Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis Ier le Pieux ou le Débonnaire (suite)

Ce geste, destiné à renforcer l’union étroite entre l’Empire et l’Église, affaiblit en fait le prestige de la personne impériale à l’heure même où de nombreuses forces de dissociation travaillent à la perte de l’Empire : mécontentement de la paysannerie opprimée par l’aristocratie, que favorisent des concessions de terres en toute propriété ; raids normands incessants contre les côtes de la Manche et de la mer du Nord ; incursions bulgares en Pannonie en 827 et en 829 ; révolte de la Marche d’Espagne, envahie par les musulmans en 826-27 ; enfin, lutte d’influence entre les partisans de Lothaire, défenseurs de l’Ordinatio Imperii de 817, et ceux de Judith de Bavière, seconde femme de Louis le Pieux, épousée en 819 et fort désireuse d’en obtenir la révision en faveur de son fils, le futur Charles le Chauve, né en 823. En accordant à ce dernier en 829 un apanage composé de l’Alamannie, de la Rhétie, de l’Alsace et d’une partie de la Bourgogne, Louis le Pieux déclenche une crise fatale à l’unité de l’Empire et dont les répercussions seront graves.


La fin du règne (829-840)

Révoltés dès 830 aux côtés de Lothaire, Pépin et Louis obtiennent en 831 un accroissement de leur part, accroissement jugé insuffisant dès 832. Louis le Pieux contraint Louis le Germanique à se soumettre, destitue Pépin et attribue l’Aquitaine à Charles ; mais, trahi par ses troupes, il doit se rendre à ses trois fils révoltés le 30 juin 833 au Rotfeld, au sud de Colmar. Déchu au profit de Lothaire proclamé seul empereur, condamné à faire pénitence publique, en octobre 833, à l’église Saint-Médard de Soissons, où il est enfermé. Louis le Pieux est pourtant rétabli dans la plénitude de ses pouvoirs en février 835. Il favorise dès lors son seul fils cadet et lui attribue, à Aix-la-Chapelle en octobre 837, la Neustrie et la Bourgogne du Nord, en 838 l’Aquitaine à la suite de la mort de Pépin et enfin, en 839, tous les pays situés à l’ouest de la Meuse, de la Saône et du Rhône, augmentés des comtés de Toul, de Lyon, de Genève et de la Provence. Le reste de l’Empire y compris l’Italie étant réservé à Lothaire, Louis le Pieux doit combattre une ultime révolte de Louis le Germanique, qu’il a en fait déshérité. Mais il meurt le 20 juin 840 sans avoir pu rétablir l’unité de l’Empire.

P. T.

➙ Carolingiens / Charlemagne / Charles II le Chauve.

 J. Calmette, l’Effondrement d’un Empire et la naissance d’une Europe (Aubier, 1942). / L. Halphen, Charlemagne et l’Empire carolingien (A. Michel, coll. « Évolution de l’humanité », 1947 ; 2e éd., 1968). / G. Fournier, l’Occident de la fin du ve siècle à la fin du ixe siècle (A. Colin, coll. « U », 1971). / R. Folz, A. Guillou, L. Musset et D. Sourdel, De l’Antiquité au monde médiéval (P. U. F., 1972).

Louis VI le Gros ou le Batailleur

(v. 1081 - Paris 1137), roi de France de 1108 à 1137.


Fils de Berthe de Hollande et de Philippe Ier, le prince royal Louis est associé au gouvernement depuis la guerre du Vexin en tant que chef de l’armée : dux exercitus ou defensor regni. Entre 1098 et 1100, Philippe Ier l’associe même au trône, sans doute en tant que rex designatus, mais il ne le fait pas sacrer de son vivant.

Bien que menacé dans sa vie par l’épouse adultère de son père Bertrade de Montfort, qui tente de lui substituer ses propres fils, Louis pardonne à cette dernière, mais, à la mort de Philippe Ier, il doit se faire couronner précipitamment à Orléans le 3 août 1137.

Grand chasseur et gros mangeur, atteint d’une obésité qui l’empêche à quarante-six ans de monter seul à cheval, aimant les femmes (il ne se mariera qu’en 1115, avec la nièce du pape Calixte II, Adélaïde de Savoie), Louis VI est un roi humain et simple. La générosité de ce soldat courageux envers ses adversaires vaincus n’a d’égale que sa cupidité en matière d’argent, mais elle explique aussi qu’il se laisse dominer de 1108 à 1127 par un clerc vénal et corrompu de l’Église de Paris dont il fait un chancelier et sénéchal de France : Étienne de Garlande, qui se révolte contre lui après son éviction brutale en 1127, mais à qui il restitue la chancellerie en 1132. En fait, depuis cinq ans, la réalité du pouvoir est passée entre les mains de deux conseillers choisis avec plus de discernement : Raoul Ier, comte de Vermandois et cousin germain du souverain ; Suger (v. 1081-1151) surtout, cet abbé de Saint-Denis qui n’est également qu’un clerc parvenu, mais dont le dévouement à la cause royale est total.

Bien que purement circonstancielle, la politique de Louis VI semble avoir été guidée par deux préoccupations essentielles : la restauration de l’autorité royale à l’intérieur et le renforcement de cette dernière à l’extérieur du domaine.

Dans cette double perspective, le souverain lutte d’abord avec efficacité contre les petits seigneurs pillards de l’Île-de-France, ravageant les terres d’Eble de Roucy en 1102, reprenant le comté d’Amiens à Enguerrand de Coucy en 1117 et contraignant enfin les seigneurs de Montlhéry à faire leur soumission en 1118. Surtout, il enlève à trois reprises le château de l’oppresseur de la Beauce, Hugues du Puiset, qu’il contraint à aller chercher la mort en Terre sainte en 1118. Enfin, après treize ans d’une lutte qui prit en 1114 les allures d’une croisade, il capture en 1130 le pire de ces seigneurs, Thomas de Marle.

Tout en reprenant en main le domaine royal, Louis VI s’efforce de restaurer l’autorité royale dans les grands fiefs. À l’intérieur de ceux-ci, il intervient parfois en tant que justicier suprême ; en Bourbonnais, il oblige Aimond II à restituer à son neveu Archambaud V l’héritage paternel, qu’il avait usurpé en 1108-09 ; en Auvergne, il contraint par les armes à deux reprises, en 1122 et en 1126, le comte Guillaume IX à respecter les droits de l’évêque de Clermont, Aimeri.