Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lisbonne (suite)

L’art à Lisbonne

Le charme de la ville est fait de la diversité de ses monuments. Le tremblement de terre de 1755 a certes détruit l’essentiel de l’agglomération, mais l’architecture civile en était connue pour sa médiocrité, et les édifices notoires étaient heureusement situés pour la plupart hors de la zone la plus atteinte.

Le noyau médiéval est le château de São Jorge, bastion de la résistance mauresque, emporté par le roi Alphonse Ier Henriques en 1147. Il en reste une belle salle gothique, entourée de jardins créés dans l’enceinte wisigothique qui domine la ville à l’est. Tout autour s’étend le pauvre Alfama, ancien quartier maure, sillonné de touristes en mal de folklore. La Sé (cathédrale) traduit une nette influence du style roman auvergnat (sensible aussi à Évora) dans son plan, son triforium et son portail de façade, tandis que le cloître cistercien est d’obédience bourguignonne ; le déambulatoire a été construit après le séisme de 1344.

Pendant le xve s., Lisbonne absorba les quartiers maures et juifs, s’étendit le long du Tage pour prendre son allure caractéristique. Mais l’enrichissement fabuleux qui avait suivi les grandes découvertes ne donnait lieu à aucun luxe architectural. Le roi avait quitté le vieux château São Jorge pour s’installer symboliquement au « Paço da Ribeira » (palais de la Rivière), une construction avec « peu de dessin et pauvre », relate un ambassadeur vénitien en 1504. Mais la Cour résidait souvent à Évora, où l’on construisait plus qu’à Lisbonne.

Après 1500 apparaissent les perles de l’architecture manuéline*, le monastère des Hiéronymites et la tour de Belém. Construite par Francisco de Arruda († 1547), celle-ci était autrefois isolée par les eaux du Tage ; elle ressemble aux tours du littoral marocain, connues du maître d’œuvre, mais est ornée comme le sont rarement les ouvrages de défense. Les architectes Boytac (ou Boytaca) [mentionné à partir de 1490, mort avant 1528], d’origine languedocienne, et João de Castilho (1490-1581) construisirent l’église et le cloître du monastère des Hiéronymites, le premier dans une manière dynamique, multipliant les effets de torsion de câbles et de lianes enserrant piliers et voussures, le second traitant en style plateresque le répertoire de la Renaissance italienne. Le chœur, dû à João de Castilho, est surmonté d’une voûte finement quadrillée, d’une remarquable élégance.

La période de domination espagnole ne donna pas naissance à un style original : les façades d’églises de l’Italien Filippo Terzi (v. 1520-1597) sont d’un classicisme froid.

Après la catastrophe de 1755, la reconstruction dirigée par le marquis de Pombal donna naissance à une ville au plan régulier, aux façades et aux intérieurs d’une austère uniformité. Devant l’immensité de la tâche à accomplir, et la main-d’œuvre locale ne suffisant plus, on donna à fabriquer aux chantiers de province des éléments calibrés et interchangeables (pierres de taille, menuiseries, ferronneries). Cette expérience de préfabrication fut sans lendemain, mais elle explique l’aspect rigoureux de l’ensemble, réalisé par les architectes Eugênio dos Santos (1711-1760) et Carlos Mardel († 1763), d’origine hongroise, secondés par les ingénieurs de l’Académie militaire. La praça do Comércio, centre de la ville neuve, est une grande réussite, comparable à celle des places monumentales édifiées à la même époque à Paris, Bordeaux, Copenhague. On y pénètre par un arc de triomphe d’un baroque tardif. Bordée d’arcades sur trois côtés, elle s’ouvre sur le Tage ; en son centre s’élève la statue de Joseph Ier, première statue équestre édifiée au Portugal. La reconstruction de Lisbonne exprime un rationalisme bourgeois, opposé au baroque capricieux du château de Queluz (près de la capitale). C’est l’œuvre de Pombal et non celle de la Cour, qu’il n’aimait guère.

Les nombreux musées de Lisbonne traduisent assez exactement l’histoire des arts au Portugal. Le musée d’Art ancien abrite une splendide collection de peinture portugaise des xve et xvie s. (polyptyque de Nuno Gonçalves*). Les périodes suivantes sont surtout représentées par les écoles étrangères, italienne, flamande et hollandaise notamment ; il ne semble pas que l’évolution de la société portugaise à l’époque classique ait permis aux peintres et aux sculpteurs de s’élever au-dessus de la condition artisanale. Mais l’artisanat et les arts mineurs, florissants aujourd’hui encore, sont magnifiquement représentés au musée d’Art populaire, au musée des Arts décoratifs, charmante reconstitution d’une demeure seigneuriale des xviie et xviiie s., et au spectaculaire musée des Carrosses. Il faut signaler l’ouverture au public, en 1969, du moderne musée de la Fondation Gulbenkian, consacré aux collections de l’homme d’affaires C. Gulbenkian.

E. P.

Lisieux

Ch.-l. d’arrond. du Calvados, sur la Touques, à l’est de Caen ; 26 674 hab. (Lexoviens).


À l’époque gauloise, Lisieux, sous le nom de Noviomagus, était la capitale des Lexovii, dont elle prit plus tard le nom. Détruite par les Saxons au ive s., la ville fut rebâtie sur son emplacement actuel et, dès le vie s., elle devint le siège d’un évêché ; des conciles importants s’y tiendront au xie et au xiie s., et une nouvelle cathédrale, qui subsiste, sera entreprise vers 1170.

La ville fut ravagée au moment des invasions normandes (887), et Geoffroi Plantagenêt s’en empara en 1141. Duc de Normandie en 1144, il devint par son mariage avec Mathilde le père du roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt (1154-1189). C’est à Lisieux qu’Aliénor d’Aquitaine épousa, en 1152, Louis VII de France, qui la répudia imprudemment.

Sous Philippe Auguste, en 1203, la ville devint définitivement française, ainsi que toute la Normandie. Durant la guerre de Cent Ans, ses évêques la firent fortifier. Elle fut prise par les Anglais en 1415, l’année d’Azincourt ; ceux-ci en furent chassés en 1448 par Charles VII. Durant les guerres de Religion, Lisieux fut tour à tour aux mains des protestants et des catholiques, et Henri IV l’assiégea en 1589.

À la Révolution, la ville perdit son évêché, qui fut rattaché à celui de Bayeux. À l’époque contemporaine, elle devint célèbre à cause du rayonnement d’une humble carmélite, Thérèse* de l’Enfant-Jésus.