Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louvre (musée du) (suite)

Le palais du Louvre

Les actes latins nomment lupara le lieu où Philippe Auguste, au début du xiiie s., fit construire un château fort sis en partie sur l’emplacement d’un ancien chenil occupé par des bêtes dressées à la chasse au loup. On a également pensé que Louvre viendrait de lower, synonyme, en vieux saxon, de forteresse. Il n’existe plus de ce château, dans l’actuelle cour Carrée, que le tracé des murailles. Au xive s., Charles V, le premier, fait de ce château fort une résidence royale ; il y installe sa bibliothèque ainsi que des œuvres d’art. Durant le xve s., la Cour s’étant transportée sur les bords de la Loire, le vieux Louvre, abandonné, tombe en ruine. François Ier, y revenant, commence par effectuer des restaurations, puis fait abattre la grande tour (1527) ; en 1546, il approuve le plan d’un château neuf et en confie l’exécution à Pierre Lescot*, qui poursuit les travaux sous Henri II ; il en résulte le corps de logis formant la partie sud-ouest de l’actuelle cour Carrée, décoré notamment par Jean Goujon*.

La construction, commencée en 1564 par Philibert Delorme*, du palais des Tuileries fait modifier profondément le projet de 1546 ; les deux palais seraient reliés par une Grande Galerie « du bord de l’eau » ; une Petite Galerie établirait la jonction entre les constructions achevées et les nouvelles. Bientôt se précisera le « grand dessein » : quadrupler la superficie du Louvre et le raccorder aux Tuileries.

Terminé seulement sous le règne de Napoléon III, cet ensemble subit en 1871 une amputation grave, par l’incendie puis la démolition du château des Tuileries.

La Grande Galerie date du règne d’Henri IV ; Louis XIII fait disparaître les derniers vestiges du Moyen Âge et construire le pavillon de l’Horloge (sur plans de Jacques Lemercier) ainsi que la seconde moitié de l’aile ouest et le début de l’aile nord de la cour Carrée. Celle-ci est poursuivie par Le Vau* sous Louis XIV, tandis que Colbert confie à Claude Perrault* (succédant au Bernin* et à Le Vau) l’édification de la grande façade de la Colonnade, tournée vers Saint-Germain-l’Auxerrois, la paroisse des rois.

Suspendus en raison du transfert de la Cour à Versailles, les travaux ne reprennent que sous le premier Empire : achèvement de la cour Carrée ; construction, par Percier et Fontaine*, des corps de bâtiment destinés au raccordement, par le nord, du Louvre et des Tuileries. Ces deux architectes prennent le parti d’harmoniser leur style avec ceux de leurs devanciers, et ils sont imités, sous Napoléon III, entre 1852 et 1857, par Louis T. J. Visconti et Hector Lefuel. Du fait de cet éclectisme, le Louvre résume quatre siècles d’architecture française dans la continuité. (V. Paris.)

M. G.

 L. Hautecœur, le Louvre et les Tuileries (A. Morancé, 1924) ; Histoire du Louvre (S. N. E. P., 1953). / C. Aulanier, Histoire du palais et du musée du Louvre (Éd. des Musées nationaux, 1947-1971 ; 10 vol. et index). / G. Bazin, le Louvre (Flammarion, 1960). / M. Gauthier, le Louvre (Larousse, 1962 ; 2 vol.). / Les Merveilles du Louvre (Hachette, 1970). / M. Brion, le Louvre, musée des maîtres (Cercle d’art, 1971).

Lou Yeou

En pinyin Lu You, poète chinois de la dynastie des Songs du Sud (1125-1210).


Il est né à Shaoxing (Chao-hing), dans le Zhejiang (Tchö-kiang), dans une famille de fonctionnaires. À vingt-neuf ans, il est reçu premier au concours de doctorat et entre dans la carrière administrative. La politique de compromis du Premier ministre ne lui agréant pas, Lu You, qui préconise la lutte contre les Jin (Kin), quitte le service. Sous l’empereur suivant, afin d’agir plus efficacement pour la reconquête des provinces perdues, il réintègre les rangs et est alors nommé dans la province du Sichuan (Sseu-tch’ouan). C’est à partir de cette époque qu’il se met à écrire abondamment. Rappelé à la capitale (Hang-zhou) [Hang-tcheou], il entre au Bureau de l’histoire et contribue à la rédaction des annales du règne. À quatre-vingts ans, après avoir reçu un titre honorifique, il se retire dans sa maison de campagne près de Shaoxing, où il mène jusqu’à sa mort une existence parfois précaire. Bien qu’il ait écrit sur le Sichuan un très intéressant journal de voyage, le Rushuji (Jou-chou-ki), il est essentiellement connu comme poète. Auteur prolixe, le nombre de ses poèmes dépasse dix mille. Pendant ses dernières années, ses poèmes lui tiennent pour ainsi dire lieu de journal. Cependant, Lu You n’est pas un auteur négligent ou brouillon. Tous ses poèmes sont composés avec un soin extrême et strictement selon les règles. La moitié, en effet, est du type lüshi (liu-che), poème régulier en deux quatrains. Alors que la tendance générale de la poésie Song est à une certaine froideur ou, tout au moins, à un certain détachement, l’œuvre de Lu You est empreinte d’un profond lyrisme, qui le rapproche des poètes Tang, et principalement de Du Fu* (Tou Fou), pour qui il ne cache pas son admiration. Si ses chants ne sont pas aussi désespérés que ceux de son illustre prédécesseur, la tristesse y joue un rôle prépondérant. C’est à lui que l’on doit ce diptyque si éloquent et révélateur de la poésie chinoise :
La tristesse pure est ce dont un fait les poèmes.
Sans tristesse, y aurait-il des poèmes ?

La personnalité de Lu You se retrouve tout entière dans son œuvre, car il y expose ses idées politiques et sociales, ses expériences, ses voyages, ses espoirs et ses déceptions :
Comme une barque vide, ma vie
Sur dix mille li ne cesse de voguer...

Si, comme bien d’autres poètes chinois, Lu You est un amateur passionné de beaux paysages — en particulier ceux du Sichuan —, il ne néglige pas pour autant les choses humaines. Parmi les poètes dits « campagnards », il est sans doute celui qui connaît le mieux la campagne. Ses nombreux tableaux de la vie paysanne sont remarquables par la précision, le détail et la variété des notations. Ce sont de précieux documents sur l’existence au jour le jour d’un village, avec ses boutiques, ses personnages, ses distractions. D’ailleurs, dans les dernières années de sa vie, Lu You a réellement vécu les difficultés matérielles des paysans. Ce quatrain en est la preuve :
La moisson fut bonne, le riz n’est pas cher, moi seul ai faim.
Ce matin, on m’a donné du riz, mais je n’ai pas de bois pour le faire cuire.
Quatre vingts mille li séparent le ciel et la terre
En vain j’invoque le ciel, le ciel ne le sait pas.