Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louvain (suite)

L’affaire de Louvain connut son épilogue après une crise gouvernementale qui déboucha sur la dissolution du Parlement. Le programme gouvernemental de la nouvelle coalition a prévu le transfert complet de la section francophone vers Ottignies, à l’exception de la faculté de médecine, qui s’établira dans l’agglomération bruxelloise. En septembre 1968, la section francophone a publié un nouveau plan d’expansion, qui organise le transfert en cours.

P. J.

Louvois (François Michel Le Tellier, seigneur de Chaville, marquis de)

Homme d’État français (Paris 1639 - Versailles 1691).



La vie

Fils de Michel Le Tellier (1603-1685, ministre d’État depuis 1661), il reçoit à quatorze ans la survivance du secrétariat d’État à la Guerre. En fait, le père et le fils travailleront constamment ensemble, et l’on pourra dire qu’entre 1666 et 1685 Louis XIV eut deux ministres de la Guerre : Le Tellier à la Cour, Louvois en campagne ou en inspection.

Associé à son père dès 1661 au Conseil des dépêches et en 1662 au secrétariat d’État à la Guerre, Louvois connaît une ascension fulgurante. Surintendant des Postes (1668), ministre d’État (1672), surintendant des Bâtiments, Arts et Manufactures (1683), il contribue à fonder l’hôtel des Invalides (1670-1674) avec une taxe levée sur les couvents astreints à la charge des oblats (vieux soldats estropiés).

Outre son œuvre capitale au département de la Guerre, il dirige les travaux de Versailles et des Gobelins. Mécène prodigieusement riche, aimant les plaisirs et le faste, il encourage en Louis XIV les goûts de luxe et aussi le penchant pour les solutions de force et de grandeur. Il le peut d’autant plus facilement qu’à partir de 1672 il devient une espèce de second ministre des Affaires étrangères. L’attitude rogue de la France à l’égard des Provinces-Unies (1672), la politique brutale des « réunions » à partir de 1679, la dévastation du Palatinat (1689), les « dragonnades » humiliantes et féroces qui s’exercent contre les protestants sont le fait de Louvois, principal conseiller de Louis XIV et, il faut le dire, travailleur infatigable. La perte de Mayence (1689) le fait tomber dans les ombres de la disgrâce.


Louvois et la réforme de l’armée

En dépit des efforts de Louis XIII, roi militaire qui s’est intéressé à son armée, les troupes que celui-ci laisse à son fils ne sont encore que des mercenaires, bandes coûteuses aux effectifs mal assurés et auxquelles on demande de se battre en échange d’une solde aléatoire, de vivres et de butins problématiques. Le soldat a une réputation aussi détestable que méritée. Les chefs n’ont aucun respect pour la hiérarchie : l’indiscipline est partout, l’administration nulle part. L’armée n’est pas soumise au roi, qui dépense cependant beaucoup pour elle. Pourtant, des progrès ont été réalisés : Richelieu* a créé près des armées des intendants, fonctionnaires civils parlant au nom du roi et chargés du contrôle de la gestion et de l’administration. L’un d’entre eux, Michel Le Tellier, est nommé à quarante ans secrétaire d’État à la Guerre : nous sommes le 11 avril 1643, un mois avant la victoire de Rocroi, remportée cinq jours après la mort de Louis XIII.

Le problème est de former avec ces bandes incohérentes une véritable armée monarchique : cette œuvre immense sera conduite pendant cinquante ans, de 1643 à 1691, par deux travailleurs acharnés, Michel Le Tellier et Louvois. Prudent, affable, le premier étudie d’abord les imperfections et les abus, cherche des remèdes et, à chaque cas, donne une solution. Pendant la Fronde*, il cède par nécessité sur les principes ; la paix revenue, il entreprend les grandes réformes. Il restera titulaire de sa charge jusqu’en 1677, mais Louvois, associé à son œuvre depuis 1662, le remplacera en fait en 1668 et demeurera en fonction jusqu’à sa mort. Ainsi est-il difficile de distinguer la part qui revient à chacun d’eux dans leur action commune, qui, d’un assemblage de troupes disparates, fera une armée moderne, organisée et soumise au seul pouvoir du roi.

Les premières réformes (1661-1665) organisent la hiérarchie des grades : la vénalité est limitée à ceux de colonel et de capitaine, tandis que les brigadiers (grade créé en 1667-68) et les lieutenants-colonels sont choisis pour leurs seuls mérites. À grade égal, l’ordre du tableau (1675) détermine désormais par l’ancienneté le droit au commandement des généraux nommés par le roi. Des compagnies de cadets assurent le recrutement des officiers. Un gros effort est accompli dans le domaine de l’uniformisation de l’armée, qu’il s’agisse de son habillement (l’exemple sera donné par la Maison du roi), du calibre des mousquets et des canons ou du paiement de la solde. La troupe loge encore chez l’habitant, et les casernes n’apparaîtront qu’après Louvois, en 1692. Mais c’est lui qui crée les magasins généraux pour les vivres et les munitions, des hôpitaux fixes et « ambulants » à la suite des armées, et l’hôtel des Invalides*, où seront recueillis les militaires estropiés. Intendants et commissaires des guerres prolongent l’autorité du ministre, vérifient et contrôlent sur place l’exécution de ses ordres, lesquels n’admettent aucune défaillance et exigent une stricte obéissance à la volonté du roi.

Constatant enfin les insuffisances du racolage et du recrutement de mercenaires étrangers, Louvois crée en 1688 des milices provinciales sur le conseil du marquis Jules de Chamlay (1650-1719), maréchal général des logis, qui joue le rôle d’un véritable chef d’état-major de l’armée. Recrutées pour deux ans dans chaque paroisse, puis très vite par la voie du tirage au sort, les milices constituent une sorte de réserve de l’armée active annonçant déjà la conscription. Employées à la garde des places fortes, elles rejoindront au combat les troupes de ligne et se distingueront en particulier à Denain en 1712.

L’essentiel de l’armée, c’est toutefois les troupes réglées, dont l’effectif atteint environ 150 000 hommes en temps de paix et 300 000 en temps de guerre (un maximum de 446 000 hommes est atteint en 1691). L’infanterie, la plus nombreuse, compte 60 régiments en 1672. Beaucoup sont partisans de la substitution du fusil* au mousquet ; celle-ci n’interviendra toutefois, grâce à Vauban*, qu’après Louvois. La cavalerie, qui compte dans ses rangs la Maison du roi (v. Louis XIV), demeure l’arme noble, désormais dotée du sabre. Quant à l’artillerie, qui vit encore sous le régime de l’entreprise, c’est à Louvois qu’elle doit de prendre enfin sa place dans l’armée, au sein de l’infanterie, bien sûr, mais elle tend déjà à devenir une arme véritable. En 1671 est créé le régiment des fusiliers du roi, chargé de la garde des canons, tandis que des compagnies de canonniers et de bombardiers seront rassemblées en un régiment en 1684. À la mort de Louis XIV, il y a plus de 7 000 bouches à feu dans les arsenaux. Avec Vauban, le plus grand ingénieur de son temps, la fortification* atteint l’un des sommets de sa longue histoire : près de 300 places sont construites aux frontières pour la défense du royaume. Grâce à lui, une quatrième arme — le génie* — commença à prendre forme avec la militarisation des ingénieurs de l’armée ; ils forment un nouveau corps, mais il est impossible, faute de crédits, de leur donner des troupes, qui continuent à être empruntées à l’infanterie. Il faudra encore près d’un siècle pour que soit créé le corps royal du génie (1776).

P. P. et H. L.

➙ Louis XIV.

 C. Rousset, Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire (Didier, 1861-1864 ; 4 vol.).