Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Antarctique (suite)

La bordure précontinentale étroite oppose une plate-forme originale par sa profondeur (500 m en moyenne pour le rebord), son relief énergique (creusé par un fossé médian concentrique), à une pente fortement déclive, où les cañons sont rares du fait même de la profondeur. L’irrégularité de la topographie s’explique moins par le labourage des glaces, qui semblent avoir débordé assez loin au Pléistocène (ou même avant), que par la densité des disjonctions, fréquentes dans un domaine de transition avec les structures océaniques : elles ont pu rejouer lors de la formation et des retraits de la masse glaciaire.

• Les cuvettes océaniques. Les parties les plus profondes de l’océan Austral sont séparées par des seuils, ou dorsales, dont on a récemment reconnu l’activité et aussi la continuité avec les formes similaires des autres océans. La dorsale atlantico-indienne se rapproche du continent jusqu’à l’île Bouvet, puis remonte vers le nord dans l’océan Indien, où elle revêt la forme d’un « Y » renversé, dont la branche orientale (Nouvelle-Amsterdam, Saint-Paul) se prolonge, sous le nom de dorsale indo-antarctique, jusqu’au sud de la Nouvelle-Zélande. On note encore les dorsales pacifico-antarctique, puis est-pacifique (dite parfois « de l’île de Pâques »), dont se détache un rameau, ou dorsale sud-chilienne, greffé sur l’Amérique du Sud. Sur tout ou partie de leur parcours, ces dorsales sont entaillées par un fossé central, bordées par des anomalies magnétiques disposées parallèlement à leur axe, et secouées par une notable activité séismique.

La présence d’îles et de hauts-fonds (bancs Maud, Banzare, du Discovery, du Meteor, etc.), qui sont des chicots de volcans épars ou groupés, parfois tronqués en guyots, atteste l’importance des épanchements volcaniques sous-marins. La disposition rubanée des anomalies magnétiques et l’activité tectonique témoignent de leur élaboration par des montées de matériaux venus du manteau dans la zone médiane, et repoussés de part et d’autre d’elle par des venues successives plus récentes. Les lignes de crêtes sont hachées par de grands décrochements (ou failles de transformation), qui semblent contemporains de l’édification des dorsales. On ne sait pas encore si le plateau aséismique portant les îles Kerguelen et Heard est un tronçon de dorsale ou un lambeau continental curieusement isolé.

De part et d’autre des seuils s’étendent des bassins océaniques comprenant : des collines abyssales, dont le désordre topographique est expliqué par l’importance des fractures ; à proximité des continents, des parties planes ou plaines abyssales (de Weddell, Enderby, Wilkes et de Bellingshausen), dont la régularité topographique est due à l’épaisseur et à l’ancienneté de dépôts non perturbés, puisqu’ils sont éloignés de l’axe des dorsales.

L’Antarctide est considérée comme un moignon d’un continent plus vaste, dont les morceaux ont été écartelés par la création progressive de la croûte océanique responsable de l’expansion du fond marin.

La dérive des continents est à l’origine d’un isolement encore renforcé par l’hostilité climatique : il explique l’endémisme des flores et des faunes comme la quasi-inexistence de peuplement humain sédentaire, en dehors des quelques établissements de pêcheurs, d’éleveurs et de scientifiques. Mais en raison de ces mêmes particularités et des intérêts politiques qu’elles ont éveillés, les régions antarctiques bénéficient de conditions diplomatiques privilégiées, qui leur permettront de devenir le plus grand laboratoire du monde.

Antarctique et Gondwana

L’Antarctide présente avec les boucliers actuellement situés sous des latitudes plus basses de frappantes similitudes :

• Dans les faciès, la puissante série continentale de Beacon possède avec ses homologues (comme la formation du Karroo) les mêmes niveaux de conglomérats glaciaires (tillites), de charbons (à glossopteris) et d’épanchements volcaniques ;

• Dans la tectonique s’exprime l’intimité structurale qui unit les cordillères antarctique et andine ;

• Dans l’évolution des flores et des faunes, des découvertes récentes dans les chaînes transantarctiques de vestiges de vertébrés terrestres (1967 : fragment de mâchoire de Labyrinthodonte ; 1969 : crâne de Lystrosaurus) datés du Trias sont identiques à celles déjà réalisées en Afrique du Sud et en Australie.

De telles ressemblances posent le problème du rôle paléogéographique de l’Antarctide, au point de vue structural mais également biogéographique. On a tenté de les expliquer par des ponts continentaux ou l’existence de continents intermédiaires aujourd’hui engloutis. Mais l’étude des positions présumées du pôle magnétique, les datations radiométriques et la géophysique sous-marine fournissent des présomptions supplémentaires en faveur de l’hypothèse, avancée dès 1912 par A. Wegener, d’une dérive affectant les morceaux d’un continent primitif appelé « Gondwana », préalablement sectionné par des fractures radiales. Des doutes subsistent quant à l’assemblage initial des morceaux écartelés, mais il est admis qu’ils ont rejoint leurs positions actuelles après un cheminement complexe.


Les zones antarctiques


La calotte antarctique

• Le dôme central. Dans les parties les plus hautes de l’Antarctide orientale, délimitées par la courbe de 3 000 m et l’isotherme de – 40 °C, la quasi-permanence de l’anticyclone fait régner le froid le plus rigoureux (hiver : – 70 °C ; été : – 30 °C ; température moyenne annuelle : – 49 °C au pôle Sud, – 58 °C à Vostok et au pôle d’inaccessibilité). Mais il s’agit d’un froid que la fréquence des types de temps calmes rend supportable. L’atmosphère y est d’une surprenante sonorité et d’une incomparable transparence, à cause de la faible humidité de l’air et de la rareté des hydrométéores. Les précipitations (de 20 à 60 mm par an) ne sont dues qu’au givre et à la condensation de l’humidité atmosphérique, par suite de la faible fréquence des perturbations et des systèmes nuageux. L’indigence des apports neigeux explique que la transformation en glace ne se réalise qu’à 100 m de profondeur, et encore faut-il dix siècles au pôle Sud (peut-être vingt au pôle d’inaccessibilité) pour qu’une telle mutation se réalise. La masse glaciaire ne s’écoule que très lentement, à la vitesse de quelques mètres par an.