Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Limoges (suite)

L’histoire

Augustoritum, capitale des Lémovices, peuple gaulois de l’Aquitaine, doit à l’occupation romaine son entrée dans l’histoire. L’ordre romain, qui avait construit des temples et un amphithéâtre de vingt mille places, est troublé par les invasions barbares : les habitants érigent une enceinte fortifiée sur l’actuel emplacement de la cathédrale Saint-Étienne. Ce refuge est à l’origine de la Cité, qui, malgré ses défenses, est saccagée par les troupes du roi wisigoth Alaric II en 488 : convertis à l’arianisme, les Wisigoths avaient voulu imposer aux habitants de Limoges, évangélisés par saint Martial, un évêque arien ; l’Église avait refusé l’autorité d’un hérétique.

Parallèlement à la Cité s’édifie en 848, à l’emplacement du tombeau de saint Martial, une abbaye. Au xe s., les abbés font entourer de murailles les habitations autour de l’abbaye. Cette enceinte constitue la première ébauche du Château, qui, agrandi au xiiie s., forme une agglomération trois fois plus importante que la Cité : le vicomte de Limoges édifie son donjon dans l’enceinte de l’abbaye Saint-Martial. Ainsi, deux villes se trouvent face à face : la Cité de l’évêque et le Château. Le traité de Paris en 1259 consacre cette dichotomie : le Château relève du roi d’Angleterre, et la Cité de l’évêque.

Limoges cependant s’affirme comme capitale de province. En 1301, le concile de Limoges invite les princes à affranchir les serfs et surtout confirme que saint Martial était un compagnon du Christ. La ville devient alors prestigieuse : les comtes-ducs d’Aquitaine se font couronner à Saint-Étienne ; l’école et la bibliothèque de Saint-Martial attirent les clercs et les écoliers.

La reprise de la guerre entre le roi d’Angleterre et le roi de France en 1337 bouleverse une fois de plus le sort de Limoges : Charles V* obtient par négociations en 1370 la Cité, que le Prince Noir rase en guise de représailles (septembre). Pourtant, avant la fin de l’année, les bourgeois du Château se joignent à Charles V. La fin de la deuxième guerre de Cent Ans impose la paix : l’industrie de l’émaillerie renaît dans la région de Limoges ; la construction de la cathédrale Saint-Étienne, commencée en 1273, se poursuit aux xve et xvie s. Les guerres de religion épargnent Limoges, et, en 1607, Henri IV annexe définitivement la vicomté de Limoges à la couronne.

Turgot*, intendant du Limousin de 1761 à 1774, entreprend la rénovation de Limoges : il fait abattre les remparts de la ville, améliore le réseau routier, mais surtout cherche à donner à la ville une vocation industrielle en développant l’industrie de la porcelaine. La découverte du kaolin à Saint-Yrieix en 1768 et l’abondance des autres composants de la pâte à porcelaine, feldspath et quartz, justifient cette entreprise. À la suite des efforts de Turgot et des recherches du chimiste Nicolas Fournerat, la première manufacture de porcelaine de Limoges obtient des privilèges royaux le 30 décembre 1773. En 1807, Limoges compte cinq manufactures, avec sept fours en activité, et en 1826 vingt-six entreprises. Cependant, en dépit de sa vitalité, l’industrie porcelainière séduit peu les pays étrangers. Mais un commissaire en poterie de New York, David Haviland, fait transformer en 1842 le style de décoration des porcelaines dans le goût américain. Les États-Unis importaient 753 colis de porcelaine en 1842, alors qu’en 1853 ils en importent 8 594. L’industrie de la porcelaine progresse régulièrement et atteint son apogée en 1898 : Limoges compte alors 10 500 salariés. Lorsque les industriels mécanisent les procédés de fabrication, les ouvriers porcelainiers s’insurgent : les grèves violentes de 1905 donnent à Limoges la réputation d’une ville « rouge ». Bien que Limoges réalise encore 90 p. 100 des exportations de la porcelaine française, l’industrie de la porcelaine est supplantée par l’industrie de la chaussure après la Première Guerre mondiale.

Les peaux des élevages locaux, le tanin des écorces de chêne justifient l’existence d’une industrie du cuir familiale répartie dans la région de Limoges. L’apparition des machines simplifiant le travail artisanal marque les débuts de l’industrie de la chaussure. Alfred Heyraud, vendeur de chaussures parisien, fonde en 1925 un important établissement industriel et utilise l’habileté des artisans locaux. Toutefois, l’emploi de machines de plus en plus perfectionnées introduit des compressions de personnel et l’emploi d’ouvriers moins qualifiés : en moins d’un demi-siècle, les effectifs s’abaissent de 8 000 à 2 100 personnes.

La construction au sud de Limoges, en 1960, des zones industrielles de Romanet et de Magré et, au nord, de la zone de Buxerolles en 1966 donne à la ville un essor économique qui doit faire oublier son isolement.

M. S.

➙ Limousin.


L’art à Limoges

L’abbaye Saint-Martial, fondée en 848, rattachée à Cluny en 1062 et détruite au début du xixe s., mais près de laquelle on a dégagé, de 1960 à 1962, les parties souterraines de sanctuaires plus anciens, fut un foyer rayonnant de création artistique à l’époque romane, avec ses ateliers d’orfèvrerie, d’enluminure et de sculpture. Sur le chemin de Compostelle venant de Vézelay, son église de vastes dimensions constituait une étape majeure. Sa bibliothèque, l’une des plus importantes de la chrétienté, a été vendue au xviiie s., par les chanoines successeurs des moines, à la Bibliothèque du roi. Aussi la Bibliothèque nationale conserve-t-elle une bible de Saint-Martial de la fin du xie s., formée d’incomparables enluminures où les sculpteurs romans languedociens puisèrent l’inspiration de leur bestiaire. Dans ses pages éclatantes de tons vermillon, pourpre, turquoise se poursuivent et s’affrontent lions, taureaux, ours, daims, singes, chiens, lièvres et paons. La Vie de saint Martial par Adémar de Chabannes (988-1034, B. N.) foisonne d’une végétation luxuriante. Des pages entières de la bible de Saint-Martial et du sacramentaire de la cathédrale de Limoges (v. 1100, B. N.) sont couvertes de véritables peintures apparentées aux fresques romanes poitevines.