Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Louis XI (suite)

Débutant le 4 mars 1465, marquée par la rencontre indécise de Montlhéry, le 16 juillet, la guerre civile se termine par les traités de Conflans et de Saint-Maur des 5 et 29 octobre. Louis XI accepte apparemment toutes les conditions : restitution sans indemnité au Téméraire de la Picardie et des villes de la Somme ; cession de la Normandie à Charles de France en échange du Berry ; octroi de l’épée de connétable au comte de Saint-Pol, ami du Bourguignon ; rupture des relations établies par le roi de France avec les Croÿ et avec les Liégeois.


Louis XI et Charles le Téméraire (1465-1477)

Prétextant de l’inaliénabilité de la Normandie, Louis XI reconquiert celle-ci en décembre 1465 et en janvier 1466, ce qui incite Charles le Téméraire à reconstituer la ligue du Bien public au lendemain de la mort de son père (15 juin 1467). S’alliant alors au Danemark, à la Savoie et en 1468 à l’Angleterre des York, que Louis XI s’est aliénée par son accord de 1462 avec les Lancastres, le nouveau duc de Bourgogne menace l’indépendance même du royaume de France. Louis XI requiert alors l’appui des états généraux réunis à Tours en avril 1468 ; il impose au duc de Bretagne François II la paix d’Ancenis le 10 septembre et préfère négocier directement avec Charles le Téméraire. Muni d’un sauf-conduit, il se rend à Péronne le 9 octobre. Mais, lorsque le duc de Bourgogne apprend, le 11, que les Liégeois se sont révoltés au nom du roi de France, il oblige ce dernier à signer le traité de Péronne du 14 octobre. Le souverain français est contraint d’inféoder la Champagne à son frère, Charles de France, et est obligé de participer en personne à la répression de la révolte liégeoise, le 30 ; humilié, il ne retrouve sa liberté que le 2 novembre.

Violant aussitôt ses promesses, il transfère son frère Charles en Guyenne le 29 avril 1469, puis facilite la restauration en Angleterre de Henri VI de Lancastre, le 6 octobre 1470, au détriment d’Édouard IV de York (v. Deux-Roses [guerre des] et Lancastre). Délié par ailleurs de tout engagement envers le Téméraire par l’assemblée des notables de Tours, réunie en mars et en avril 1470, Louis XI s’efforce de le priver du concours financier des places de Genève, de Bruges et d’Anvers en favorisant à leurs dépens l’essor des foires* de Lyon* dès 1463 et en créant celles de Caen en 1470 et de Rouen en 1477. Aussi peut-il prendre l’offensive en Picardie dès novembre 1470. Interrompue le 4 avril 1471 par une trêve consécutive à la restauration d’Édouard IV, la guerre reprend en 1472 à l’initiative du duc de Bourgogne. Louis XI ne peut empêcher le sac de Nesle le 10 juin, mais il conserve Beauvais, héroïquement défendu du 27 juin au 22 juillet par ses habitants, parmi lesquels s’illustre la légendaire Jeanne Hachette. Il élimine alors les derniers alliés français du Bourguignon, tels le duc Jean d’Alençon, qui retourne en prison, et le comte Jean V d’Armagnac, qui périt en mars 1473 lors du sac de Lectoure par l’armée royale. Ensuite, Louis XI fait face aux forces d’Édouard IV débarquées à Calais le 4 juillet 1475. Ce dernier n’étant pas soutenu par celles de son allié, le Téméraire, immobilisées devant Neuss, le roi de France lui fait signer à Picquigny, le 29 août 1475, un traité qui met pratiquement fin à la guerre de Cent Ans. Louis XI laisse alors le soin d’abattre le duc de Bourgogne à ses principaux adversaires : l’empereur Frédéric III, le duc Sigismond d’Autriche, les villes d’Alsace et surtout les Suisses et le duc René de Lorraine.


Louis XI et l’élimination des puissances féodales

Le roi de France exploite aussitôt la mort du Téméraire, le 5 janvier 1477, devant Nancy. Il occupe le duché et le comté de Bourgogne (Franche-Comté), puis la Picardie, le Boulonnais et l’Artois. Sur son ordre, les fortifications d’Arras sont rasées, les habitants de cette ville, rebaptisée « Franchise », sont expulsés pour crime de résistance le 2 juin 1479, et ceux d’Avesnes, préalablement incendiée, sont massacrés dans le vain but d’obtenir la soumission du Hainaut et de la Flandre. Ne pouvant ni obliger Marie de Bourgogne, fille unique du Téméraire, à épouser le dauphin Charles, ni l’empêcher de s’unir, le 19 août 1477, à un Habsbourg, Maximilien d’Autriche, Louis XI tente sans succès de vaincre ce dernier à Guinegatte le 7 août 1479. Aussi, après la mort de Marie de Bourgogne, le 27 mars 1482, le roi de France est-il contraint par ce prince à signer le traité d’Arras du 23 décembre. Renonçant au reste de l’héritage bourguignon au profit de Philippe le Beau, fils de Maximilien, le souverain consent en outre au mariage du dauphin Charles avec sa fille, Marguerite d’Autriche, qui reçoit en dot l’Artois et le comté de Bourgogne. Avec une égale obstination, Louis XI s’approprie définitivement en 1475 la Cerdagne et le Roussillon, reçus en gage de l’Aragon le 9 mai 1462 pour prix de son intervention militaire contre les Catalans révoltés. De plus, sa sœur Madeleine de France, veuve en 1472 du comte de Foix, Gaston IV, devient régente de Navarre en 1479, tandis que la fille du roi, Anne et son gendre, Pierre de Beaujeu, sont investis de la majeure partie des terres des Armagnacs.

Enfin, en contraignant le roi René à lui céder l’Anjou en 1480, puis son neveu et successeur Charles à lui léguer à sa mort, en 1481, le Maine et la Provence, Louis XI renforce sa mainmise sur les pays entre Rhône et Alpes. Compte tenu du fait que les héritiers des deux apanages de Bourbon et d’Orléans, Pierre de Beaujeu et Louis d’Orléans, sont devenus ses gendres, Louis XI a réussi en fait à étendre son autorité à l’ensemble du royaume, à l’exception de la Bretagne.


Bilan du règne

Bien qu’elle ait eu pour conséquence un dangereux renforcement de l’Autriche et de l’Espagne, l’œuvre territoriale de Louis XI apparaît comme particulièrement positive. En fait, elle n’a été rendue possible que parce que ce dernier n’a pas hésité à briser les résistances des corps intermédiaires, en particulier celle du parlement de Paris, en multipliant les cas réservés jugés par son Conseil, en procédant par nominations impératives et en décidant la création de nouveaux parlements : à Bordeaux en 1462, à Beaune en 1477, ce dernier étant transféré à Dijon dès 1480. Abaissant la noblesse, qu’il terrorise, par des sanctions impitoyables, telle l’exécution du duc de Nemours le 4 août 1477, contrôlant les élections épiscopales, Louis XI s’appuie sur la bourgeoisie des bonnes villes, au sein de laquelle il recrute ses officiers de justice et de finances et parmi laquelle il favorise les marchands en développant l’industrie de la soie à Lyon (1467), puis à Tours (1470), en introduisant à Paris l’imprimerie en 1479 et surtout en créant de nouvelles foires à Lyon, à Caen, à Rouen ; en 1470, il organise même une exposition des produits français à Londres. Consultée soit au sein de petites commissions d’experts, soit au sein des assemblées d’État ou de notables réunies en 1468 et en 1470, la bourgeoisie soutient financièrement le souverain à des fins militaires : augmentation des effectifs des compagnies d’ordonnance, formées uniquement de cavaliers ; recrutement en cas de besoin de fantassins suisses ; renforcement de l’artillerie. Ainsi, la « politique économique » de Louis XI apparaît comme l’instrument fondamental de sa politique territoriale.