Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

ligaments (suite)

• Dans l’entorse grave, il y a toujours des lésions anatomiques, que l’examen va s’efforcer de dépister : recherche de mouvements anormaux de latéralité, de rotation, de tiroir. L’examen radiographique montre l’intégrité des surfaces articulaires, mais, parfois, met en évidence, grâce à des clichés comparatifs en abduction ou en adduction forcée, un bâillement articulaire plus ou moins important.

• L’évolution des entorses est souvent déconcertante (c’est parfois elle seule qui permet de reconnaître le caractère bénin ou grave de l’affection). Parfois la guérison est obtenue rapidement : en deux ou trois semaines, les phénomènes locaux et fonctionnels s’atténuent, puis disparaissent. Parfois des séquelles viennent grever le pronostic : cyanose des téguments, atrophie musculaire, œdèmes, troubles des phanères et surtout ostéoporose algique avec des douleurs rebelles à la rééducation, périarthrite traumatique pouvant entraîner une impotence fonctionnelle plus ou moins marquée.

• Le traitement des entorses graves est chirurgical ; il vise à la réfection des ligaments rompus, ou syndesmopexie. Les cas de rupture des ligaments sont particulièrement fréquents au niveau du genou, où l’on pourra être amené à suturer ou à retendre un ligament latéral, ou à reconstituer un ligament croisé par tunnellisation du tendon d’un muscle voisin. Il s’agit d’interventions délicates, dont les indications doivent être soigneusement pesées.

• Le traitement des entorses bénignes est très controversé : l’immobilisation plâtrée calme la douleur, permet la marche et donc une vie presque normale. À l’opposé, certains chirurgiens prônent la mobilisation (passive et active) immédiate pour éviter l’atrophie musculaire et les raideurs : cette méthode est très en faveur dans les milieux sportifs, où elle donne d’excellents résultats, mais elle est difficile à appliquer à des sujets moins jeunes, peu musclés ou pusillanimes. Enfin, la méthode de Leriche consiste en une injection de procaïne au contact des ligaments intéressés, suivie de mobilisation immédiate, l’injection pouvant être renouvelée deux ou trois fois les jours suivants. En fait, toutes ces méthodes ont leurs avantages et leurs inconvénients : les indications doivent donc être adaptées à chaque cas particulier, d’après l’état physique, mais aussi psychique du sujet.

P. D.

Ligeti (György)

Compositeur hongrois naturalisé autrichien (Dicsöszentmárton, Transylvanie, 1923). De pair avec P. Boulez*, K. Stockhausen*, I. Xenakis* et L. Berio*, il est l’un des grands noms de la nouvelle avant-garde des compositeurs européens.


Hongrois d’origine et de citoyenneté, Ligeti a quitté la Hongrie à la suite des événements de 1956 et est devenu citoyen autrichien en 1959. La coupure de 1956 est capitale autant pour l’artiste que pour l’homme. Après des études toutes classiques à l’académie F. Liszt de Budapest (de 1945 à 1949) auprès de Pál Kadosa (né en 1903), de Ferenc Farkas (né en 1905), de Sándor Veress (né en 1907) et de Pál Járdányi (né en 1920), il enseigna l’harmonie, le contrepoint et l’analyse des formes dans le même établissement de 1950 à 1956, rédigeant notamment deux excellents traités d’harmonie classique, adoptés dans toute la Hongrie, tout en suivant encore les cours d’analyse de Lajos Bárdos. Il se livrait parallèlement à des recherches folkloriques, recueillant des centaines de chants populaires en Transylvanie, comme Bartók* avant lui, et composa un grand nombre d’œuvres de facture encore très traditionnelle, dont quelques-unes seulement annoncent son évolution future. Comme tous ses compatriotes, il vivait alors en vase clos, dans l’ignorance des recherches de l’avant-garde occidentale. Son émigration, qui le mena à Cologne, où il travailla durant deux ans au studio de musique électronique du Westdeutscher Rundfunk, lui permit de s’intégrer très rapidement dans le courant de la création musicale vivante : avec l’exécution des Apparitions, qui firent sensation à Cologne en 1960, il s’affirmait comme l’un des nouveaux compositeurs les plus audacieux et les plus personnels. En 1959, il se fixa à Vienne et devint l’hôte permanent des Cours internationaux d’été de musique contemporaine à Darmstadt ; professeur depuis 1961 au conservatoire de Stockholm (où il a formé toute une génération de compositeurs suédois), il n’a cessé, depuis lors, d’attirer l’attention par une production peu abondante, mais extrêmement réfléchie et châtiée (Atmosphères, Requiem, Lontano, 2e quatuor, concerto de chambre, Melodien, etc.).

Dès Apparitions, il a inauguré l’exploration des micro-intervalles et d’une polyphonie infinitésimale aux détails volontairement impossibles à isoler, musique de couleur, de statisme chatoyant et raffiné, paradoxalement parcourue de tensions sous-jacentes et animée par une dynamique interne. Cette « polyphonie invisible » a grandement influencé la musique de notre temps, notamment la jeune école polonaise, mais la précision de filigrane de la facture chez Ligeti s’oppose tout à fait au tachisme et aux effets massifs de clusters, et sa démarche rejoindrait plutôt, avec des résultats esthétiques d’ailleurs très opposés, celle d’un Xenakis. Après avoir étendu à l’extrême la division des parties, Ligeti, depuis quelques années, est revenu à un style plus articulé, plus individualisé dans la conduite linéaire, plus mélodique, en un mot, et dont Melodien, pour petit orchestre, constitue précisément l’aboutissement le plus récent. Parallèlement, Ligeti cultive une veine de fantaisie surréaliste et iconoclaste, dont les Aventures et Nouvelles Aventures, expérience très réussie de théâtre musical, constituent le témoignage le plus marquant. Il recherche avec prédilection le paradoxe, le « charme des impossibilités », cher à O. Messiaen* et qui l’amène, par exemple, à demander la continuité sonore à un instrument comme le clavecin (Continuum). Si son langage a puissamment contribué à revivifier, après trente ans de pointillisme ou de linéarité pure, le sens de la recherche harmonique (dans un contexte le plus souvent infrachromatique), il est aussi le compositeur qui a le plus renouvelé le langage de l’orgue depuis Messiaen. Artiste raffiné et peu bruyant (seul, parmi ses contemporains, il utilise la percussion avec une extrême discrétion), il s’affirme comme le plus intimement musicien, sans doute, des compositeurs de sa génération. Son rayonnement, qui ne fait que grandir, est illustré par ses épigones, aussi nombreux que ceux de Boulez il y a quinze ans.