Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Liège (province de) (suite)

Au nord-est s’étend le pays de Herve avec ses belles vallées profondes encore entaillées dans les roches primaires à peine recouvertes de craie ; c’est un magnifique pays d’herbe, de bocage et d’habitat dispersé. Au nord-ouest, la Hesbaye sèche, dont la craie est couverte de limons, offre, au contraire, un paysage de labours, découvert, aux gros villages groupés ; c’est le pays du blé et de la betterave sucrière.

L’agriculture occupe 4,5 p. 100 seulement des actifs, mais l’industrie 40 p. 100 (175 000 personnes). L’Ardenne fut un grand foyer industriel (métaux, cuirs), aujourd’hui bien déclinant ; l’exploitation des carrières se maintient difficilement ; toutefois, les industries alimentaires progressent. L’industrie s’est principalement localisée, très tôt, dans le sillon Meuse-Vesdre, attirée ici par les facilités de circulation et par le charbon. Autour de Liège, se sont concentrées l’extraction du charbon, la verrerie, la sidérurgie, la métallurgie des non-ferreux, la métallurgie de transformation, etc. Verviers, sur la Vesdre, est devenu le principal centre lainier belge, utilisant les eaux ardennaises. Toute la province est un haut lieu touristique : l’Ardenne avec ses forêts, ses fagnes, ses rivières, ses villes d’eau (Spa, Chaudfontaine), mais aussi la vallée de la Meuse par ses paysages et ses trésors architecturaux (Liège, Huy). Elle est remarquablement située par rapport au « triangle lourd » européen.

Les problèmes sont de deux ordres : d’une part, la récession houillère ; d’autre part, l’enclavement par rapport à la mer (les débouchés sont en pays néerlandophones belges ou néerlandais). Le nombre d’emplois a baissé de près de 13 000 unités entre 1960 et 1968, et il y eut plus de 16 000 chômeurs en 1971 (près d’un quart du total national). La part de la province dans l’industrie métallurgique belge est tombée de 17 p. 100 en 1960 à 14 p. 100 en 1970 ; la chimie s’installe ailleurs. Le bassin de Liège extrayait 3,8 Mt de charbon en 1960 et 1,3 Mt seulement en 1970, et l’on prévoit sa fermeture en 1980. Il faut créer plus de 60 000 emplois entre 1970 et 1980 et aussi diversifier une industrie restée trop lourde, trop métallurgique (35 p. 100 des actifs).

Mais la province possède de nombreux atouts, une main-d’œuvre disponible et de l’eau en abondance. La Meuse fournit de l’eau industrielle, et l’Ardenne est le réservoir de la Belgique. Il existe des terrains : en 1971, la Société provinciale d’industrialisation (S. P. I.) offrait 2 500 ha de zones industrielles. L’université de Liège est au service des techniques et de l’aménagement régional. L’accueil et l’environnement sont exceptionnels. Enfin, la province sait lutter pour son désenclavement, et la situation présente a fait de la ville de Liège un carrefour primordial, non pas tant en ressuscitant la grandeur passée de l’axe mosan qu’en forçant le passage vers Anvers par le canal Albert et l’autoroute ainsi que par les quatre autres autoroutes qui rayonnent autour de Liège vers toute l’Europe. La production d’énergie se tourne vers d’autres sources que le charbon : hydro-électricité avec la centrale ardennaise de Coo sur la Gileppe ou électricité nucléaire à Tihange, sur la Meuse, près de Huy (870, puis 2 610 MW). Entre 1960 et 1970, la S. P. I. a installé plus de 90 firmes, créant 10 700 emplois. Le dynamisme, célèbre, de cette province a peine, cependant, à vaincre les difficultés.

A. G.

➙ Ardenne (l’).

Lifar (Serge)

Danseur, maître de ballet et chorégraphe russe (Kiev 1905).


Il étudie la musique au conservatoire de Kiev lorsqu’il visite le cours de danse que dirige Bronislava Nijinska, sœur du danseur Vaslav Nijinski. Il commence les cours (1921) avec Nijinska, qui, bientôt, abandonne son école pour rejoindre les Ballets russes à Paris. Lifar travaille pratiquement seul jusqu’à la fin de 1922. Pour compléter la troupe des Ballets russes, Nijinska fait appel à ses anciens élèves. Un concours de circonstances fait que Lifar — le moins préparé et le moins formé de tous — arrive avec eux à Paris (janv. 1923), où Diaghilev le remarque. En 1924, Lifar travaille à Turin avec le célèbre pédagogue Enrico Cecchetti.

Sa beauté plastique, son ardeur au travail et la flamme de son jeu, plus que sa technique, le haussent rapidement au rang d’étoile. De 1925 à 1929, il participe à presque toutes les créations des Ballets russes (Zéphire et Flore, Apollon Musagète, le Fils prodigue). Dès lors, il a pour partenaires les meilleures danseuses de la troupe : Alice Nikitina, Vera Nemtchinova, Olga Spessivtseva, Tamara Karsavina.

G. Balanchine, malade, ne peut assumer la réalisation d’un ballet qui doit être créé pour le centenaire de la mort de Beethoven : Lifar compose une chorégraphie nouvelle pour les Créatures de Prométhée (1929), dont la première version de 1801 était signée Salvatore Vigano. Engagé définitivement à l’Opéra de Paris (1930) après un bref séjour à Londres, il s’impose immédiatement et éclipse, en dépit de leur réel talent, les chorégraphes Albert Aveline et Léo Staats.

Animé de grandes ambitions pour la danse et pour le ballet, il redonne vie à l’Opéra de Paris, demandant un travail énorme aux danseurs, qui coopèrent efficacement. Avant lui, le ballet ne jouait qu’un rôle accessoire dans le spectacle d’opéra : Serge Lifar innove en instituant des soirées hebdomadaires de ballet et impose l’obscurité dans la salle pendant les représentations. Il compose de nombreux ballets, multipliant ainsi les créations, autour desquelles est faite une importante publicité. L’Opéra de Paris renaît, et l’on peut bientôt dire que sa troupe est une des meilleures du monde : de 1930 à 1945, puis de 1947 à 1958, Serge Lifar s’est entièrement consacré à cette grande œuvre.

La venue de Lifar à l’Opéra de Paris amène une véritable révolution. Cependant, si l’Opéra sommeille, les danseurs reçoivent un enseignement traditionnel très solide ; bien formés, ils n’attendent qu’un révélateur de leur talent. Si Serge Lifar revalorise les rôles masculins — il s’en attribue un grand nombre, mais il en compose également pour Alexandre Kalioujny, Youli Algaroff, Michel Renault, Peter Van Dijk —, il préside pour une part aux destinées de nombreuses danseuses étoiles (Suzanne Lorcia, Marie-Louise Didion, Lycette Darsonval). Yvette Chauviré, Janine Charrat, Roland Petit ont incontestablement subi son influence.