Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Limoges (suite)

L’industrie

La structure socio-professionnelle laisse une place importante au secteur secondaire : 45 p. 100 des effectifs employés. Le passé industriel de la ville est brillant : elle fut connue comme centre d’orfèvrerie à l’époque gallo-romaine, puis pour son émaillerie, ses tissus fins et précieux, ses pelleteries au Moyen Âge. De la fin du Moyen Âge au xviiie s., une période de relatif effacement se traduit par la prédominance sociale de la bourgeoisie terrienne et des magistrats. Le développement manufacturier, apparu avec les routes des grands intendants, installe dans la ville la filature et le tissage, tandis que la suppression de l’octroi sur les bois flottés permet l’apparition de l’industrie de la porcelaine (Manufacture royale en 1786) et que l’imprimerie prospère. Au début du xixe s. se développe la fabrication des flanelles, vendues dans toute la France et aux Antilles, mais, après 1850, la concurrence du Nord abattra cette industrie. La grande période industrielle de Limoges s’étale entre 1840 et 1890. L’industrie de la porcelaine, ruinée par les guerres de la Révolution et de l’Empire, renaît. Grâce à la houille d’Ahun (ensuite relayée par celle de Commentry, puis du Nord et de la Grande-Bretagne), elle compte plus de 2 000 ouvriers en 1830. Elle tend à déserter d’autres centres de la région pour se concentrer dans la ville. Ce mouvement, dû à des raisons de transports, s’accentua pour des raisons commerciales après que l’installation de Haviland (1842) eut ouvert le marché américain. La concurrence allemande dès la fin du xixe s., puis celle de la Tchécoslovaquie et du Japon obligèrent les entreprises limougeaudes à s’orienter vers la porcelaine de luxe. Mais la fermeture protectionniste du marché américain, puis le marasme économique (guerre et crise économique) les contraignirent à se reconvertir en partie vers la porcelaine de laboratoire. Il y eut de nombreuses fermetures ; le nombre de travailleurs, qui avait dépassé 10 000, retomba aux alentours de 3 500. Après la Seconde Guerre mondiale, l’élevation du niveau de vie en même temps que des efforts de rationalisation de la production permirent une reprise de la production de porcelaine d’art et ménagère, grâce aussi à une publicité faisant ressortir les glorieuses traditions artistiques de cette industrie. Mais la technique reste en retard sur celle de l’Allemagne, la concentration des usines, qui se poursuit, demeure insuffisante, ainsi que l’organisation commerciale. L’emploi tend à baisser. Au milieu du xixe s., la cordonnerie en gros prit le relais de l’ancienne pelleterie. Le travail se faisait à la main et à domicile. Puis l’industrie de la chaussure en usine s’y substitua rapidement (1855). Elle employa 4 000 ouvriers en 1914, malgré le handicap de la location onéreuse (proportionnelle à la production) de machines à des firmes américaines, qui refusaient de les vendre. En 1920, la chaussure devint la première industrie et employa 8 000 travailleurs. Mais la production, de type très courant, ne résista pas aux concurrences de l’entre-deux-guerres (Bata). La production diminua des deux tiers, le nombre des ouvriers tomba à 4 000. Des implantations industrielles plus ou moins anciennes, il subsiste aussi, dans la banlieue proche ou lointaine, des papeteries, des fabriques d’émaux et la raffinerie de cuivre du Palais. Cependant, un renouveau relatif s’est produit après la Seconde Guerre mondiale : si la S. A. V. I. E. M. (matériel automobile) n’a pratiquement fait que remplacer l’ancien atelier militaire fermé, la construction électrique a pris un essor important (Legrand), ainsi que différentes entreprises mécaniques travaillant pour des industries diverses, dont l’aéronautique, l’automobile (joints) et la fabrication de matériel sportif ou le textile. Cela ne suffit pas pour rétablir la situation de l’emploi dans l’industrie, qui reste précaire, et le secteur voit sa proportion baisser dans la population active. Beaucoup d’usines restent fixées dans le fond trop étroit et devenu mal commode de la vallée de la Vienne, tandis que d’autres sont dispersées dans la ville. On cherche donc à les regrouper et à leur assurer une meilleure desserte dans des zones industrielles (Magré).


La morphologie urbaine

La commune de Limoges est immense (6 055 ha) et bien loin d’être entièrement urbanisée : à l’ouest, la section de Landouge, qui garde sa « mairie », demeure rurale ; d’autres secteurs, surtout au sud, ne sont pas construits. Limoges est une ville, en fait, sans agglomérations (la banlieue se limite pratiquement à Isle, Condat-sur-Vienne, Panazol, Le Palais-sur-Vienne et Couzeix). D’ailleurs, le nombre de migrants quotidiens est assez peu élevé, et leur recrutement assez diffus : dans la morphologie urbaine comme dans l’activité économique, Limoges est comme un isolat dans le Bocage limousin (surtout par suite de la stagnation ou de la crise des industries de la vallée de la Vienne, dans lesquelles on crut voir à la fin du xixe s., l’amorce d’une « rue industrielle » ouvrant le Limousin vers l’extérieur).

La ville gallo-romaine était serrée près du gué, au voisinage du pont historique Saint-Martial, mais des faubourgs de vignerons et tisserands lui donnèrent un aspect plus aéré. Au Moyen Âge, il fallut se replier sur un site défensif, le puy Saint-Étienne, où se créèrent deux petites agglomérations distinctes, chacune entourée de ses remparts, la Cité de l’Évêque et le Château ou la Ville, autour du tombeau de saint Martial. Bien que l’accroissement urbain les eût rassemblées, elles n’abattirent leurs remparts et ne se réunirent définitivement qu’en 1792. Déjà, l’époque des intendants avait été marquée par des travaux d’urbanisme qui embellirent la ville et rendirent sa traversée plus aisée. C’est le xixe s. surtout qui vit ouvrir les larges percées qui firent de Limoges une ville ouverte et commode. Depuis, Limoges a beaucoup moins évolué que d’autres grandes villes françaises : dans le centre, au-dessus de la cathédrale Saint-Étienne, il y a des petites rues dont les maisons gardent un charme de village limousin. Si la partie orientale du centre urbain (ceinturé par les boulevards Louis-Blanc et Gambetta et les avenues de la Libération et Garibaldi) est assez largement percée, la partie occidentale demeure serrée. C’est aussi un aspect aéré qu’ont les vastes quartiers du xixe s., notamment autour de la gare des Bénédictins et à l’intérieur de la ceinture des grands boulevards de l’ouest. La ville s’est peu étendue au sud de la Vienne. La poussée urbaine récente s’est faite surtout vers l’est, le nord et le nord-ouest (Z. U. P. de l’Aurence) ainsi que vers le sud-ouest (banlieue d’Isle, qui a connu le plus fort accroissement récent des communes suburbaines). On voit donc une ceinture de blocs entourer les quartiers d’urbanisme médiocre nés lors de la phase de développement industriel du siècle dernier, tandis qu’une banlieue pavillonnaire tend aussi à se constituer à l’ouest et au nord. Au contraire, la vallée de la Vienne, encombrée d’usines et de vieilles agglomérations, n’a pas beaucoup attiré l’habitat. On est frappé par la modestie du remodèlement du centre et par le caractère embryonnaire de la zonation sociale, qui tient sans doute, outre l’homogénéité relative du site, à une certaine étroitesse de la classe bourgeoise. Il est assez généralement admis que cette étroitesse et peut-être un manque d’initiative sont parmi les causes du recul relatif de Limoges dans les grandes agglomérations françaises. Il est certain qu’en raison de sa situation favorable, d’une desserte assez satisfaisante (R. N. 20, chemin de fer Paris-Toulouse), Limoges restera une grande ville et la capitale indiscutée du Limousin. Pour être un véritable grand centre régional, il faudrait un supplément d’industrialisation et un désenclavement vers l’est et vers l’ouest, donnant une plus large assise et rééquilibrant des relations trop orientées vers Paris.

P. B.

➙ Limousin / Vienne (Haute-).