Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

logique (suite)

Boèce (v. 480-524) présente une importance particulière non pas à cause de sa compétence logique, mais parce qu’il a joué un rôle capital dans la transmission de l’héritage antique aux auteurs médiévaux. Il est l’auteur, notamment, d’un De syllogismo hypothetico et d’un De syllogismo categorico. C’est lui qui est en grande partie responsable de la présentation « traditionnelle » de la logique aristotélicienne : ainsi, par exemple, le syllogisme catégorique est régulièrement énoncé chez lui sous forme d’inférence, et le carré logique d’Apulée (qui ne comporte chez celui-ci que les relations dites « d’opposition ») est utilisé pour la première fois sous sa forme complète et avec le vocabulaire actuellement en usage (contradictoires, contraires, subcontraires, subalternes). Dans le De syllogismo hypothetico, on trouve un certain nombre de formules que l’on peut interpréter comme des lois ou des règles de la logique des propositions, bien que Boèce, manifestement beaucoup plus influencé par Aristote que par les stoïciens, ne les ait vraisemblablement pas conçues de cette façon, et dont certaines sont curieusement erronées.


La logique médiévale

La logique du Moyen Âge a été considérée longtemps comme peu digne d’intérêt et reste au total, aujourd’hui encore, relativement mal connue. Elle se caractérise, d’une manière générale, par sa dépendance à l’égard de la tradition antique (mais c’est seulement vers la fin du xiie s. que le corpus tout entier de la logique aristotélicienne sera connu), par son utilisation du latin scientifique, considéré, semble-t-il, comme le prototype du langage pleinement rationnel, et par le rôle qu’ont joué dans sa production et son évolution des controverses de nature théologique et métaphysique. La logique que l’on peut appeler proprement scolastique a commencé à se développer au xiie s. ; elle a atteint sa maturité aux xive et xve s., et elle a connu un déclin rapide du xvie au xviiie s.


La période de l’« Ancienne Logique » (Ars vetus)

Les principales sources utilisées sont l’Isagoge (introduction à l’Organon aristotélicien) de Porphyre, les Catégories et De l’interprétation d’Aristote. La logique aristotélicienne est connue essentiellement à travers les traductions et les commentaires de Boèce. Plus tard, lorsque la totalité du corpus aristotélicien sera devenue accessible, on donnera le nom d’Ars vetus à la logique fondée uniquement sur l’étude des trois traités ci-dessus, par opposition à l’Ars nova, qui utilisera l’Organon complet. On peut lire aussi à cette époque Apulée, les Topiques de Cicéron*, et des auteurs de moindre importance comme Cassiodore. Grâce à Cicéron, Boèce et Apulée, on dispose de certains éléments de la logique stoïcienne.

La période de l’Ars vetus est dominée incontestablement par la figure de Pierre Abélard* (1079-1142). Son œuvre, capitale dans le domaine de la logique, est une Dialectique, dont l’essentiel a été publié par V. Cousin (dans ses Ouvrages inédits d’Abélard, Paris, 1836) et dont la première édition complète est parue aux Pays-Bas en 1956. Abélard y reste apparemment entièrement tributaire de Boèce et d’Apulée pour ce qui est de la logique exposée ; et, en un certain sens, le traité ne fournit rien de plus qu’une présentation systématique des connaissances transmises par Boèce. Dans cet ouvrage et dans d’autres, qui s’occupent davantage de problèmes sémantiques et philosophiques que de logique, Abélard exprime son opposition à certaines interprétations métaphysiques de la logique et prend nettement parti, en particulier, contre le réalisme des universaux, manifestant ainsi avant la lettre des tendances « terministes ».

Jean de Salisbury (v. 1115-1180), un disciple d’Abélard, nous donne dans son Metalogicon de nombreux renseignements sur l’activité considérable des logiciens de cette époque. Il faut faire une place à part à Adam de Balsham, connu sous le nom de Parvipondanus parce qu’il enseignait à Paris près du Petit Pont, auteur d’un Ars disserendi (1132), où, entre autres paradoxes, est signalée (pour parler en termes modernes) la possibilité pour un ensemble d’être équipotent à l’un de ses sous-ensembles propres.


La période de la « Nouvelle Logique » (Ars nova)

On peut faire commencer cette période approximativement au milieu du xiie s., au moment où s’introduisent (entre 1136 et 1141) les Analytiques, les Topiques et les Réfutations sophistiques d’Aristote. Les logiciens les plus importants sont William of Shyreswood († 1249), Albert le Grand (v. 1200-1280) et leurs élèves : le futur pape Jean XXI, Petrus Hispanus (v. 1220-1277), John Duns* Scot (v. 1266-1308) et Raymond Lulle* (1233 ou 1235-1315).

L’assimilation de l’œuvre logique d’Aristote dans son intégralité a été grandement facilitée par l’influence des Arabes, qui, bien avant les logiciens scolastiques, avaient pris contact, par l’intermédiaire des moines syriaques, avec la totalité de l’Organon. Les Arabes considéraient Aristote comme le « premier philosophe », le second étant al-Fārābī († 950), responsable de l’introduction de la logique aristotélicienne dans la culture islamique, et le troisième Avicenne*. En fait, seuls quelques fragments insignifiants de l’important traité de logique d’Avicenne ont été connus des logiciens scolastiques à partir de la fin du xiie s. ; et le philosophe arabe qui a le plus fortement influencé ces derniers est sans conteste Averroès* (1126-1198), dont l’autorité était telle auprès d’eux qu’ils avaient coutume de l’appeler « le commentateur ».

La synthèse entre l’Ars vetus et l’Ars nova se trouvera réalisée vers le milieu du xiiie s. dans un certain nombre de grands traités didactiques, compendia ou summulae, qui serviront de manuels pour l’apprentissage de la logique et qui donnent certainement la meilleure idée de ce que pouvait être l’enseignement de cette discipline pendant la grande période scolastique. Les deux principaux sont les Introductiones in logicam de William of Shyreswood et les Summulae logicales de Petrus Hispanus (Pierre d’Espagne), qui ont été l’un des manuels de logique les plus utilisés au Moyen Âge. Tous les deux proposent, pour faciliter l’acquisition des règles logiques, des méthodes mnémoniques dont certaines sont demeurées en usage. Leur dette à l’égard des grammairiens et la part consacrée aux problèmes sémantiques sont importantes.