Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Lorraine (suite)

De l’avènement de Charles IV (duc à partir de 1624) à la mort de Stanislas Leszczyński (1766), l’histoire de la Lorraine n’est qu’une longue suite d’aventures souvent malheureuses ; le pays est un enjeu dans l’histoire internationale. La cour de Nancy n’est qu’un centre d’intrigues. Le duc abdique en 1633, recouvre ses États en 1641, puis en 1659 ; il erre en Europe. Son neveu et successeur Charles V ne vient pas en Lorraine, mais combat brillamment contre les Turcs. Richelieu*, puis Mazarin* ne cessent de progresser vers le Rhin, démantelant le réseau trop dense des forteresses lorraines (La Mothe, 1645), annexant définitivement les Trois-Évêchés au traité de Münster (1648). La Lorraine, occupée et réoccupée par les troupes françaises, administrée à la française, contrainte de livrer des hommes, des produits, de l’argent, ne connaît pas de répit.

La paix revient à peine au temps de Léopold (duc de 1697 à 1729), qui est le dernier duc à prétendre mener une politique nationale. Son fils François III, en épousant Marie-Thérèse d’Autriche (1736), n’hésite guère à troquer ce pays disputé contre la Toscane, plus paisible. Ce sont le roi de France, l’empereur et leurs conseillers qui jonglent en Europe avec les petites principautés ; partages ou échanges règlent de la sorte leur destin. Par le traité de Vienne (1738), le beau-père du roi de France, roi détrôné de Pologne, Stanislas Ier* Leszczyński, devient duc d’un pays que le chancelier de La Galaizière, véritable intendant de Louis XV, prépare à la réunion définitive. Celle-ci n’est plus qu’une formalité à la mort du vieux roi (1766).

Le règne de Stanislas a du moins le mérite de restaurer une province en triste état. Le souvenir des Suédois et de leurs destructions au cours de la guerre de Trente* Ans est resté vivace dans l’esprit de la population ; les occupations militaires incessantes ont pesé lourd. L’exploitation systématique du pays par les impôts français, les octrois, les taxes paraissent à peine moins légères. L’introduction de procédés administratifs plus stricts et plus rentables organise la mise en valeur des forêts (nouvelles grueries), des cultures (vigne, maïs), de l’industrie (faïenceries de Lunéville et Saint-Clément, verreries de Portieux, de Baccarat ou de Vannes-le-Châtel, houillères, salpêtrières, draperies). Le commerce redevient actif malgré les nombreuses barrières douanières. La circulation garde son orientation principale vers le sud et le nord, la Suisse et les Pays-Bas. Le réseau routier s’améliore encore avec les postes. La population s’accroît, et une émigration se dirige même vers la Hongrie.

La vie religieuse garde l’activité fébrile du temps du concile de Trente. Des séminaires sont fondés. Un mouvement de réforme de grande amplitude touche les ordres : avec saint Pierre Fourier (1565-1640), la bienheureuse Alix Le Clerc († 1622) et Servais de Lairuels (1560-1631), pour les chanoines réguliers au xviie s. ; avec la congrégation de Saint-Vanne pour les Bénédictins au xviiie s. Partout, des confréries, des congrégations hospitalières et enseignantes multiplient leurs établissements. La vie culturelle y gagne du même coup ; deux académies sont fondées, l’une à Nancy et l’autre à Metz. Les bibliothèques s’enrichissent. La production historique atteint un haut niveau (dom Calmet [1672-1757] ; dom Jean François et dom Tabouillot, auteurs d’une Histoire de Metz [1769-1790]). La société profite de toutes ces améliorations. La noblesse vit à l’aise dans ses châteaux restaurés. La bourgeoisie des nombreuses petites villes connaît la fortune. En revanche, les classes populaires souffrent, les ouvriers des manufactures comme les laboureurs : la Révolution leur ouvrira de nouvelles perspectives.

La maison de Habsbourg-Lorraine

La dynastie ducale de Haute-Lotharingie (Lorraine) est mise en place en 1047 avec Adalbert et en 1048 avec son neveu Gérard. La succession en ligne masculine se fait sans interruption de Gérard à Charles II le Hardi (duc de 1390 à 1431). Le duché de Lorraine passe alors à son gendre René Ier d’Anjou († 1480), déjà duc de Bar depuis 1430, puis aux fils et petit-fils de celui-ci, Jean II (duc de 1453 à 1470) et Nicolas (duc de 1470 à 1473). L’héritier des deux duchés est ensuite René II, comte de Vaudémont, neveu de Jean II par sa mère : en 1480, il réalise l’unité des trois principautés.

La maison dite de Lorraine-Vaudémont règne en Lorraine jusqu’a François III (1729-1736), devenu bientôt l’empereur François Ier par son mariage avec Marie-Thérèse* d’Autriche. L’union est ainsi faite entre les Habsbourg, de lointaine origine alsacienne, et les ducs de Lorraine. La maison de Vaudémont était une branche cadette de celle des ducs ; celle des ducs de Bar avait une origine particulière.


La Lorraine, marche française (depuis 1789)

La période révolutionnaire et napoléonienne bouleverse les structures administratives et sociales, mais ne touche pas fondamentalement la province. La Lorraine, française à 100 p. 100, est marquée par son passé militaire et consciente de son rôle frontalier. Pendant un siècle et demi, elle connaît de durs combats contre son ancien maître, l’Allemagne. Des fortifications nouvelles remplacent les châteaux du Moyen Âge et les constructions de Vauban. Beaucoup de villes, petites et grandes, accueillent les casernes et les régiments. La vie politique est marquée par un nationalisme profond, un sens aigu du devoir, mais aussi par une grande pondération devant les événements les plus violents.

La Révolution, puis les campagnes de l’Empire permettent à la Lorraine de fournir à la France des soldats et des maréchaux. La Terreur n’y a guère d’emprise. La vie politique reste modeste au long de la Restauration et de la monarchie de Juillet. La construction des chemins de fer et l’essor de la sidérurgie préoccupent davantage. La révolution de 1848 a peu de répercussions, et Napoléon III rencontre la faveur. Toutefois, les dernières années du second Empire voient le développement d’une idéologie républicaine vigoureuse.