Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Londres (suite)

Devenue la véritable capitale de l’Angleterre aux termes de la charte de 1327, qui scelle son alliance avec la Couronne, la ville de Londres en est restée également l’emporium. Elle est fréquentée dès le xiie s. par les marchands flamands groupés dans les Hanses de Bruges et d’Ypres, érigées en Hanse* de Londres sans doute avant 1187 ; elle continue d’attirer les marchands colonais, dont l’établissement du Gildhall, constitué après 1130 en amont du pont de Londres, est incorporé un siècle plus tard au comptoir hanséate du Stalhof (Steelyard), enclos muré et privilégié établi entre la rue de la Tamise et ce même fleuve. Au milieu du xiiie s., les Hanséates s’assurent en effet le monopole du courant d’échanges unissant la capitale anglaise à Novgorod. La communauté étrangère accentue le cosmopolitisme de la ville : affaiblie par l’expulsion des Juifs en 1290, elle est renforcée par la présence des marchands italiens, qui, tels les Peruzzi et les Bardi, sont autorisés à y établir des succursales au début du xive s. à condition d’accorder d’importants prêts aux souverains anglais. Exploitée par ces derniers, dont l’impécuniosité met en faillite les deux firmes italiennes en 1343 et en 1345, et contraint les marchands allemands à verser des « subsides » jugés contraires aux privilèges hanséatiques, elle contribue à la prospérité de la ville. Mais elle y favorise également la naissance d’un courant xénophobe, accru par la présence d’artisans flamands du textile établis à Londres par les marchands drapiers, partisans de la liberté du commerce. À celle-ci sont hostiles, par contre, les guildes de l’alimentation, dont sont issus les trois aldermen qui, le 13 juin 1381, ouvrent les portes de la capitale à Wat Tyler († 1381) animateur du soulèvement paysan des travailleurs, qui y incendient aussitôt le Savoy, palais de Jean de Gand.

Centre d’où part la répression de la révolte, jouant un rôle souvent actif dans les crises dynastiques qui bouleversent l’Angleterre à la fin du xive s. et au xve, Londres connaît pourtant un grand essor économique sous l’impulsion de marchands drapiers, qui s’arrogent alors le monopole de l’administration de la ville, puisque 61 maires sur 88 sont choisis parmi eux au xve s.

La ville aux cent églises se développe depuis le xive s. entre deux pôles extrêmes : la City, à l’est, centre de la vie économique, où l’ordre est maintenu exclusivement par la milice urbaine, et Westminster, la ville royale, à l’ouest, où la vie politique du pays s’organise autour de trois bâtiments : l’abbaye de Westminster, reconstruite au xiiie s. et où sont couronnés les souverains ; le palais de Westminster, édifié par Guillaume II le Roux et où siège le Parlement ; enfin le palais de Whitehall où sont installés jusqu’à l’incendie de 1698 les services de l’Administration royale et ceux de la Cour.

P. T.


Du xvie au xviiie s. : l’époque classique

Avec le xvie s., le destin de Londres connaît un changement capital. Grâce aux grandes découvertes, le port, au lieu d’être situé, comme il l’avait été jusque-là, aux extrémités de routes maritimes du grand commerce européen, se trouve placé au centre des nouveaux axes des échanges mondiaux. L’essor du trafic atlantique donne à Londres une chance décisive, que les « marchands aventuriers » et armateurs de la cité exploitent habilement. Dans toutes les directions, vers le Nouveau Monde, vers l’Orient, vers les pays baltiques, les affaires se développent : Compagnie de Moscovie (1555), Royal Exchange (1568), Compagnie des Indes orientales (1600), Compagnie de Virginie (1606). La cité contribue largement à jeter les bases du premier empire colonial britannique. En même temps, avec la dissolution des monastères et la sécularisation de leurs biens, de vastes domaines à la périphérie de la ville sont offerts au développement urbain et à l’activité des bâtisseurs. L’agglomération, jusqu’alors enserrée dans son enceinte, la déborde rapidement. Des constructions, en particulier des hôtels particuliers pour l’aristocratie, relient le long du Strand la City à Westminster, qui sort de sa situation d’isolement et est englobée dans le périmètre urbain. Le West End commence à se bâtir (Covent Garden en 1631, puis Leicester Square offrent les premiers exemples d’une planification urbaine d’inspiration classique). Sur les rives de la Tamise à l’est de la Tour s’alignent maisons d’habitation, chantiers navals, ateliers, tandis qu’au sud grandit le faubourg de Southwark avec ses auberges et ses théâtres (notamment le théâtre shakespearien The Globe).

L’expansion se poursuit brillamment au temps des Stuarts, mais, pour Londres, le milieu du xviie s. constitue une des périodes les plus troublées de son histoire : d’abord avec la guerre civile (dans laquelle Londres prend parti contre le roi et soutient Cromwell), puis avec la grande peste en 1665 (l’épidémie emporte sans doute le septième de la population), enfin et surtout avec le grand incendie de 1666. Cette catastrophe frappe tout le centre de la ville, détruit la plupart des édifices publics (la cathédrale Saint Paul, 87 églises, 11 000 maisons) et laisse des dizaines de milliers de sans-abri. Mais, sur l’immense espace dévasté, la reconstruction est menée activement sous l’inspiration de sir Christopher Wren*. Le Londres gothique disparaît au profit d’un Londres classique et baroque. La pression démographique favorise la poussée vers les faubourgs : dans l’East End, à Whitechapel (quartier des Juifs), à Spitalfields (refuge des huguenots français), à Shoreditch ; dans le West End, avec la construction noblement ordonnée de Bloomsbury. Le xviiie s. voit se prolonger le mouvement dans toutes les directions : échanges commerciaux avec l’outre-mer, extension du West Endvers Hyde park (Mayfair) et Regent’s park (Marylebone), construction de nouveaux ponts (Westminster, Blackfriars), aménagements des beaux ensembles classiques du Londres « géorgien ».