Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lorrain ou le Lorrain (Claude Gellée, dit Claude) (suite)

La recherche du peintre ne saurait être isolée de celle du dessinateur, chez Claude moins que chez tout autre. Il a laissé plus de mille dessins, qui étaient déjà fort appréciés en leur temps et dont il ne se séparait que difficilement. Ses études étaient bien différentes de celles des artistes de la Renaissance : pas d’études de détail menées avec la précision d’un botaniste, mais un dessin synthétique où le même trait enserre tous les motifs, ignorant l’illusion de matière. Ces caractères sont permanents malgré l’évolution de sa manière, plus fougueuse dans sa jeunesse, plus équilibrée ensuite. On ne connaît que peu de dessins antérieurs à 1630 ; le plus grand nombre a été fait entre 1635 et 1650. Avec le temps, les dessins d’après nature ont tendance à diminuer par rapport aux dessins de composition. Ceux-ci révèlent l’extrême attention portée à une géométrie fondée sur de savants jeux d’obliques, qui guident le regard de masse sombre en masse claire jusqu’à l’infini. L’artiste ne se sert jamais de couleurs, mais seulement de lavis, les blancs étant obtenus par des rehauts ou, plus souvent, par des réserves. Les effets de contre-jour ne sont pas une découverte du Lorrain. On les retrouve, dans sa peinture, rendus par une lumière indirecte faite de rayons au tracé à la fois diffus et rigoureux. Les soleils levants ou couchants éclaircissent les franges des sombres frondaisons et balayent obliquement les terrasses des « fabriques ». C’est à la lumière qu’il revient de lier les plans ; elle crée cette atmosphère élégiaque et fait surgir de nos jours les réminiscences baudelairiennes.

Si la précision des constructions et du dessin ne permet pas de faire de Claude un impressionniste avant la lettre — sa lumière unifie les formes, mais ne les dissout pas —, il est cependant un peintre de la perception plus que du raisonnement. Ici s’impose en contrepoint l’image du philosophe Poussin*, qui, comme le Lorrain, avait puisé aux sources du paysage idéal chez le Dominiquin (v. académisme) ; mais un tableau comme le Printemps de Poussin pourrait bien s’adresser d’abord à la sensibilité, et de grandes parentés existent entre les paysages dessinés des deux Français. Certes, on ne trouve pas chez le Lorrain l’observation naturaliste des ciels et des eaux, surtout en honneur à partir de Constable*. C’est un peintre de l’imaginaire, dont les architectures surgissent comme des fantasmes. L’époque académique a reproché à Claude l’insuffisance de ses personnages, pour lesquels il avait peut-être recours à des aides. Aujourd’hui, son œuvre s’impose surtout comme la version féerique de ces recherches de lumière qui passionnaient déjà le Caravage* et, après lui, Georges de La Tour*.

E. P.

 W. F. Friedländer, Claude Lorrain (Berlin, 1921). /A. Blum, l’Œuvre graphique du xviie siècle. Les Eaux-fortes de Claude Gellée dit le Lorrain (Morancé, 1922). / M. Röthlisberger, Claude Lorrain, The Paintings (New Haven, Connect., 1961 ; 2 vol.) ; Claude Lorrain, The Drawings (Berkeley, 1969). / M. Chiarini, Claudio Lorenese (Florence, 1968). / S. Cotté, l’Univers de Claude Lorrain (Scrépel, 1970).

Quelques jalons de l’œuvre

1629

Paysage (Museum of Art, Philadelphie).

1631

le Pas de Suse forcé par Louis XIII et le Siège de La Rochelle (Louvre).

1636

Vue du Campo Vaccino à Rome et Port de mer, pour l’ambassadeur de France François de Béthune (Louvre).

1639

Fête villageoise et Un port de mer au soleil couchant, pour Urbain VIII ; passés dans la collection de Le Nôtre* et donnés par celui-ci à Louis XIV (Louvre).

1639-40

la Madeleine au désert, Saint Jean-Baptiste, Moïse sauvé des eaux et la Sépulture de saint Sérapie, pour Philippe IV (Prado).

1641

l’Embarquement de sainte Ursule (National Gallery, Londres), Saint Georges (Wadsworth Atheneum, Hartford).

1647

le Gué (Metropolitan Museum, New York) et la Fuite en Égypte (Gemäldegalerie, Dresde).

1648

les Noces d’Isaac et de Rébecca et l’Embarquement de la reine de Saba (National Gallery).

1655

le Rapt d’Europe et la Bataille sur le Pont (musée Pouchkine, Moscou).

1661

la Décadence de l’Empire romain, pour Charles Le Brun* (Longford Castle).

1665

Apollon et la Sibylle (collection privée).

1668

le Bannissement d’Agar et Agar et Ismaël (Alte Pinakothek, Munich).

1675

Énée débarquant dans le Latium (National Gallery).

Lorraine

Région économique du nord-est de la France, regroupant les quatre départements de Meurthe-et-Moselle, de la Meuse ; de la Moselle et des Vosges ; 23 540 km2 ; 2 331 000 hab. (Lorrains).


La géographie

Région jadis périphérique dans le cadre français, la Lorraine est devenue une région centrale au sein du Marché commun. Face à une Allemagne restaurée, dynamique, sa situation notamment celle du département de la Moselle, est particulièrement originale. C’est ainsi que Metz est en 1972 la première et la seule ville française rattachée directement au puissant réseau autoroutier de la R. F. A., alors que la liaison routière avec Paris laisse à désirer. Lorsque l’autoroute Paris-Reims-Metz (Sarrebruck-Francfort...)-Strasbourg sera réalisée (1976) il sera, du fait de l’absence de péage sur les autoroutes de la R. F. A., plus économique pour les industriels installés en Lorraine du Nord de s’orienter vers Francfort que vers Paris. L’originalité de la région consiste ainsi à se trouver au contact de deux grandes aires de civilisation, française et germanique, qui ont fortement marqué l’Europe. Elle est peut-être à rapprocher des données naturelles.


Le milieu physique


L’élaboration des paysages naturels

La Lorraine, à l’exception des Vosges cristallines, appartient au bassin sédimentaire de Paris. Les couches d’âge secondaire, appuyées sur le massif vosgien, se succèdent d’est en ouest. Grès et calcaires triasiques, marnes et argiles liasiques, calcaires et marnes jurassiques forment d’est en ouest des bandes grossièrement parallèles et longitudinales. Le pendage des couches dépasse rarement 2°. L’épaisseur de celles-ci est variable. Elle atteint rarement 100 m, seul le grès vosgien, dans le nord du département de la Moselle (Warndt), dépasse 300 m. Les accidents tectoniques sont rares. Quelques failles de faible rejet accidentent le plateau et les Côtes (région de Thionville). De légères ondulations transversales affectent les couches, influant sur le dessin des Côtes. La plus importante est l’anticlinal de Sarrebruck, amenant à la surface les couches houillères carbonifères, en Sarre, et qui se prolonge dans celui de Pont-à-Mousson. Cet accident majeur a permis la formation, du côté lorrain, de la demi-boutonnière du Warndt. La faible profondeur (relative) des gisements houillers lorrains s’explique par cette particularité tectonique. Mais, dans l’ensemble, la morphologie n’a tracé aucune frontière naturelle.