Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Limousin (suite)

La géographie physique

Après avoir connu une histoire précambrienne et primaire tourmentée, ces plateaux furent à peu près continuellement des boucliers émergés, subissant des retouches d’érosion à la pénéplanation posthercynienne au gré des oscillations tectoniques modestes du socle. Même les mouvements tertiaires y furent modérés, d’où l’absence de dénivellations brutales. Traditionnellement, la Montagne limousine est considérée comme provenant de l’aplanissement posthercynien. Les plateaux entre 650 et 750 m représenteraient un cycle infracrétacé (Xaintrie, région d’Égletons, Meymac, Eymoutiers, Haute-Marche, avec leurs prolongements vers l’ouest comme la forêt des Cars, les monts de Blond, d’Ambazac, ou vers le nord comme le Maupuy et la montagne de Toulx-Sainte-Croix). Entre 350 et 500 m, les plateaux de Tulle et du Haut-Limousin et la plus grande partie de la Marche seraient justiciables d’une phase d’érosion éogène, et une dernière surface, d’élaboration miocène, entre 220 et 350 m, correspondrait à l’essentiel du Confolentais et de la Basse-Marche. D’autres reprises d’érosion auraient limité leurs effets au rajeunissement des vallées (gorges, ruptures de pentes comme les cascades de Gimel). Sans révoquer complètement ce schéma classique d’explication, les auteurs modernes accordent aux failles un rôle beaucoup plus important dans le relief (abrupt de Meymac, blocs basculés des monts d’Ambazac et du Maupuy, relèvement du Nontronnais par rapport au Confolentais, etc.) ; profitant des progrès de l’analyse pétrographique, ils font davantage de place à l’érosion différentielle (rôle de la charpente granulitique de la montagne limousine, des hauteurs du nord de la Marche, éperons et cuvettes du sud du Haut-Limousin, explication des tracés étonnants de certains cours d’eau comme le Taurion) ; ils mettent en évidence des processus qui n’ont rien à voir avec l’érosion « normale » davisienne : inselbergs et glacis tertiaires de la bordure nord, engorgements en nappes qui masquent la limite du socle et qui sont particulièrement épaisses sur le passage des anciens cours torrentiels, empêchant l’apparition de dépressions périphériques.

Le climat est caractérisé par des précipitations assez abondantes (800 à 900 mm), avec une répartition saisonnière de type océanique méridional (A. [automne], P. [printemps], H. [hiver], E. [été]), non sans nuances (plus de 1 200 mm dans la montagne limousine, 750 à 800 mm en Marche, où l’indicatif saisonnier devient plus continental : E. A. H. P.). La température annuelle, supérieure à 11 °C (janvier, entre 3 et 4 °C ; juillet, 19 °C ; 70 à 80 jours de gelée) dans l’ouest, tombe à 8 °C sur la Montagne limousine, avec 110 jours de gelées, près d’un mois d’enneigement, et un ensoleillement modeste (près de 200 jours de pluie et 30 à 40 de brouillard).

De telles conditions entraînent le lessivage des sols acides du socle et ont facilité l’ancienne extension de la lande, qui était la marque même du paysage limousin. C’est largement une image du passé, du fait des bonifications agricoles du siècle dernier dans les régions basses et des reboisements des dernières décennies sur la Montagne et les hauts plateaux : douglas et épicéas, s’ajoutant aux taillis de feuillus des régions basses, ont élevé le taux de boisement de 11 à 20 p. 100, et jusqu’à plus de 35 p. 100 du sol dans certains cantons. Par ailleurs, le climat est évidemment favorable à la pousse de l’herbe, à condition que les sols soient amendés et engraissés.


Population et activité économique

Au milieu du xviiie s., le Limousin était une des régions les plus faiblement peuplées de France (22 hab. au km2), manquant de possibilités d’intensification agricole dans le cadre de l’économie traditionnelle, où les fortes densités reposaient sur le champ de céréales et la vigne. Le Bas-Limousin était le plus peuplé, grâce aux noyers, aux châtaigniers, aux porcs et à un climat plus favorable aux cultures sur les plateaux du sud. Les industries rurales manquaient, sauf dans la vallée de la Vienne. La tradition déjà établie de l’émigration temporaire des maçons marchois (pendant l’été, donc pendant la saison des travaux agricoles) témoignait de la crise profonde de l’économie agricole. C’est pourquoi la Creuse fut la première région limousine à se dépeupler (maximum de population en 1851), dès que le chemin de fer permit d’envisager plus aisément l’expatriation définitive. Au contraire, les autres départements ont pu mettre à profit l’amélioration des communications pour amender les terres par chaulage, remplacer le seigle par le blé, développer le troupeau bovin ; il en est résulté un accroissement prolongé de la population. Le maximum de population n’est atteint qu’en 1891 en Corrèze (287 000), en 1906 en Haute-Vienne (386 000), où la seconde moitié du xixe s. coïncide en outre avec l’expansion industrielle de Limoges et de la vallée de la Vienne (porcelaine, papeteries, puis chaussures, etc.). Mais ensuite, la baisse est partout importante. Elle se prolonge encore en Creuse (163 000 hab. en 1962, 146 000 en 1975), semble arrêtée en Corrèze (239 000 et 240 000). Après avoir duré jusqu’en 1954 en Haute-Vienne (325 000 hab.), il y a une reprise (352 000 hab. en 1975), bien modérée si l’on tient compte de la présence d’une grande ville. Cette situation n’est plus seulement due à l’exode rural, qui se poursuit partout, particulièrement sur les plateaux bas-limousins. Il s’y ajoute le faible poids et la faible attraction des villes (le Limousin est encore la région la plus rurale de France), et la proportion de population urbaine s’élève seulement à 24 p. 100 en Creuse, 46,5 p. 100 en Corrèze, 60 p. 100 en Haute-Vienne (malgré la présence de Limoges). Entre les recensements de 1968 et de 1975, la population urbaine n’a gagné que 2 000 habitants en Creuse, 14 000 en Corrèze, 20 500 en Haute-Vienne, tandis que les campagnes perdaient respectivement 12 000, 10 000 et 9 000 habitants. Le marasme des petites villes est tel qu’on peut se demander si les seules chances de renaissance économique du Limousin ne résident pas dans une concentration des activités et des efforts de développement sur Limoges et la vallée de la Vienne et sur Brive : ce qui rappellerait la nécessaire concentration des investissements des économies sous-développées. Plus préoccupantes encore sont les données purement démographiques : la natalité est la plus basse de France avec celle des régions méditerranéennes (9 à 12 p. 1 000), ce qui n’est pas seulement la conséquence du vieillissement dû à l’exode des jeunes, mais traduit aussi une fécondité très faible. Ainsi, certains secteurs creusois ont une natalité de 6 à 9 p. 1 000. La mortalité est plus élevée que la natalité en Creuse (près de 14 p. 1 000), et ailleurs le solde positif naturel est insignifiant. On en est au point où l’agriculture, qui continue à fournir des émigrants, est menacée : la friche gagne dans les régions hautes ; on s’est longtemps réjoui de la possibilité d’agrandissement des fermes par libération des terres des émigrants (il y a eu, de fait, un élargissement de l’exploitation, surtout sensible en Creuse et Basse-Marche), mais on s’effraye maintenant du nombre d’agriculteurs dont la succession n’est pas assurée, et la Creuse fait venir depuis longtemps des migrants manceaux pour reprendre les fermes. Des étrangers achètent des terres, et les émigrés à Paris détiennent plus du tiers des bois de la Montagne. Les efforts d’intensification de l’agriculture sont entravés par l’éloignement de la clientèle urbaine, qui oblige à conserver des systèmes agricoles fondés sur la production de viande pour des marchés qui ne sont atteints qu’à travers de nombreux intermédiaires et sur lesquels les producteurs n’exercent aucun contrôle. Avec l’agrandissement des exploitations, ce sont des formes d’extensification qui gagnent (élevage bovin naisseur, agneau de boucherie), d’autant que les restes de la polyculture s’effondrent, sauf dans la région de culture maraîchère du bassin de Brive. Elles peuvent assurer un revenu un peu amélioré pour peu d’investissements et pour une réduction appréciable de la masse de travail fournie par des cultivateurs trop dépourvus de main-d’œuvre. Il y a certes des nuances : plus de champs (fourrages, céréales) dans le sud du Limousin et la région de La Souterraine, plus d’herbages en Confolentais et Basse-Marche, plus de médiocres pâtures sur les plateaux élevés de l’est. Cependant, les remembrements commencent à éclaircir le bocage, et quelques groupements régionaux cherchent à réagir (en Confolentais notamment).