwever est exécuté en 1537. Cette dernière date marque le début de la décadence de la ville, dont l’activité commerciale est en partie restreinte au cadre de la Baltique et, subsidiairement, de la mer du Nord. Exportant vers Amsterdam les produits livoniens (cendres, goudron de Riga) et allemands, parmi lesquels la bière locale (plus de 50 p. 100 du trafic du Sund vers l’ouest en 1579-1581), alimentant la Scandinavie en sel de Lüneburg, en mercerie et en draps en échange de ses poissons, Lübeck joue un rôle commercial essentiel en Prusse, où elle redistribue les produits Scandinaves (fer suédois, poisson norvégien), allemands (mercerie, quincaillerie), occidentaux (draps) et orientaux (poivre, dont elle conserve le monopole en Europe du Nord, à l’exclusion des autres épices). En échange, ses marins chargent à Königsberg (Kaliningrad) chanvre, lin, peaux, cuirs et toiles de Prusse. Dans ces conditions, si elle cède la première place à Dantzig (Gdańsk) dans le commerce international, Lübeck conserve un rôle prépondérant dans le commerce intérieur de la Baltique à la fin du xvie s. Elle est occupée par Murat le 6 novembre 1806, annexée à la France en décembre 1810 et est chef-lieu de département des Bouches-de-la-Trave de 1810 à 1815. Restaurée par les traités de 1815, la ville libre entre dans la Confédération de l’Allemagne du Nord en 1867, dans le IIe Reich en 1871 et dans la république de Weimar en 1919. Elle perd son autonomie en 1934 et est incorporée en 1937 au Schleswig-Holstein.

Le partage de l’Allemagne en 1945 bouleverse les données économiques et politiques : Lübeck devient ville frontière ; la ligne de démarcation avec la R. D. A. passe à quelques kilomètres à l’est de la ville.

La ville comptait 40 000 habitants en 1850, 156 000 en 1939. L’après-guerre est marqué par une forte augmentation : 238 000 en 1950 et 243 000 en 1970, malgré le départ de milliers de personnes du centre vers la périphérie. La vieille ville est enserrée par les bras de la Trave. La Lübeck historique n’avait que 229 ha de superficie. La ville actuelle en occupe 20 200 ha, dont 60 p. 100 sont constitués par des forêts ou des terroirs agricoles, 15 p. 100 par les surfaces aquatiques, 5 p. 100 par les voies de circulation et 18 p. 100 par les surfaces bâties. La densité (1 200 habitants au kilomètre carré) est relativement faible. 8 000 ha sont la propriété de la ville. L’aménagement du territoire urbain, qui s’étend sur près de 30 km le long de la Trave, en est grandement facilité.