Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Lille (suite)

Par les effectifs employés, le textile (85 000 personnes) vient assez nettement en tête, occupant avec la confection 43 p. 100 des effectifs industriels ; à Roubaix-Tourcoing, ce taux s’élève même à près de 50 p. 100 de l’ensemble des actifs. Ici, 15 p. 100 de l’industrie textile française sont groupés dans la plus forte concentration textile de l’Europe occidentale. L’industrie du coton est établie principalement à Lille (on y file le tiers du coton français). L’agglomération travaille 8 p. 100 du jute français et, avec Armentières, possède la moitié de l’industrie du lin. La laine est travaillée à Roubaix-Tourcoing, où l’on trouve 85 p. 100 de la filature de laine peignée nationale, le tiers du tissage, 85 p. 100 de la fabrication du tapis.

Une telle prépondérance donne une grande importance aux critiques faites au textile : « industrie sclérosée, structure familiale, manque d’adaptation aux fibres chimiques, industrie à bas salaires, pas de possibilité d’expansion [...] ». C’est oublier que, malgré la disparition des marchés coloniaux, des crises ayant entraîné des fermetures, la production et les exportations sont en augmentation. Les progrès techniques sont spectaculaires, ce qui provoque la diminution des effectifs, et l’agglomération travaille près de la moitié des fibres chimiques françaises. Ici se sont formées, depuis quelques années, quelques-unes des plus grandes entreprises textiles françaises : Prouvost-Masurel, Agache-Willot, Dollfus-Mieg, concentré avec Thiriez et Cartier-Bresson.

Environ 37 000 personnes travaillent dans les industries mécaniques et électriques, activités dont l’importance se rapproche du textile. La métallurgie lourde est développée : charpentes, chaudronnerie, construction d’usines, mais encore machines agricoles, matériel ferroviaire, moteurs d’automobile, électroménager. L’aéronautique s’installe en 1972 avec Marcel Dassault.

La troisième place, toujours par les effectifs (17 000 personnes), est occupée par les industries alimentaires : chocolateries, biscuiteries, conserveries de viande ; les brasseries produisent le huitième de la bière française. Viennent ensuite les industries chimiques (7 000 emplois), nées des besoins des industries textiles et de la proximité du bassin houiller. Avec, notamment, Kuhlmann, Lever, la chimie est orientée surtout vers la fourniture de produits de base : acide sulfurique, engrais, produits de blanchiment, savons, détergents, peintures.

L’agglomération doit attirer de nouvelles industries de haute qualification. Plus de 800 ha de zones industrielles ont été ou vont être aménagés, notamment au nord, à Wattrelos, et au sud, à Seclin. Dans cette dernière zone, au milieu de 1972, 100 ha sont occupés par 34 entreprises occupant 1 400 personnes. Le développement des campus universitaires à Villeneuve-d’Ascq devrait attirer des industries de pointe. Mais ce n’est pas sur le développement industriel que mise l’agglomération. Les grandes implantations industrielles nouvelles de la région se font ailleurs, dans le bassin minier ou sur la côte. C’est le développement des fonctions tertiaires qui doit être le moteur des décennies à venir.


Lille métropole ?

L’agglomération arrive, numériquement, au niveau des deux autres grandes métropoles de province, Lyon et Marseille. Le chiffre de population, de l’ordre du million, est aussi celui des grandes métropoles de l’Europe du Nord-Ouest. Certes, le taux de croissance est ici plus faible que celui des autres grandes villes françaises, très inférieur à celui qui a été enregistré récemment à Lyon ou à Marseille. Fait plus grave, l’augmentation résulte surtout de l’accroissement naturel : la ville, comme toute la région, attire peu. Mais il faut tenir compte du fait que la région est déjà très urbanisée, qu’il n’est vraisemblablement pas souhaitable qu’une ville dépasse le million d’habitants et enfin que les autres villes de la région doivent se développer aussi pour maintenir un équilibre. L’aménagement de la métropole se conçoit dans l’optique d’une augmentation de l’ordre de 1 p. 100 par an et surtout dans le cadre d’une structure urbaine polynucléaire et non monoconcentrique.

Au cours des années 60, Lille souffrait d’un certain sous-équipement commercial et hôtelier. La situation s’est fortement modifiée avec le renforcement des commerces au centre, la construction de nombreux motels et de grandes surfaces avec parkings aux sorties autoroutières. La ville n’avait pas la réputation d’être très attirante. Les Lillois redécouvrent une ville aux ensembles architecturaux exceptionnels, remis en valeur. Le musée est un des plus riches de province. Les activités culturelles sont nombreuses ; quatre journaux quotidiens paraissent (dont l’un tire à un demi-million d’exemplaires).

Il y a peu de sièges sociaux, et ceux-ci ne représentent qu’un peu plus de 1 p. 100 du chiffre d’affaires français. Une trentaine d’établissements bancaires occupent à Lille 2,5 p. 100 des actifs ; les dépôts y représentent 45 p. 100 des dépôts de la région. De nombreuses banques y avaient été créées au xixe s., et le Crédit du Nord a été pendant longtemps la première banque de dépôt privée de France.

Préfecture de Région, Lille est aussi le siège de la communauté urbaine, de plusieurs organismes d’études et d’aménagement, de trois universités et d’une faculté catholique (plus de 30 000 étudiants au total), avec trois grands campus universitaires.

De nombreux obstacles limitent encore le développement des fonctions métropolitaines : d’abord la structure polynucléaire de la Région. Comme dans toute l’Europe du Nord-Ouest, les villes sont très nombreuses. Elles ont un poids économique, intellectuel, historique. Depuis le Moyen Âge, souvent, elles sont habituées à lutter entre elles pour défendre leurs libertés. Ces sentiments sont encore avivés par la proximité : 10 à 20 km seulement les séparent. Au sein même de l’agglomération, Roubaix et Tourcoing sont profondément différentes de Lille. La fusion des chambres de commerce de Lille, de Roubaix et de Tourcoing, en 1967, a été considérée comme un élément remarquable de rapprochement, mais il y a bien trois centres dans la métropole même. À quelques kilomètres, une dizaine de villes importantes surveillent jalousement leurs intérêts. De l’autre côté de la frontière, deux autres grandes villes bordent l’agglomération : Courtrai en Flandre et Tournai en Hainaut, puissantes sur les plans économique et intellectuel. Ainsi, toutes les fonctions s’en trouvent partagées, allégées, et les décisions surveillées attentivement.