Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XV (styles Régence et) (suite)

La prédominance des courbes dans la composition, trait physionomique du style dit « Louis XV », s’accompagne de la création d’un mobilier nouveau. La vie de compagnie réclame des meubles faits pour l’usage et non plus seulement pour l’apparat ; et comme elle est gouvernée par les femmes, ce sont des meubles destinés aux femmes qui, les premiers, apparaissent dans l’ébénisterie française. Ce sont d’abord les commodes et les « toilettes ». La commode « en tombeau », ventrue, portée par quatre pieds courts, est connue dès le début du xviiie s. ; avant peu, sa silhouette s’allégera, sa massivité s’atténuera, son décor de bronzes dorés aura ses prototypes dans les chefs-d’œuvre de Charles Cressent* et d’Antoine Gaudreaux (1680-1751), exécutés en 1738 et 1739 et conservés en la Wallace Collection de Londres. La toilette est une petite table à trois caissons creux destinés à l’arsenal de la coquetterie ; celui du milieu est couvert d’un panneau qui se retourne d’avant en arrière en présentant le miroir qui double sa face interne ; les deux autres, d’un volet qui se rejette vers l’extérieur. Contemporain de la toilette est le bureau de dame qui se distingue d’elle par le dispositif de son panneau médian : il se tire d’arrière en avant en se redressant pour former pupitre. D’autres créations heureuses apparaissent : le secrétaire « à dessus brisé », couvert d’un abattant déclive (v. 1735) ; la table de chevet ; la chiffonnière à tiroir de flanc, quelquefois pourvue d’un écran vertical qui fait d’elle un « vide-poches ».

Le style des sièges de la première moitié du siècle évolue constamment vers la simplicité. Dans les années 1720, le modèle « Louis XIV » est totalement démodé : le siège, enveloppé dans une courbe continue, se fait mobile ; son ornementation, d’abord chargée de branches fleuries, souvent peinte et laquée, se réduit, vers 1740, à quatre pincées de trois fleurettes, au sommet du dossier, à l’avancée de la ceinture, au sommet des pieds antérieurs. Dès 1760, la moulure nue suffira. Certains modèles sont particuliers à cette époque, notamment le fauteuil de cabinet dont la ceinture se décroche en une forte excurvation, et les grands sièges de repos, appelés duchesses quand ils sont d’un seul tenant, et duchesses brisées quand ils se divisent en deux ou trois parties ajustables. Le dossier des ottomanes, de plan ellipsoïdal, épouse leurs extrémités arrondies ; ce dossier vaut-il « à rien par devant », comme disent les menuisiers, le siège est une paphose ; s’incline-t-il du chevet vers le pied en encadrant ses extrémités, c’est une veilleuse.

Ce sont là, avec les lambris remis en vogue et les « pieds de trumeau » qui les complètent, des ouvrages de bois massif. Le meuble proprement dit du temps de Louis XV (sièges exclus) est essentiellement plaqué ou marqueté, son décor de bronze, abondant à l’origine, se réduisant vers 1745 aux « dentelles » encadrant les compositions marquetées, bouquets, corbeilles ou trophées. Le bronze trouve une application nouvelle et brillante dans le luminaire, sous forme d’appliques à branches multiples, et dans les splendides cartels apposés au mur, dont les plus grands ciseleurs donnent les modèles, témoins Cressent et Jean-Joseph de Saint-Germain.

G. J.

➙ Louis XVI et Directoire (styles) / Rocaille.

 P. Verlet, le Style Louis XV (Larousse, 1942). / F. Kimball, The Création of the Rococo (Philadelphie, 1943 ; trad. fr. le Style Louis XV, origine et évolution du rococo, Picard, 1949). / P. Siguret, le Style Louis XV (S. F. L., 1965). / G. Janneau, l’Époque Louis XV (P. U. F., 1967).

Louis XVI

(Versailles 1754 - Paris 1793), roi de France de 1774 à 1791, puis roi des Français de 1791 à 1792, fils du Dauphin Louis et de Marie-Josèphe de Saxe, petit-fils de Louis XV.



Les débuts du règne

Des multiples visages donnés par les hommes qui le connurent et qui, avec lui, ont vécu ces temps de révolution, lequel retenir ? Pour les uns, à jamais sacralisé par la mort qu’il subit avec la dignité que l’on sait, il résume les siècles où, patiemment, la monarchie fit la France. Pour les autres, il est l’image d’une France abhorrée qui, par le privilège, rejette dans le silence les quatre-vingt-dix-neuf centièmes du peuple. Où est l’homme dans cette prison où l’enferment en définitive ses zélateurs tardifs comme ses contempteurs ?

Il a vingt ans, l’âge des espérances, quand à travers la Cour retentissent les cris : « Le roi est mort, Vive le roi ! » Les courtisans le trouveront agenouillé, dans le refuge de la prière. Il y a là peut-être une des dimensions fondamentales du personnage. Dans un monde où il est de bon ton de railler une trop grande pratique religieuse et de tenir pour superstition ce qui est parfois quête sincère, Louis XVI est « austère et sévère ; il remplit exactement les lois de l’Église, jeûnant et faisant maigre tout le carême ». Pieux dans son cœur, il tolère les incartades de son entourage. Mais les voit-il toujours ? La qualité de sa foi ne le rend-elle pas plus étranger encore à un monde où tout l’a fait souffrir et qu’il a fui très jeune ?

Étranger, il l’est aussi par cette éducation qu’il reçut et le coupa du monde. L’un de ses précepteurs, l’abbé de Radonvilliers (1710-1789), lui a donné le goût de l’étude et il a tout seul acquis des connaissances étendues. « Il entend le latin et sait parfaitement la langue anglaise ; il connaît la géographie et l’histoire. » Mais, savant aimable et doux, son professeur n’a guère lutté contre cette peur que firent naître, peut-être, en lui les modèles qu’on lui donnait : Saint Louis, Louis XIV et cet aïeul, Louis XV, qui lui en imposait tant. À donner une décision, il se montrera tout le temps dans l’embarras.

Il a de ses ancêtres le solide appétit et l’amour de la chasse, dérivatif à ses velléités. Il mange et boit beaucoup, et « ses traits assez nobles empreints d’une teinte de mélancolie » s’empâteront trop vite. Et l’on rira de sa « démarche lourde », de sa mise négligée et du son aigu de sa voix. Puis il y a ce mariage (1770) avec Marie-Antoinette*, cette princesse trop belle dont il ne saura que tardivement être l’amant. Il l’aimera profondément. « Quand elle lui parlait, raconte un témoin, dans ses yeux et dans son maintien il se manifestait une action, un empressement que rarement la maîtresse la plus chérie fait naître. »