Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

logique (suite)

Le déclin de la logique scolastique

Vers la fin du xive s. commence le déclin de la logique scolastique. S’il est vrai qu’elle se répand largement et se maintient pendant plus d’un siècle à un haut niveau, elle ne produit plus rien de fondamentalement nouveau. Parmi les traités composés pendant cette période, il faut signaler surtout la monumentale Logica magna de Paul de Venise (v. 1372-1429), qui se caractérise par un traitement formel remarquablement soigné de la logique. De nombreux commentaires sont rédigés durant cette période, notamment sur les Summulae de Petrus Hispanus et sur Buridan. Les adversaires les plus décidés de la logique scolastique seront les humanistes de la Renaissance, qui, loin de faire bénéficier Aristote et sa logique de leur admiration pour l’Antiquité, en feront au contraire une de leurs cibles favorites. Malgré un semblant de renaissance vers la fin du xvie s., la logique scolastique ne fait plus guère que se survivre à elle-même au cours des xvie et xviie s.


La période classique

L’œuvre de logique la plus célèbre chez les humanistes du xvie s. fut celle de Pierre de la Ramée (Petrus Ramus, 1515-1572), qui, avec sa Dialectique, parue en 1555, publia l’un des premiers ouvrages de logique dignes d’intérêt en langue vulgaire, et dont l’inspiration fut violemment antiaristotélicienne et l’apport à la logique proprement dite en fait plutôt mince.

Joachim Jungius, dans sa Logica Hamburgensis, parue en 1638, met en évidence et analyse un certain nombre d’inférences qui ne sont pas réductibles aux formes traditionnelles. Ce qui l’amène à fournir les premiers éléments d’une logique des relations qui, malheureusement, a été ignorée ou dédaignée par ses successeurs immédiats.

Il faut mentionner également le cartésien Arnold Geulincx, qui, dans sa Logica fundamentis suis a quibus collapsa fuerat restituta (1662), entreprit une réforme intéressante de la logique scolastique et à qui l’on doit notamment la formulation et la démonstration d’un certain nombre de lois du calcul propositionnel.


La « Logique de Port-Royal »

La Logique dite de Port-Royal est un traité qui parut anonymement en 1662 sous le titre Logique ou Art de penser et dont les auteurs sont Antoine Arnauld et Pierre Nicole. L’ouvrage a été très longtemps et très largement utilisé. Sa division en quatre parties : idée, jugement, raisonnement et méthode, suit Ramus ; mais le traitement des trois premières parties est fondamentalement aristotélicien.

C’est la Logique de Port-Royal qui introduit (au moins pour ce qui est du vocabulaire) la distinction entre la compréhension et l’étendue (l’extension) d’une idée ou, comme nous dirions, d’un concept ou d’un terme, c’est-à-dire entre les attributs qui sont contenus dans le concept et l’ensemble des individus auxquels il s’applique. Le trait caractéristique de l’ouvrage est le fait qu’il essaie de combiner l’héritage aristotélico-scolastique avec des apports modernes. À l’influence de Descartes vient s’ajouter celle de Pascal, dont la Logique de Port-Royal expose les idées sur la nature de la définition. C’est Pascal qui le premier a reconnu clairement que toute science démonstrative devait commencer non seulement par des propositions non démontrées, mais également par des termes non définis, ou termes primitifs comme ils sont appelés dans la Logique de Port-Royal. Pascal restreint les définitions en mathématiques à des définitions nominales, les « définitions de nom », qui fonctionnent essentiellement comme des conventions d’abréviation et, par conséquent, échappent à toute contestation. Mais ni lui ni la Logique de Port-Royal ne vont jusqu’à l’idée que les termes primitifs et les axiomes peuvent, tout comme les définitions nominales, être choisis arbitrairement. Ils insistent au contraire sur la nécessité, pour les termes primitifs, de renvoyer à des choses immédiatement et parfaitement connues et, pour les axiomes, d’exprimer des vérités évidentes.


Leibniz*

H. Scholz considère que l’histoire de la logique se divise en deux sections bien distinctes : l’une, qui comprend tout ce qui n’est pas inspiré par l’idée leibnizienne de la logistique et pour laquelle la distinction habituelle entre l’Antiquité, le Moyen Âge et les Temps modernes n’a pas beaucoup de sens ; l’autre, qui correspond à la forme proprement moderne de la logique formelle « et qui comprend tout ce qui a été inspiré consciemment ou inconsciemment par l’idée leibnizienne de la logistique ». Mais il faut noter immédiatement d’une part que, loin de rompre brutalement avec la syllogistique aristotélico-scolastique, Leibniz la tenait au contraire pour une des productions les plus remarquables de l’esprit humain et s’est appliqué à la perfectionner de différentes manières, d’autre part que la logique mathématique s’est constituée indépendamment de Leibniz et dans l’ignorance de ses écrits logiques.

Dans un texte de jeunesse (Dissertatio de arte combinatoria, 1666), Leibniz forme le projet d’un système de notation universel fondé sur les principes suivants : on procédera à un recensement exhaustif de toutes les idées simples qui constituent le matériau de base des connaissances humaines et on les désignera par des symboles de type algébrique, de manière à obtenir une sorte d’« alphabet des pensées ». Les idées composées pourront alors être représentées par des combinaisons appropriées de symboles élémentaires correspondant aux idées simples qui entrent dans leur composition. Cette tentative de construction d’une lingua characteristica universalis, qui repose en partie sur les idées de Lulle, a intéressé toute sa vie Leibniz, dont l’enthousiasme contraste sur ce point avec le scepticisme de Descartes. Il y a ajouté par la suite l’idée d’un calculus ratiocinator, d’une méthode de raisonnement mathématisée, qui anticipe notre conception moderne d’un calcul logique.

Dans le domaine de la syllogistique, Leibniz s’est appliqué à compléter et à systématiser le tableau des modes possibles. Au lieu des quatorze modes aristotéliciens ou des dix-neuf de Théophraste, il parvient finalement à un ensemble parfaitement régulier de vingt-quatre modes, dont six appartiennent à chaque figure, la quatrième étant reconnue au même titre que les trois autres. Les deux modes supplémentaires de la première figure (barbari, celaront) sont démontrés par subalternation, la subalternation se démontrant elle-même à partir de darii et ferio ; les modes de la deuxième et de la troisième figure sont démontrés à partir de ceux de la première à l’aide du seul principe de contradiction (per regressum) ; quant à ceux de la quatrième figure, leur démonstration requiert l’usage de la conversion, mais celle-ci se démontre à l’aide de syllogismes des deuxième et troisième figures. La logique moderne s’est séparée de Leibniz en renonçant à admettre la validité universelle de la subalternation. Leibniz a apporté une autre contribution intéressante à la logique traditionnelle en proposant différents modes de représentation diagrammatique des inférences syllogistiques.