Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Louis IX ou Saint Louis (suite)

Depuis décembre 1244, Louis IX anime la septième croisade, ce qui le conduit à restituer la régence à sa mère du 28 août 1248, date de l’embarquement des troupes royales à Aigues-Mortes jusqu’en novembre 1252, date de la mort de la souveraine, à laquelle il substitue aussitôt son frère Alphonse de Poitiers. Marquée par la prise de Damiette, puis en février 1250 par la défaite et par la mort de Robert d’Artois à Mansourah, cette expédition se solde par la capture du roi, qui ne recouvre sa liberté qu’au prix de la restitution de Damiette et du paiement d’une lourde rançon, dont le montant ne l’empêche pas de remettre en état à grands frais les fortifications d’Acre, de Jaffa, de Césarée et de Sidon lors de son séjour en Syrie de mai 1250 à avril 1254.


L’œuvre de Louis IX

La réforme administrative inaugurée par Philippe Auguste et par Louis VIII est poursuivie avec vigueur par Louis IX. Maintenant en place l’Échiquier, les vicomtes et les sergents institués par les Plantagenêts en Normandie, le souverain subordonne les uns et les autres à la Curia Regis et à des officiers originaires de l’Île-de-France ou de l’Orléanais, auxquels il fait également appel pour renforcer son autorité dans les pays de la Loire.

Prévôts et baillis y sont donc introduits, ces derniers cessant alors d’être des inspecteurs itinérants pour devenir des administrateurs nommés, payés et révoqués par le roi pour exercer leurs fonctions dans le cadre d’une vingtaine de circonscriptions bien distinctes entre lesquelles est désormais divisé le vaste domaine royal : les bailliages, appelés sénéchaussées dans le Centre-Ouest et le Midi languedocien, et, plus simplement, mais exceptionnellement, prévôté à Paris. Recrutés soit dans la petite noblesse locale, soit dans la bourgeoisie, tel Étienne Boileau, prévôt de Paris de 1258 à 1267, ces officiers se constituent alors en dynasties, dont la plus célèbre est celle des Beaumanoir, le père et le fils, également prénommés Philippe : ils sont tour à tour baillis en Gâtinais vers 1240-1250 et à Clermont-en-Beauvaisis vers 1280. Ces officiers sont contraints de respecter de strictes règles de gestion, définies par l’ordonnance de 1254. Ils sont étroitement surveillés par des enquêteurs qui ont pour mission de fixer les droits et les devoirs de chacun et de transmettre par écrit toutes les plaintes à Paris, où la cour du roi commence à se subdiviser en sections spécialisées : le Conseil, qui traite plus spécialement des affaires politiques ; la Curia in parlamento, qui s’érige alors en parlement, ayant à la fois le rôle de cour suprême dans certaines affaires et surtout de juridiction d’appel des décisions des tribunaux de bailliage ; la Curia in compotis, enfin, berceau de la future Cour aux comptes.

Par ailleurs, les grandes ordonnances de 1258 interdisent le duel judiciaire et la guerre privée ; celles de 1263 et de 1265 condamnent la circulation de mauvaise monnaie et préparent la voie à l’émission, en 1266, du gros d’argent et de l’écu d’or et à l’instauration, en 1268, du cours forcé de la monnaie royale dans tout le royaume. En outre, le roi place sous sa dépendance étroite à partir de 1256 son gendre le comte Thibaud V de Champagne, auquel il rachète ses droits sur les comtés de Blois, de Chartres, de Châteaudun et de Sancerre afin d’étendre le domaine royal, qu’il a par contre amputé du Poitou et de l’Anjou pour constituer les apanages de ses frères Alphonse et Charles afin de respecter les vœux ultimes de son père Louis VIII.

Par là se trouve renforcé le prestige du saint roi pour la délivrance duquel les « pastoureaux » s’étaient levés en 1250. Reconnaissant sa puissance au traité de Paris de 1259, le roi d’Angleterre Henri III consent à redevenir l’homme lige du roi de France et à lui céder définitivement la Normandie, le Maine, l’Anjou, la Touraine et le Poitou en échange de la restitution de ses fiefs et domaines dans les diocèses de Limoges, de Cahors et de Périgueux, et de l’expectative des biens que possède Alphonse de Poitiers en Agenais et en Saintonge au sud de la Charente. Renonçant avec une égale générosité à ses droits sur le Roussillon et sur la Catalogne, Louis IX signe en 1258 le traité de Corbeil avec le roi d’Aragon Jacques Ier le Conquérant, qui abandonne toute prétention sur le Languedoc et sur la Provence.

Célèbre dans la chrétienté entière pour sa justice et son équité, il accorde par le « dit de Péronne » de 1256 la Flandre aux Dampierre et le Hainaut aux d’Avesnes ; à l’invitation des deux parties, il condamne par la « mise d’Amiens » de 1264 les barons anglais révoltés qui ont imposé à Henri III les provisions d’Oxford.

Chrétien mais épris d’équité, il ne se croit pas contraint de soutenir la papauté contre Frédéric II, mais prend sous sa protection le concile de Lyon au cours duquel Innocent IV excommunie solennellement l’empereur en 1246-47. Pourtant, il accepte de négocier avec le pape Urbain IV la convention du 15 août 1264 qui accorde à Charles d’Anjou la couronne de Sicile, espérant peut-être que sa présence au cœur de la Méditerranée facilitera la réussite de l’expédition en Orient qu’il projette depuis longtemps. Aussi prend-il la croix en mars 1267, trois ans avant de s’embarquer, le 1er juillet 1270, pour Tunis, dont il pense que l’émir al-Mustanṣir Bi-llāh est disposé à se convertir et à lui apporter son aide militaire contre l’Égypte. La nouvelle était fausse, la région de Carthage pestilentielle. Son armée décimée, le roi, affaibli, succombe le 25 août 1270.

Canonisé dès 1297, Saint Louis consacre, et à un niveau incomparable en Europe, l’alliance de la monarchie avec Dieu, alliance dont il enseigne à son fils dans ses précieux Établissements qu’elle est le fondement et la justification de sa royauté.

Saint Louis bâtisseur et chrétien

Chrétien et mystique, Saint Louis fait construire par ses architectes Pierre et Eudes de Montreuil, Jean de Chelles, Jean d’Orbais, Hugues Libergier, Robert de Luzarches, Villard de Honnecourt de nombreux édifices religieux, au premier rang desquels il faut citer la Sainte-Chapelle, précieux reliquaire de la sainte couronne d’épines, achetée à l’empereur latin de Constantinople à l’époque même où s’achève la construction de la nef de Notre-Dame de Paris.