Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lille (suite)

Plus grave peut-être encore est l’existence même de la Région Nord-Pas-de-Calais. Celle-ci a-t-elle une quelconque unité ? C’est un amalgame de régions historiques (Artois, Hainaut, Boulonnais, Flandre). Les traditions, les mentalités présentent de fortes différences. La Région a eu, et a encore, plutôt tendance à se construire selon des orientations S.-O. - N.-E. (vallée de la Sambre, vallée de l’Escaut, littoral) plutôt que selon un axe N.-O. - S.-E. (parallèle à la frontière de Louis XIV). La coupure actuelle entre les deux départements perpétue une vieille coupure historique. Que ce soit Valenciennes, la hennuyère, Arras, l’artésienne, Dunkerque, la maritime, il est peu de villes, peu de régions qui ne contestent Lille.

Un axe aurait peut-être pu structurer plus fortement la Région. Inscrit dans le relief, renforcé par le bassin houiller, il passe par Saint-Omer, Béthune, Douai et Valenciennes. Mais, depuis Louis XIV, la priorité a été donnée à un autre axe : Dunkerque (le port) - Lille (la capitale). Il ne s’inscrit pas dans la géographie, comme l’autre, et, la frontière ayant été reportée vers le sud à la suite des défaites de la fin du règne de Louis XIV, il est plaqué contre cette frontière, assez excentrique par rapport à la Région.

De ce fait aussi, Lille est entourée de trois côtés, ouest, nord et est, par la Belgique. C’est une « métropole à 90° ». La Belgique lui a donné une partie importante de sa population et de sa main-d’œuvre, et l’on évoque actuellement la possibilité de lui voir jouer un rôle européen, mais, face au dynamisme de la ville flamande de Courtrai ou de la ville hennuyère de Tournai, on ne peut encore prévoir comment les choses évolueront.

Enfin, Paris est à moins de deux heures de train ou d’autoroute. Sur le plan des activités intellectuelles ou commerciales, sur le plan des décisions, l’ombre de la capitale se profile.

Dans le cadre de sa réorganisation, de sa renaissance, la Région Nord-Pas-de-Calais doit repenser la place et le rôle de sa métropole en fonction de la spécificité de ses structures.

Il faut miser sur cette structure polynucléaire de l’Europe du Nord-Ouest, qui fait que les villes gardent une taille raisonnable, à l’échelle humaine, que l’on n’y perd pas le contact avec l’environnement naturel. Il faut « réunir autour d’une capitale un réseau urbain authentique de villes solidaires ». La métropole lilloise ne doit pas profiter du déclin d’autres régions, et notamment de la région houillère, pour s’engorger ; au contraire, elle doit s’efforcer de s’entourer d’autres villes dynamiques. (OREAM Nord [Organisation d’études d’aménagement de l’aire métropolitaine, Nord].) La Région va s’organiser en quatre zones urbaines orientées S.-O. - N.-E. L’aire urbaine centrale s’allonge d’Arras à la frontière, sur 80 km ; deux axes perpendiculaires évoquent une croix de Lorraine : Armentières, Lille et Tournai au nord, Béthune, Lens et Douai au sud. Cet ensemble, qui compte actuellement 2,4 millions d’habitants, devrait atteindre 3 millions avant la fin du siècle.

Des coupures vertes doivent aider chaque noyau urbain à préserver sa personnalité et permettre aux citadins un contact rapide avec l’environnement naturel : à l’ouest, la plaine de la Lys ; à l’est, la vallée de la Marque et les collines du Pévèle ; au sud, le long de la Deûle, une coupure, existant entre la métropole et le bassin houiller, sera préservée. Des parcs et un chapelet de lacs vont être aménagés sur la rive droite dans un triple but : loisirs, régénération de la nappe d’eau et éloignement d’une concurrence possible de Lille face au bassin houiller. Jusque vers les années 1985-1990, la métropole s’étendra surtout vers le nord et vers l’est ; ce n’est que le bassin houiller reconverti qu’on envisagera l’urbanisation de la rive gauche de la Deûle.

Mais ces coupures doivent aller de pair avec la possibilité de déplacements très rapides entre les divers noyaux, afin qu’il y ait échange mutuel de services. Un réseau structurant doit, en même temps, relier solidement la zone urbaine à l’Europe. Un métro de Tourcoing à Arras, utilisant le réseau ferré actuel, doit être étoffé par un métro aérien entre Tourcoing, Lille-Est et Lille. Le quadrillage autoroutier est achevé en 1973. Bordant la zone urbaine à l’est, A 1-E 3 est l’axe principal nord-sud ; c’est la voie Amsterdam-Anvers-Paris ; son doublement à l’ouest doit être envisagé rapidement. A 25 et A 27 intéressent l’axe transversal nord : c’est la liaison Dunkerque-Wallonie-Ruhr. Une fraction de A 26 et la rocade minière structurent l’axe transversal sud ; c’est la liaison Manche-Ruhr-Est de la France, malheureusement loin d’être achevée en 1977. La relative excentricité de Lille, signalée plus haut, disparaît avec l’élaboration d’un quadrillage autoroutier.

La spécificité et la vocation d’un Nord en pleine renaissance ayant été mises en évidence et acceptées, une grande partie de ce qui paraissait faiblesse devient force. Comme tout le Nord, Lille change de visage.

A. G.

➙ Flandre / Nord / Nord-Pas-de-Calais.

 M. Braure, Lille et la Flandre wallonne au xviiie siècle (Raoust, Lille, 1935). / A. Croquez, Histoire de Lille (Raoust, Lille, 1936-1939 ; 2 vol.). / A. de Saint-Léger, Histoire de Lille, des origines à 1789 (Raoust, Lille, 1943). / J. E. Van den Driesche, Histoire abrégée de la ville de Tourcoing (Frère, Tourcoing, 1952). / Lille, essai d’analyse urbaine (M. R. L. et I. N. S. E. E., Lille, 1956). / P. Bruyelle, les Grandes Villes françaises : Lille, Roubaix, Tourcoing (la Documentation française, « Notes et Études documentaires », 1965). / P. Pierrard, la Vie ouvrière à Lille sous le second Empire (Bloud et Gay, 1965) ; Lille et les Lillois (Bloud et Gay, 1967) ; Lille, dix siècles d’histoire (Actica, Lille, 1972). / J. Toulemonde, Naissance d’une métropole, Roubaix et Tourcoing au xixe siècle (Frère, Tourcoing, 1966). / M. Marcq, J. Dion, E. Giard, H. Leclercq et R. Richez, Lille (S. L. E. L., Lille, 1967). / O. R. E. A. M. Nord, Livre blanc, Lille (Lille, 1968) ; Aménagement d’une aire urbaine. Le Nord-Pas-de-Calais (Lille, 1971). / J. Piat, Roubaix capitale du textile (Roubaix, 1969). / Agence d’urbanisme de la métropole, Construire une métropole (Lille, 1969). / L. Trénard et coll., Histoire de Lille, t. I : Des origines à l’avènement de Charles Quint (Giard, Lille, 1970) ; Histoire des Pays-Bas français (Privat, Toulouse, 1972). / G. Sueur, Lille, Roubaix, Tourcoing, métropole en miettes ? (Stock, 1971). / L. Trénard (sous la dir. de), Histoire d’une métropole. Lille, Roubaix, Tourcoing (Privat, Toulouse, 1977).