Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lorient (suite)

L’industrie, présente depuis de nombreuses années (Forges d’Hennebont), fait de Lorient une des villes les plus industrialisées de Bretagne (36 p. 100 de la population active en 1968), avec notamment la Société bretonne de fonderie et de mécanique (filiale de Renault), France-Élevage, l’électronique, etc. Six zones industrielles ont été créées à l’intérieur du Groupement d’urbanisme de Lorient. Keryado, Kerolay, Tymor, Kergroise, le Rohu et Kerpont disposent de plus de 350 ha, dont 215 actuellement occupés. Mais les dix-huit entreprises décentralisées n’ont pas réussi à assainir la situation de l’emploi, dont la dégradation résulte de fermeture et de difficultés rencontrées par les entreprises locales. La mise à quatre voies de l’axe Quimper-Nantes (N. 165) dans le cadre du plan routier breton permettra vraisemblablement une meilleure structuration. Le plan d’urbanisme prévoit l’extension de l’agglomération sur la rive gauche du Blavet.

M.-M. F.

➙ Bretagne / Morbihan.

Lorrain ou le Lorrain (Claude Gellée, dit Claude)

Peintre français (Chamagne, près de Mirecourt, 1600 - Rome 1682).


Né en Lorraine d’une pauvre famille de cinq enfants, orphelin assez tôt, Claude Gellée (ou Gelée) entra dans la vie comme apprenti pâtissier. Il suivit peut-être en Allemagne l’un de ses frères qui était ouvrier en marqueterie. On ne sait dans quelles conditions il partit pour l’Italie, où il dut arriver très jeune. Naples fut sa première étape ; Claude y serait devenu valet, puis assistant du peintre Agostino Tassi (v. 1580-1644), paysagiste et élève du peintre flamand Paulus Bril (1554-1626).

Les témoignages du peintre et historien d’art allemand Joachim von Sandrart (1606-1688), puis de l’Italien Filippo Baldinucci (1624-1696) — les deux sources auxquelles on a coutume de puiser — se contredisent souvent, et beaucoup d’incertitudes planent encore sur la vie du Lorrain. En 1625, après avoir traversé Venise et la Bavière, il retourna en Lorraine, où son compatriote le peintre Claude Deruet (1588-1660) l’appelait à travailler à la décoration d’une église. La vie à Nancy, centre artistique actif en ce temps, ne le satisfit apparemment pas, car il regagna Rome et ne la quitta plus que pour de courts voyages aux alentours. Il ne se maria pas et mena une vie de travail en compagnie d’amis italiens et flamands dans ce quartier situé entre la place d’Espagne et la place du Peuplier (del Popolo), que l’on a comparé au Montparnasse des années folles, tant les artistes y affluaient de tous pays. Il passa les dernières années de sa vie avec sa fille naturelle et deux neveux venus le rejoindre de Lorraine.

Les commandes ne lui manquèrent pas. L’attirance que Rome exerçait alors sur les artistes de l’Europe entière tenait certes à sa grandeur monumentale, à ce qu’elle était devenue, dans les imaginations, le théâtre obligé des fables mythologiques. Mais la Ville était aussi le centre du commerce d’art. Parmi les clients du « seigneur Claude » figurent les grands noms de l’aristocratie romaine, les Barberini, les Pamphili, les Chigi, les Rospigliosi, les Colonna, qui, parfois, furent ses intermédiaires auprès de la papauté, ainsi que les souverains étrangers, par l’entremise de leurs ambassadeurs. Claude vendait beaucoup et cher, mais il avait la réputation de peindre lentement, sans que le succès le fît céder à la facilité. Son train de vie était plus que confortable ; c’était un homme bon et de commerce agréable, autodidacte, mais non ignorant. Dans ses notes, les références fréquentes aux textes classiques, à des passages précis de l’Énéide ou des Métamorphoses prouvent qu’il partageait l’héritage dont se nourrissaient ses contemporains.

Le paysage, dans son œuvre, tient une place exclusive, alors même qu’il sert de cadre à une scène biblique, historique ou mythologique ; les personnages y sont presque toujours de petite taille, même situés au premier plan. Comment Claude s’est-il consacré à un genre encore considéré comme mineur ? Ses débuts de peintre décorateur l’expliquent en partie. Vers 1630, il orna de fresques les palais Crescenzi et Muti à Rome. La mode était au décor à paysage, spécialité des Flamands de Rome, avec lesquels Claude était très lié. Paulus Bril avait réalisé une sorte de synthèse entre le paysage nordique de la Renaissance, panoramique et souvent fantastique, et la vision plus « naturelle » des Carrache*, selon laquelle l’horizon est placé à hauteur de l’œil. Les lois du décor étant fondées sur la symétrie, les paysages étaient généralement composés par paires ; le Lorrain peignit de même ses paysages sur toile. Non seulement leur taille est identique, mais les tableaux se complètent, exprimant parfois deux moments de la même action ; l’Histoire d’Agar en est un bon exemple : le tableau consacré à l’expulsion d’Agar est éclairé par une lumière matinale, la rencontre d’Agar avec l’Ange a lieu au crépuscule, et les deux paysages se suivent, de la gauche du premier à la droite du second.

L’influence des Nordiques se fait encore fortement sentir dans les œuvres du début : celle des paysagistes flamands et hollandais surtout ; dans une moindre mesure celle des Lorrains, Claude Deruet, avec l’élongation de ses personnages, et Callot*, dont la composition en écrans se retrouve dans la Vue du Campo Vaccino à Rome. Pourtant, considéré déjà comme le plus grand peintre de paysages d’Italie, le Lorrain, dès cette époque (1635-1640), élaborait un style très personnel, qui tenta les contrefacteurs. Pour lutter contre les faux, il commença à tenir son Liber veritatis, document de première importance pour l’étude de son œuvre. C’est un registre où sont consignées les œuvres, leur date et leurs commanditaires, avec des dessins représentant en réduction cent quatre-vingt-quinze d’entre elles ; il est tenu plus régulièrement après 1650 (British Museum, Londres).

On ne saurait, pour caractériser le style du Lorrain, se contenter de l’étiquette de « vedutiste ». Ses paysages ne sont nullement documentaires ; il est difficile de reconnaître dans ses dessins les lieux de ses promenades, Tivoli, Subiaco, Palestrina, qui se confondent dans une vue idéale. D’autre part, les sujets des toiles ne sont pas de simples prétextes dont un genre peu noble aurait eu besoin pour s’affirmer. En effet, le paysage « pur » était déjà né en Hollande. Il n’y avait aucune contradiction, mais, au contraire, un intime accord entre les épisodes mythologiques, choisis avec soin, et les calmes développements de la vallée du Tibre où les plaçait tout naturellement l’imagination des hommes de ce temps.