Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Los Angeles (suite)

Le rythme d’accroissement du parc automobile dépasse maintenant celui de la population ; la plupart des familles ont deux et souvent trois autos, on compte près de deux voitures par habitant. Les voies actuelles ne suffisant plus, la ville s’est couverte depuis vingt ans d’un réseau d’autoroutes urbaines à quatre, localement six ou huit couloirs dans chaque sens, les échangeurs fixant à leur tour les noyaux de nouveaux centres de commerce, d’industrie ou de résidence.

Les problèmes de la circulation ne sont qu’apparemment résolus, car les nouvelles voies s’engorgent, les transports en commun périclitent, le smog atteint une densité insupportable, les distances entre lieux de travail, de résidence et de loisirs sont de plus en plus grandes. La ville devient inhumaine, une anti-ville (une Unstadt, écrit Wolf Tietze).

Le problème du ravitaillement en eau n’est que partiellement et provisoirement résolu. Un aqueduc acheminant vers San Diego l’eau du Colorado retenue par le Parker Dam comporte une dérivation qui alimente la plaine de Santa Ana et la vallée de San Bernardino. Un autre apporte à Los Angeles même l’eau du revers oriental de la Sierra Nevada, aux limites du bassin d’alimentation de San Francisco, ce qui exclut l’accroissement des prélèvements, face à des besoins croissant rapidement.

Forts de ces constatations, certains estiment que Los Angeles a déjà atteint un seuil au-delà duquel elle ne peut plus ou ne devrait plus continuer à grandir. En revanche, économistes et statisticiens prévoient que Los Angeles devrait être la principale agglomération américaine vers 1975 et former dans dix ans une mégalopolis presque continue de Santa Barbara à San Diego.

P. B.

➙ Californie.

 V. Californie.

Losey (Joseph)

Metteur en scène américain (La Crosse, Wisconsin, 1909).


Après avoir rapidement abandonné ses études médicales pour étudier l’art dramatique, Joseph Losey suit des cours à l’université Harvard, écrit des articles de critique littéraire et théâtrale, voyage en Allemagne en 1931, où il se familiarise avec les recherches d’Erwin Piscator, monte à Londres, avec Charles Laughton, Payment deferred d’après un roman de C. S. Forester, organise à New York en 1932 le premier show de variétés jamais présenté au Radio City Music Hall et met en scène à Broadway Little Ol’Boy, d’A. Bein, et Jayhawker, de S. et L. Lewis. L’influence de Bertolt Brecht (il sera le premier à présenter la célèbre pièce de ce dernier : Galileo Galilei, à Hollywood en 1947 avec Charles Laughton dans le rôle principal) le marque alors profondément. De 1937 à 1942, il supervise notamment, pour le compte de la Rockefeller Foundation, le montage de nombreux films documentaires et éducatifs et poursuit parallèlement une brillante carrière radiophonique. En 1945, il tourne un court métrage dans la série MGM « Le crime ne paie pas » : A Gun in his Hand, mais n’aborde la réalisation de son premier long métrage que trois ans plus tard avec le Garçon aux cheveux verts (The Boy with Green Hair), qui est un apologue antiraciste et pacifiste. Après avoir signé successivement Haines (The Lawless, 1949), le Rôdeur (The Prowler, 1950), M (1951, remake du célèbre chef-d’œuvre de Fritz Lang) et la Grande Nuit (The Big Night, 1951), il part pour l’Italie réaliser Un homme à détruire (Stranger on the Prowl ou Imbarco a mezzanotte, 1952). À cette époque, la « chasse aux sorcières » fait rage dans les milieux cinématographiques aux États-Unis : cité devant la commission d’enquête du sénateur McCarthy, Losey est placé sur la liste noire. Il termine son film sous un nom d’emprunt (Andrea Forzano) et choisit de s’exiler en Grande-Bretagne. Là, il est contraint à signer sous divers pseudonymes quelques œuvres mineures, dont La bête s’éveille (The Sleeping Tiger, 1954 ; pseud. Victor Hanbury) et The Intimate Stranger (1955 ; pseud. Joseph Wallon), avant de reprendre sa véritable identité lors du tournage de Temps sans pitié (Time without Pity, 1956). Après Gypsy (The Gypsy and the Gentleman, 1957) et surtout l’Enquête de l’inspecteur Morgan (Blind Date ou Chance Meeting, 1959) et les Criminels (The Criminal, 1960), sa réputation s’élargit et il devient petit à petit l’un des metteurs en scène mondiaux les plus âprement controversés. Il aborde la science-fiction sous un angle psychologique avec les Damnés (The Damned, 1961), rencontre un accueil critique assez mitigé avec Eva (1962), qu’il tourne à Venise, mais conquiert la célébrité avec The Servant (1963). Semblant refuser d’être prisonnier d’un genre, il déroute ses plus fidèles partisans en réalisant successivement : Pour l’exemple (King and Country, 1964), un pamphlet sur l’absurde et la cruauté de la guerre ; Modesty Blaise (1965), un « conte de fée policier » qui est une caricature de l’espionnage traitée à la manière des bandes dessinées ; Accident (1966), où il retrouve la tension psychologique du Servant ; Boom (1967), d’après Tennessee Williams ; Cérémonie secrète (Secret Ceremony, 1968), avec Elizabeth Taylor ; Deux hommes en fuite (Figures in a Landscape, 1970), qui rencontre un insuccès public ; le Messager (The Go-Between, 1971), superbe adaptation du roman de L. P. Hartley, qui remporte la palme d’or du festival de Cannes 1971 ; l’Assassinat de Trotski (The Assassination of Trotsky, 1972) ; Maison de poupée (A Doll’s House, 1973), d’après la pièce d’Ibsen ; Une Anglaise romantique (The Romantic English Woman, 1975) ; M. Klein (1976). Inégale dans sa totalité, l’œuvre de Joseph Losey doit sans doute beaucoup à certains scénaristes de grand talent comme Dalton Trumbo (le Rôdeur), Ben Barzman (Temps sans pitié) et surtout Harold Pinter (The Servant, Accident, le Messager). Ces trois derniers films paraissent être les plus accomplis par la remarquable adéquation entre la forme et le fond : les rapports humains y sont dénudés avec une sorte d’élégance cruelle qui ne fait que rendre plus impitoyable et plus paroxystique la tension de l’atmosphère, le degré d’envoûtement réciproque auquel semblent liés pour le meilleur et souvent pour le pire les personnages principaux.

J.-L. P.

 C. Ledieu, Joseph Losey (Seghers, 1963 ; 2e éd., 1970). / P. Rissient, Losey (Éd. universitaires, 1966). / J. Leahy, The Cinema of Joseph Losey (Londres, 1967). / J. Losey et T. Milne, Losey on Losey (Londres, 1969).