Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Limousin (suite)

L’industrie est des plus modestes : le courant électrique des gorges de la Dordogne est exporté (vers la S. N. C. F. ou Paris), l’exploitation minière (kaolin, houille) s’éteint, sauf l’uranium (Bessines), et toutes les industries traditionnelles de la vallée de la Vienne (porcelaine, papeterie, chaussures) sont en crise (exploitations familiales faibles et dispersées, matériel souvent vieilli, insuffisance des procédés commerciaux) ; d’autres sont menacées ou stagnent (armement à Tulle, tapis en Creuse). Le relais est pris seulement à Limoges (construction automobile, matériel électrique), à Brive (matériel électrique, mécanique) et dans quelques petites villes qui ont attiré des industries (bois à Ussel, mécanique et électricité à Aubusson), mais où la situation reste précaire (faible taille et isolement des entreprises). Le tourisme, surtout familial, intéresse en particulier l’est de la Corrèze, mais demeure diffus, sans grand équipement spectaculaire, cherchant à mettre à profit les retenues hydro-électriques. L’itinéraire Paris-Toulouse (route et chemin de fer) traverse la région en étranger, l’absence d’un axe transversal se fait sentir, et par rapport aux voies de transport à grand débit, qui conditionnent l’évolution économique actuelle, la plus grande partie de la région est enclavée.

P. B.


L’histoire

Le Limousin ne conserve que peu de vestiges de l’occupation humaine à l’époque préhistorique. Le seul témoignage de la présence de l’homme au Pléistocène supérieur fut découvert en 1908 par les abbés A. et J. Bouyssonie et L. Bardon, au S.-E. de Brive, à La Chapelle-aux-Saints. Ce fossile humain, que l’on regarde aujourd’hui comme l’un des plus beaux exemples de l’espèce de Neandertal, était inhumé avec des outils de quartz, typiques de l’industrie du Paléolithique moyen. Plus tard, la « grande fièvre mégalithique » qui caractérise, entre 5000 et 2500 av. J.-C., les civilisations du Néolithique parsème le Limousin de dolmens et de menhirs, comme l’atteste, à Cieux, la pierre levée de Ceinturat.

Le passage des Ligures, des Ibères et des Celtes ne marque pas profondément la région. La tribu des Lemovices, que mentionne César dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules pour avoir envoyé en 52 av. J.-C. un contingent de dix mille hommes au secours de Vercingétorix à Alésia, était un peuple puissant et organisé. La défaite des Cadurci à Uxellodunum, ultime foyer de résistance à l’invasion étrangère, en 51 av. J.-C., livre le Limousin à l’occupation romaine. La province, rattachée à l’Aquitaine, reste essentiellement agricole. Les routes tracées par les légions romaines sont surtout destinées à un commerce de transit. Par ces voies, le christianisme atteint le Limousin vers le iiie s. : saint Martial, originaire de Lyon, évangélise le Limousin et l’Aquitaine avant de revenir mourir près de Limoges.

Lors des invasions barbares, seuls les Wisigoths se fixent en Limousin et se substituent aux Romains. Mais, convertis à l’arianisme, ils se heurtent à l’hostilité du clergé catholique et de la population. C’est alors que Clovis Ier*, roi catholique soutenu par l’Église, écrase le roi wisigoth Alaric II à la bataille de Vouillé (507). Le Limousin et l’Aquitaine entrent dans le royaume franc. Clovis mort en 511, le Limousin est l’enjeu de la querelle fratricide des quatre fils du premier roi franc ; la sécurité est rétablie seulement sous les règnes de Clotaire II (584-629) et de Dagobert Ier* (629-638), qui sauront s’entourer de conseillers efficaces. Le plus célèbre, l’orfèvre Eligiux (v. 588-660) [saint Éloi], fonde au début du viie s. le monastère de Solignac, placé sous la règle de saint Colomban, qui devient une école d’orfèvrerie réputée.

À l’appel des ducs d’Aquitaine, Charles Martel (v. 685-741) arrête l’invasion arabe à Poitiers en 732. Mais les ducs refusent alors de reconnaître la domination du royaume franc : le Limousin devient une marche frontière ravagée par les troupes carolingiennes et même par les pirates normands appelés par le roi d’Aquitaine Pépin II (838-856). Les rois carolingiens s’avèrent incapables d’imposer leur pouvoir. Les seigneurs locaux, aquitains et limousins, forment de multiples seigneuries, pour la plupart dépendantes du comté de Poitou, tenu par la puissante dynastie des Guillaume. Le Limousin perd son unité, la Marche, au xe s., devient comté indépendant au profit de Boson le Vieux, la vicomté de Limoges s’affaiblit alors que la vicomté de Turenne établit sa puissance. L’Église accroît son influence et parvient même à imposer sa volonté aux seigneurs : les conciles de Charroux (989) et de Limoges (1031) tentent de limiter les dommages subis par les paysans du fait des guerres locales. L’Église exploite la renommée des saints locaux, en particulier saint Martial, et construit de nombreuses abbayes, foyers de vie intellectuelle et artistique : des moines, tel Adémar de Chabannes (988-1034), rédigent les chroniques de la vie limousine ou contribuent à la diffusion des pièces émaillées destinées à orner les églises. Des paysans se regroupent autour des abbayes et défrichent les landes et les bois.

Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), qui avait apporté en dot le Limousin au roi de France Louis VII, répudiée et remariée en 1152 avec Henri II* Plantagenêt, le futur roi d’Angleterre, fait entrer le Limousin dans le domaine anglo-angevin. Mais Louis VII n’accepte pas la perte de la province et tente de reconquérir la dot d’Aliénor. Les seigneurs limousins, divisés depuis la fin de la domination carolingienne, entretiennent leur division : chaque seigneurie combat pour son propre compte aux côtés du roi de France ou aux côtés du roi d’Angleterre. Cette longue période de lutte s’achève par la victoire du roi de France Louis VIII (1187-1226) sur Jean* sans Terre à La Roche-aux-Moines en 1214, qui restitue à la France un Limousin épuisé par la guerre. Pourtant, en 1259, le traité de Paris conclu par Saint Louis rend au roi d’Angleterre les domaines et les fiefs royaux : le traité de Paris laisse le Limousin divisé et prêt à combattre de nouveau. La seconde période de la guerre de Cent Ans remet en cause le sort du Limousin : une série de victoires anglaises laisse entrevoir une installation définitive, mais la lourdeur de l’administration anglaise suscite un revirement en faveur du roi de France. En 1370, Charles V* réunit Limoges au domaine royal par négociation et, aidé de Du Guesclin*, reconquiert la province. L’administration royale supplante peu à peu les pouvoirs locaux ; les bourgeois entrent dans l’administration royale, gèrent les villes et favorisent l’essor économique entraîné par la paix. L’émaillerie renaît ; elle abandonne les sujets religieux et s’oriente vers la fabrication de portraits et de vaisselles. La tapisserie prospère dans la Marche.