Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louvain

En néerl. Leuven, v. de Belgique (Brabant), sur la Dyle ; 88 000 hab.



La ville

Sur les bords de la Dyle, qui leur fournit un plan d’eau, et sur le site actuel de Louvain, les Normands transfèrent à la fin de 884 leur camp, antérieurement établi à Amiens, mais, en 891, ils y sont vaincus par le roi de Germanie, Arnulf. En fait, la ville se constitue seulement au début du xie s., autour du deuxième des trois « castra » que le comte de Louvain a édifiés dans une île de la Dyle. Capitale de ce comté, puis du duché de Brabant*, dont elle est l’une des principales chefs-villes, elle doit surtout sa prospérité à sa situation sur la route Bruges-Cologne, qui facilite l’importation de laines anglaises et l’exportation de la draperie locale, fabriquée par une population ouvrière qui s’établit dans les faubourgs et qui se regroupe en corporations à la fin du xiiie s. En fait, ces dernières sont étroitement contrôlées par le patriciat local, dont les membres sont issus, selon Léopold Genicot, de « nobiles entrés dans la ministérialité ou de ministeriales de souche ». Contrôlant totalement la vie économique de la ville, ceux-ci s’arrogent également la maîtrise de la vie municipale. Depuis 1160, en effet, le comte choisit uniquement au sein du patriciat les membres de l’échevinage, que préside son représentant le syndic et qui doit partager sa juridiction à la fin du xiie s. avec des jurats nommés par la communauté des habitants. En fait un maïeur, un conseil et un large conseil garantissent, avec l’échevinage, les libertés urbaines. Mais, contre la prépondérance de la gilde marchande, la population ouvrière, accrue par immigration au xiiie s., se révolte en 1267, en 1302, en 1360 et enfin en 1378, date à laquelle le duc de Brabant, Venceslas de Luxembourg, impose à la ville une charte qui arrête l’effusion de sang en partageant le pouvoir entre le patriciat et les gens des métiers, dont les chefs les plus séditieux sont exécutés. Ceinte de murs en 1161, imposant « sa loi » au moins à 39 agglomérations brabançonnes au xiiie et au xive s., la ville comprend environ 15 000 habitants au xive s., époque à laquelle elle est entourée d’une seconde enceinte. Elle diversifie alors son économie. À côté de l’industrie du drap, qui a dépassé son apogée, apparaissent des ateliers qui travaillent le lin, les peaux et le cuir ainsi que des brasseries de bière, dont la production est en partie exportée. Favorisée de 1340 à 1440 par un trend descendant, qui se marque par la chute du prix de ces dernières, l’essor des industries locales explique le niveau de vie très élevé, entre 1440 et 1475, de la population de Louvain qui atteint 24 000 habitants en 1480. Pour assurer la formation des habitants de Louvain et celle de ses autres sujets, le duc de Brabant Jean IV obtient du pape Martin V la création, en 1425-26, d’une université que la fondation, en 1517, du « Collège trilingue » par Érasme* ouvre à l’humanisme par l’enseignement du latin, du grec et de l’hébreu. Pendant un temps, l’université contribue d’ailleurs avec la brasserie à assurer la survie économique de la ville, toutes les autres industries étant ruinées par la conjoncture économique ; de 1440 à 1550, la courbe des prix agricoles s’élève plus rapidement que celle des prix industriels, alors même que la stagnation des salaires entraîne une nette diminution du niveau de vie. Mise à sac par Martin Van Rossem (1478-1555), au service du duc de Gueldre, en 1542, puis par les forces franco-néerlandaises en 1635, réduite à 9 700 habitants à la fin du xvie s., la ville est également frappée dans son université. Foyer actif de la Contre-Réforme, illustrée par ailleurs par les leçons du philosophe Juste Lipse (1547-1606) ainsi que par les discussions doctrinales animées au xviie s. par deux de ses plus célèbres professeurs — Jansénius (1585-1638) et le jésuite Lessius (1554-1623) —, cette université condamne en 1662 les théories de Descartes. Au terme d’un long déclin, elle est supprimée par les Français en 1797. Restaurée en 1817 en tant qu’université d’État, dissoute une nouvelle fois après la révolte de la population de la ville en 1830, elle renaît en 1835 grâce aux catholiques, qui en font un établissement libre, confessionnel et bilingue. La ville est occupée sans difficulté dès le 19 août 1914 par les Allemands, qui incendient un quartier et la bibliothèque de l’université le 25 ; elle brûle de nouveau en partie en mai 1940 ; la bibliothèque, reconstituée par les dons, disparaît une seconde fois.

En 1944, enfin, un violent bombardement achève d’endommager le patrimoine artistique de la ville brabançonne. L’université est particulièrement ébranlée en 1968 par la querelle linguistique qui oppose les différentes communautés belges.

P. T.

 H. Van der Linden, Histoire de la constitution de la ville de Louvain au Moyen Âge (Gand, 1892) ; Histoire de Louvain (en flamand, Louvain, 1899). / V. Brughmans, les Institutions de la ville de Louvain (Louvain, 1931). / J. Cuvelier, les Institutions de la ville de Louvain au Moyen Âge (Palais des Académies, Bruxelles, 1935). / E. Lousse, Louvain (Dessart, Bruxelles, 1959).


L’art à Louvain

Quelques murs noircis, restes d’une forteresse bâtie sur le mont César en 1156, sont les plus anciens vestiges d’architecture de la ville. Il subsiste des traces peu nombreuses du style roman, notamment le portail de l’ancien hôpital Sainte-Élisabeth (xiiie s.).

À la suite du grand mouvement mystique qui se manifeste dès le début du xiiie s. dans les Pays-Bas du Sud, de nombreux béguinages sont créés. Celui de Louvain, dit le Grand Béguinage (1234) — en grande partie en style Renaissance —, est un des plus importants du pays ; Saint-Jean-Baptiste, son église, est une basilique gothique sans tour ni transept. Ces mêmes caractéristiques — signes de pauvreté de la communauté — se retrouvent dans l’église Notre-Dame-aux-Prédicateurs, édifice gothique le plus ancien de la ville (xiiie s.). L’hôtel de ville (1448-1462) est un des sommets du gothique flamboyant : œuvre, principalement, de l’architecte Matthijs de Layens († 1483), il comporte de nombreuses tourelles et 230 niches ornées de statues. L’église Sainte-Gertrude (xive s., reconstruite, ainsi que son cloître, après le bombardement de 1944) est dotée d’une tour octogonale coiffée d’une flèche ajourée ; elle possède des stalles figurées célèbres (xvie s.). L’église Saint-Pierre (xve s.), exemple typique du gothique brabançon, a échappé aux transformations traditionnelles. Si elle est extérieurement d’une conception sobre, son vaisseau a grande allure. Elle renferme mainte œuvre de valeur : un tabernacle de Matthijs de Layens, d’intéressantes sculptures, deux triptyques de Dieric Bouts* (dont celui de la Cène, son chef-d’œuvre) et de précieuses chasubles. Autre exemple du gothique brabançon, Saint-Quentin (v. 1450), dont la tour s’élève sur un soubassement roman. Saint-Jacques a un vaisseau gothique accolé à une tour romane, et son portail est orné de sculptures du xviie s. ; elle possède un mobilier et un trésor de valeur.