Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XIV (suite)

Dossier administratif

C’est entre 1661 et 1672 que Louis XIV, aidé essentiellement de Michel Le Tellier (1603-1685) et de Colbert, va rétablir l’ordre dans l’administration en s’efforçant de l’unifier et de la centraliser.

La monarchie absolue prend alors la forme qu’elle conservera jusqu’en 1789. Au moment de sa prise de pouvoir personnel, Louis XIV peut écrire : « Le désordre régnait partout. » Jugement sévère pour ses prédécesseurs, Richelieu et Mazarin. Le premier, il est vrai, a été handicapé par sa lutte contre la maison d’Autriche. La conduite de la guerre a désorganisé ses finances et ne lui a pas laissé le temps de mener à bien la remise en ordre de l’administration intérieure. À cause de la Fronde, il en a été de même pour Mazarin, qui a dû lui aussi se contenter d’expédients. En 1661, il y a beaucoup à faire. Jusqu’en 1672, à part la promenade militaire que sera la guerre de Dévolution (1667-68), le royaume bénéficiera de onze années de paix. C’est dans ce court laps de temps que les différents rouages de la machine gouvernementale seront réformés et perfectionnés.

• Le gouvernement. L’organe essentiel en est le Conseil d’État, ou Conseil d’en haut, composé du roi et des ministres d’État. C’est un retour au conseil étroit, qui excluait la famille royale aussi bien que les grands seigneurs et les évêques.

• L’administration centrale. La nouveauté essentielle, c’est la réforme des finances. Celles-ci sont dirigées par un Conseil royal des finances composé du roi, du chancelier, du contrôleur général (ce sera Colbert jusqu’à sa mort en 1683) et de deux ou trois conseillers d’État. La justice a pour chef le chancelier, qui est aussi garde des Sceaux. Cette dernière fonction lui permet d’être le lien entre le gouvernement et l’administration puisque tous les actes du roi doivent être scellés, publiés et expédiés par lui. Les autres services publics sont répartis entre les différents secrétaires d’État ; Guerre, Affaires étrangères, Maison du roi, Affaires de la religion prétendue réformée. Il faut noter que l’Agriculture, l’Industrie, le Commerce, les Colonies, les « Affaires culturelles » sont rattachés au contrôleur général des finances, ce qui donne une idée de l’importance de Colbert.

• L’administration des provinces. Les intendants sont choisis parmi les maîtres des requêtes du Conseil d’État. Ils reçoivent leurs ordres par le moyen du Conseil des dépêches, qui transmet arrêts et décisions.

Ce Conseil est composé du roi, du chancelier, des ministres et des secrétaires d’État. L’importance grandissante des intendants permet de comprendre l’aspect véritablement révolutionnaire du gouvernement de Louis XIV. Il s’agit en effet de savoir qui va administrer le royaume : des fonctionnaires royaux nommés et révoqués à volonté, agissant dans l’intérêt du roi, qui se confond avec les intérêts généraux du royaume, ou des corps d’officiers propriétaires de leur charge, irrévocables et héréditaires depuis le début du siècle (édit de la Paulette de 1604) et donc peu maniables, devenus des puissances provinciales ou locales très particularistes et représentant plus les provinces et les intérêts particuliers en face du roi que le roi devant les intérêts particuliers et les provinces.

À cause de la vénalité et de l’hérédité des offices, le roi a perdu toute prise sur l’administration locale. C’est pourquoi, incapable de supprimer la vénalité en remboursant les officiers, Richelieu a tâché d’y substituer une administration nouvelle, celle des commissaires ou intendants (règlement d’août 1642). À partir de 1666, l’intendant réside longtemps dans la même province et en administre une seule à la fois. Ses pouvoirs en matière de finances, de justice et de police sont très étendus et prépondérants : par exemple, il s’empare de l’administration financière (tout ce qui concerne la répartition de la taille) aux dépens des intérêts et des profits du puissant corps d’officiers qu’étaient les trésoriers de France, dont le rôle et l’importance diminuent considérablement. Les intendants iront même jusqu’à régenter et surveiller l’administration des villes.

Grâce à eux, le roi essaie de faire exécuter sa volonté jusqu’au fond des provinces. L’institution des intendants est un instrument très souple qui, en temps de guerre ou de crise, s’empare de tous les pouvoirs appartenant encore aux officiers. Des cours souveraines ou du parlement, Louis XIV, qui n’oubliera jamais leur attitude durant la Fronde, ne tolère aucune incartade ; elles doivent enregistrer les édits, tels quels et immédiatement, le « droit de remontrance » n’est toléré qu’ensuite. En fait, elles sont exclues de la politique générale. Le roi, pour la même raison, surveille particulièrement Paris ; il crée la charge de lieutenant général de police, qu’il confie en 1667 à Nicolas de La Reynie (1625-1709). Paris, avec 400 000 habitants environ, est une ville turbulente qui compte 40 000 mendiants et autant de domestiques. L’Hôpital général est créé en 1657, et on y enferme pêle-mêle indigents, vagabonds ou malfaiteurs. Les rues de la capitale sont éclairées et, pour la première fois, on peut y circuler de nuit sans craindre de s’y faire détrousser.

Il faut remarquer que ministres, secrétaires d’État, fonctionnaires royaux sont presque toujours choisis dans la bourgeoisie, dans la robe, au détriment de la noblesse. Ils encourent en cela la haine des hommes d’épée ; il n’est que de lire Saint-Simon* pour s’en convaincre : « Ce fut un règne de vile bourgeoisie », écrit-il du règne de Louis XIV. Le roi donne lui-même la raison de cette politique dans ses Mémoires : « Il était important que le public connût, par le rang de ceux dont je me servais, que je n’étais pas en dessein de partager avec eux mon autorité. »

À la noblesse, frustrée de ses ambitions politiques, l’absolutisme aura l’habileté d’accorder des privilèges fiscaux et de laisser une grande prépondérance dans les décisions prises à l’échelon local, sans parler des pensions de toutes sortes ou des bénéfices ecclésiastiques donnés aux mieux en cour de ses membres.