Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Londres (suite)

La grande extension du port ne date que du xixe s. Jusqu’alors, le trafic se limitait aux abords immédiats de la Tour. L’accroissement du tonnage des navires et l’augmentation du trafic contraignirent les compagnies portuaires à aménager des bassins dans les alluvions du lit majeur. Ces bassins furent creusés dans les lobes convexes des méandres, ce qui permit de leur donner une double entrée. En raison de l’ampleur du marnage, ce sont tous des bassins à flot, fermés à marée haute. Les plus anciens, situés aussi près que possible de la Tour, datent des années 1805-1828 : Saint Katharine docks, London docks, India docks, Surrey Commercial docks. À l’exception des bassins du Surrey, tous se trouvent au nord du fleuve ; tous ont de petites dimensions, dictées par les moyens techniques et le tonnage des navires de l’époque.

L’encombrement des vieux bassins nécessita la construction de nouveaux, plus vastes et plus en aval, eux aussi à double entrée et sur la rive nord : Millwall docks (1868) dans le méandre de l’Isle of Dogs, Royal Victoria docks (1855) et Royal Albert docks (1880), agrandis en 1921 par l’adjonction des King George V docks et, tout en aval, Tilbury docks (1890), agrandis et modernisés en 1969 pour desservir le trafic par navires porte-containers.

Le xxe s. a vu aussi la création de facilités portuaires d’un autre type, de simples jetées pour l’accostage des navires : ainsi, à Dagenham, la jetée du port privé des usines Ford, les jetées pétrolières de Shellhaven, de Coryton, d’Isle of Grain et la jetée pour méthaniers à Canvey Island.

L’achèvement des travaux à Tilbury a rendu possible en 1969-1971 la fermeture des plus petits bassins d’amont (Saint Katharine, London, Surrey Commercial, India docks), trop étriqués pour le trafic moderne et qu’il était impossible d’agrandir tant ils sont engoncés dans la masse bâtie. Le bassin Saint Katharine est déjà comblé et occupé par un immeuble. La fermeture de ces vieux bassins, la modernisation de Tilbury, la présence des grandes jetées d’aval pour le trafic des hydrocarbures et surtout les projets grandioses de creusement d’un nouveau port dans les bancs de Maplin, au large de l’île de Foulness, témoignent d’une descente vers l’aval de la fonction portuaire, phénomène que l’on retrouve dans d’autres ports d’estuaire européens, en particulier à Rotterdam et à Hambourg.

L’organisation du travail sur le port de Londres se caractérise par sa complexité, son manque de logique, l’insuffisance des équipements, la fréquence des conflits du travail. Il existe bien depuis 1908 un organisme dirigeant, l’Autorité du port de Londres, mais son rôle se borne à mettre un peu d’ordre dans la multiplicité des parties prenantes.

L’Autorité est propriétaire des bassins, mais ne les exploite pas elle-même. Elle les loue aux compagnies d’import-export ; celles-ci s’adressent, pour charger et décharger les navires, aux compagnies de débardage (qui, de leur côté, emploient des dockers) ; d’autres compagnies louent les allèges et péniches fluviales ; d’autres, enfin, les bâtiments et le matériel de stockage. Il en résulte de grandes difficultés et beaucoup de temps perdu. L’insuffisance des postes d’accostage contraint ceux des navires qui n’ont pu trouver place à quai à ancrer au milieu du fleuve et à décharger leur cargaison dans des allèges, au risque d’abîmer les marchandises ; puis les allèges transportent celles-ci jusqu’aux bassins.

À terre, les approches routières du port sont toujours très encombrées ; de longues files de camions doivent attendre leur tour. Les bassins sont, par ailleurs, peu spécialisés, tant par la nature des marchandises manipulées que par les directions du trafic. Toutefois, depuis la fermeture des bassins d’amont, le trafic d’entrée en cargos traditionnels tend à se rassembler dans les bassins royaux, tandis que Tilbury accapare le trafic « traditionnel » de sortie et le trafic en containers dans les deux sens.

Le port de Londres emploie près de 30 000 salariés et utilise près de 700 allèges. L’impression d’activité qui s’en dégage dissimule mal l’inadaptation de l’outil portuaire à sa fonction. La stagnation du trafic (comparée à l’essor de ports du continent comme Le Havre, Anvers ou Rotterdam) s’explique en partie par le faible taux de croissance de l’économie britannique, mais aussi par le transfert d’une partie du trafic de Londres vers d’autres ports du Sud-Est anglais, où le travail est plus expéditif.

Londres détient néanmoins une très large part (un tiers environ) du trafic portuaire total de la Grande-Bretagne. Comme dans tous les grands ports européens, le trafic d’entrée (près de 50 Mt) l’emporte de beaucoup sur le trafic de sortie (un peu moins de 10 Mt), à cause des importations de pétrole brut. Mais Londres se distingue de ses rivaux par l’importance du trafic de cabotage avec les autres ports britanniques : un tiers du mouvement total de Londres est dû au cabotage.

Les importations (30 Mt) portent surtout, par ordre décroissant de poids, sur le pétrole brut, les produits pétroliers raffinés, le bois, le papier et la pâte à papier, les céréales, les sucres, les viandes, les fruits et légumes, les minerais, etc.

Aux exportations (5 Mt) dominent les produits fabriqués dans le Sud-Est anglais : automobiles et tracteurs, ciment, pneumatiques, machines, etc. Les réexportations, un trafic très fructueux au xixe s., ont presque disparu aujourd’hui (thé, fourrures, tapis d’Orient, métaux non ferreux).

Le cabotage porte surtout aux entrées (près de 20 Mt) sur le charbon de Newcastle pour les centrales thermiques de la basse Tamise et aux sorties (4 Mt) sur les matériaux de construction, le ciment et l’essence.

La fonction internationale de Londres se réduit à peu de chose (réexportations) ; même le trafic national décline (importations de laine). Le rôle du port est surtout régional aujourd’hui. Le port dessert l’industrie et la population du Sud-Est anglais et d’une partie des Midlands, un arrière-pays, il est vrai, très peuplé (plus de 20 millions d’habitants), mais les petits ports du Sud-Est lui enlèvent une partie de ce trafic régional. Le déclin du port paraît irréversible.