Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

logique (suite)

Les Principles entreprennent de justifier cette définition en examinant de façon détaillée les branches principales des mathématiques pures et en ramenant les concepts qui y interviennent à des concepts purement logiques. Dans cet ouvrage, Russell n’utilise pas encore la notation logique symbolique ; mais, pour obtenir le traitement rigoureux et systématique des Principia mathematica (1910-1913), il adoptera un langage logique très précis et très élaboré, inspiré de celui de Peano. Dans ce dernier ouvrage, que Russell a rédigé en collaboration avec Whitehead, les deux auteurs ne s’imposent pas seulement la tâche de réécriture symbolique et d’axiomatisation des mathématiques qui avait été celle de Peano, mais également celle de la réinterprétation des concepts primitifs et des propositions primitives de celui-ci en termes logiques. Les Principia mathematica constituent, par conséquent, la réalisation complète du programme frégéen. La contradiction qui affectait le système de Frege est évitée par l’introduction de la théorie des types, qui avait été exposée par Russell dans un mémoire de 1908 et qui exclut comme dénuées de sens des expression du genre de celle qui donne naissance à la contradiction en question.

La théorie des types simple opère simplement une stratification des expressions formelles en expressions du premier niveau (désignant des individus), expressions du deuxième niveau (désignant des classes qui ont pour éléments des individus), expressions du troisième niveau (désignant des classes qui ont pour éléments des classes d’individus), etc. et stipule que dans une expression de la forme A ∈ B, B peut être d’un niveau n quelconque supérieur au premier, mais A doit être alors de niveau n – 1. Les Principia mathematica utilisent en fait une théorie des types ramifiée qui permet d’éviter non seulement les antinomies dites « logiques », comme l’antinomie de Russell, mais également les antinomies dites « sémantiques », comme celles de Kurt Grelling et de Jules Richard. Cette théorie est beaucoup plus complexe que la théorie des types simples, et elle oblige Whitehead et Russell à introduire un expédient peu satisfaisant : l’axiome de réductibilité, qui a suscité diverses objections.

L’abandon de la théorie ramifiée pour la théorie simple, indiqué en 1921 par Leon Chwistek (1884-1944), s’est effectué sous l’impulsion de Frank Plumpton Ramsey (1903-1930), qui a montré (1926) que la dernière était suffisante pour l’élimination des contradictions logiques et que les mathématiques n’étaient pas directement concernées par le problème des contradictions sémantiques. C’est la théorie des types simple qui est devenue d’un usage général, après que Carnap en eut donné une formulation standard dans l’Abriss der Logistik (1929) et qu’elle eut été adoptée également par Kurt Gödel (1931).

Une autre contribution capitale de Russell est la « théorie des descriptions définies », c’est-à-dire l’analyse logique des expressions de la forme « le tel-et-tel » (par exemple « le deuxième président de la République française »). Russell montre que les expressions de ce type peuvent toujours au besoin être éliminées contextuellement, c’est-à-dire que toute proposition douée de sens dans laquelle elles figurent peut être paraphrasée en une proposition équivalente dans laquelle elles ne figurent plus. Par exemple, la proposition « L’auteur de Waverley est écossais » devient dans la transcription russellienne : « Il y a un individu et un seul qui a écrit Waverley, et tout individu ayant écrit Waverley est écossais. » La procédure russellienne d’élimination des descriptions définies a été reprise et améliorée du point de vue technique en 1940 par Willard van Orman Quine (né en 1908).


Zermelo

Ernst Zermelo (1871-1953) a énoncé en 1904 l’axiome du choix, qui était utilisé jusque-là comme un présupposé tacite. Il a proposé dans un mémoire de 1908 une axiomatisation de la théorie des ensembles qui comporte sept axiomes et permet d’échapper aux contradictions aussi bien logiques que sémantiques. Le principe cantorien en vertu duquel toute propriété qui peut être conçue fait exister en quelque sorte un ensemble correspondant est remplacé chez Zermelo par un axiome de séparation (Aussonderungsaxiom), qui stipule simplement que toute propriété définie de façon appropriée « sélectionne » un sous-ensemble correspondant dans un ensemble déjà donné (c’est-à-dire pouvant être construit à l’aide des axiomes). Mais cet axiome fait intervenir une notion problématique, celle de « propriété bien déterminée » (definite Eigenschaft), qui est laissée relativement dans le vague. Différentes suggestions ont été faites par la suite pour remédier à cet inconvénient, notamment en 1921-22 par Adolf Abraham Fraenkel (1891-1965), en 1922-23 par Thoralf Skolem et en 1929 par Zermelo lui-même. Fraenkel et Skolem ont montré (1922) la nécessité d’introduire, pour garantir l’existence d’ensembles suffisamment « grands », un axiome supplémentaire, l’axiome de remplacement. Les axiomes de Zermelo amendés par Fraenkel et Skolem constituent aujourd’hui une axiomatique standard, dite « de Zermelo-Fraenkel » (ZF), pour la théorie des ensembles. Pour exclure l’existence d’ensembles extraordinaires, c’est-à-dire d’ensembles donnant lieu à une chaîne descendante infinie de relations d’appartenance, von Neumann a proposé en 1929 l’introduction d’un axiome dit « de régularité » (Fundierungsaxiom), dont une autre version a été donnée en 1930 par Zermelo.


Hilbert*

Le Russell des Principia mathematica était à la fois mathématicien, logicien et philosophe. David Hilbert (1862-1943) est avant tout un mathématicien, et l’un de ceux qui ont fait faire aux mathématiques des progrès décisifs. Sa philosophie des mathématiques, qui a reçu le nom de « formalisme », obéit à une inspiration toute différente de celle de Russell. Les idées de Hilbert sont exposées, sous leur forme achevée, dans les deux volumes des Grundlagen der Mathematik (1934, 1939), qui ont été rédigés en collaboration avec Paul Bernays (né en 1888).