Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

libertins (les) (suite)

Le libertinage, né au xvie s., a traversé tout le xviie s., se faisant protée pour se plier aux circonstances, hardi si le pouvoir était négligent ou faible, timide s’il devenait attentif et fort. La tâche du xviiie s. eût été impossible si toute une série d’esprits, libres à des degrés divers, n’eussent, durant tout le xviie s., perpétué, en le modifiant, l’esprit du xvie s. Les libertins, en effet, ces sectateurs de la nature, manifestent par leur option pour les moyens de domination du monde (Cyrano de Bergerac a des vues aussi prophétiques et prémonitoires que Jules Verne) la continuité du xvie s. au xviiie s., alors que le xviie s. est plus proche du Moyen Âge, comme lui tourné vers l’Être. Les libertins du Grand Siècle ont eu l’intuition de la relativité ; mais ils n’ont fait qu’y aboutir, partis qu’ils étaient de l’absolutisme de la nature. Ce qui ressort de cette évolution, c’est l’inébranlable revendication d’une réflexion qui soit vraiment laïque : n’est-ce pas là ce à quoi vont s’employer leurs successeurs, partagés, eux aussi, en deux grandes familles de penseurs : ceux que l’on peut dire « idéalistes », tels Mably et Rousseau, et ceux que l’on appellera « réalistes », comme Voltaire, Montesquieu ou Diderot ? Ceux-ci en effet, au lieu de « maximer leurs pratiques », vont mettre en pratique les maximes qu’ils ont reçues de leurs pères spirituels. Si, désormais, cela est rendu possible, c’est tout simplement que l’autorité établie n’a plus la même force : on n’est jamais « libertin » que par rapport à une certaine norme, et, au xviiie s., la minorité est devenue la majorité. Les libertins, défenseurs d’une espèce de relativisme, manifestent le sens de l’évolution historique. Ainsi, quoique seulement en filigrane dans le siècle où on le dit s’inscrire par excellence, le mouvement libertin est le véritable fondement du xviie s. S’il y a dichotomie entre ce choix profond du siècle, ratifié par le xviiie s., et son apparence, le classicisme, cela est dû en grande partie au manque de cohésion du mouvement, éparpillé en « école » restreinte, et au caractère aussi flou que fluctuant des thèses avancées ; mais, dans le fond, la permanence du libertinage atteste son importance ; ce fut lui le véritable courant de pensée, le classicisme n’ayant été qu’une réaction.

J. L.

➙ Classicisme / Lumières (esprit des).

 A. Adam, les Libertins du xviie siècle (Buchet-Chastel, 1964).

Libye

En ar., al-Djumhūriyya al-‘Arabiyya al-Lībiyya, État de l’Afrique septentrionale, sur la Méditerranée ; 1 759 500 km2 ; 2 millions d’habitants (Libyens). Capit. Tripoli.



La géographie

D’une superficie supérieure à trois fois celle de la France, ce vaste pays est très peu peuplé : la densité moyenne n’est guère supérieure à 1 habitant au kilomètre carré. Cette faiblesse est liée au fait que la Libye s’étend en quasi-totalité sur le désert du Sahara ; la population, en dehors d’oasis intérieures, se concentre en quelques points du littoral.

Économiquement et politiquement, le poids de cet État a été modeste jusque vers 1960. C’est à partir de ce moment que se sont succédé les découvertes de gisements pétrolifères. Leur exploitation a rapidement hissé le pays parmi les principaux États producteurs et surtout exportateurs, lui permettant alors de jouer un rôle international hors de proportion avec l’importance numérique de sa population.

Les premiers gisements (Zelten, Amal) ont été découverts en 1959, de nouveaux en 1961 (Gialo [Djalo] et Raguba notamment), année où la production est (modestement) apparue (0,7 Mt). Cette production s’est accrue très rapidement, puisqu’elle approchait 60 Mt en 1965 et 160 Mt en 1970. Cette dernière année, la Libye venait au sixième rang mondial des producteurs, au quatrième pour les exportations et était naturellement, de loin, le principal producteur africain. En 1971 et 1972, la production a reculé sensiblement (132 Mt, puis 105 Mt), évolution liée aux difficultés politiques rencontrées par les sociétés exploitantes (à la politique de restriction volontaire de la production aussi). Celles-ci, ayant mis en place également les oléoducs nécessités par la localisation continentale des gisements (le pétrole est évacué par les ports d’El-Sider, de Ras Lanouf, de Marsa el-Brega et d’Al-Zueidina), étaient naturellement des compagnies étrangères, filiales des grandes sociétés internationales (Esso, BP, Shell, Mobil, etc.). Les actifs de BP ont été nationalisés en décembre 1971, nationalisation qui a précédé celle des autres sociétés internationales, opérée en 1973, l’État libyen prenant une participation majoritaire de 51 p. 100.

Le pétrole a permis un excédent extrêmement net d’une balance commerciale autrefois déficitaire. En 1970, le pétrole a assuré plus de 90 p. 100 du total des exportations, qui, en valeur, ont représenté presque cinq fois le montant des importations.

Le pétrole est la chance d’une économie défavorisée par les conditions naturelles. L’aridité est le trait dominant du climat. Le littoral reçoit quelques précipitations, mais souvent inférieures à 200 mm, comme à Tripoli. L’intérieur est extrêmement sec : la moyenne annuelle des précipitations est inférieure à 20 mm à Sebha. Les étés sont chauds : la moyenne de juillet dépasse partout 25 °C. Les hivers sont doux : les températures moyennes de janvier oscillent entre 10 et 15 °C. On conçoit la médiocrité des cultures hors des oasis et de quelques îlots littoraux plus humides (palmiers-dattiers, agrumes). L’élevage nomade est naturellement plus développé (près de 2 millions d’ovins, plus de 200 000 chameaux). L’alfa et le jonc, plantes spontanées, sont utilisées par un artisanat local. Quelques industries de consommation (brasseries, huileries, etc.) sont implantées, notamment dans les deux principales grandes villes, Tripoli et Benghazi.