Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

libéral britannique (parti) (suite)

À partir de 1867, le parti libéral entre dans un processus de structuration poussée. L’initiative en revient aux libéraux de Birmingham, chez qui prédominent les radicaux. Des comités de base sont constitués au niveau de la circonscription et des quartiers : ils choisissent les candidats aux élections législatives et municipales. Grâce à une organisation systématique, ces comités, ou caucus, contrôlent la politique locale. On assiste alors à Birmingham à l’ascension fulgurante d’un nouveau politicien, Joseph Chamberlain*, un ultra-radical intransigeant et un habile tacticien. Peu à peu, la méthode d’organisation mise au point à Birmingham gagne toute la Grande-Bretagne. Ainsi, le parti se transforme en une grande machine disciplinée aux rouages bien huilés.

Au moment même où, au début du xxe s., les chances de relèvement des libéraux semblaient au plus bas, les conservateurs leur offrent un moyen inespéré de revenir au pouvoir : en proposant une réforme douanière qui abolirait le libre-échange, ils sèment le désarroi dans leurs propres rangs et inquiètent de larges couches de l’opinion. Ainsi, les élections de 1906 constituent-elles un raz de marée libéral. Avec environ 400 sièges aux Communes, le parti libéral dispose d’une majorité massive et est en mesure d’appliquer un ambitieux programme de réformes.

S’il continue de tirer sa force des classes moyennes urbaines, soucieuses de démocratisation, il a glissé vers la gauche par suite de la disparition à peu près totale des whigs et du poids croissant de la petite bourgeoisie radicale. Moins attaché que par le passé au laisser-faire, il prône l’intervention de l’État pour remédier à certains abus et injustices. Néanmoins, il demeure avec prudence et modération attaché à une conception de démocratie individuelle, colorée par quelques réformes sociales hardies.

L’équipe arrivée au pouvoir en 1905 comporte nombre de personnalités brillantes : dirigée par Henry Campbell-Bannerman (1836-1908), puis, à la mort de celui-ci, en 1908, par Herbert Asquith (1852-1928), elle inclut Edward Grey (1862-1933), Richard Haldane (1856-1928), Lloyd George*, Winston Churchill*. Parmi les mesures prises figure une série de réformes sociales conformes aux promesses faites d’améliorer le sort des masses. Surtout, le budget présenté par Lloyd George en 1909 déchaîne un double conflit, social et constitutionnel, avec la Chambre des lords, dont une loi rétrécit sérieusement les pouvoirs (Parliament Act, 1911).

Une fois ces réformes réalisées, les libéraux décident de réaliser la vieille promesse d’autonomie faite aux Irlandais : le Home Rule est voté en 1912, mais, quand il s’agit de l’appliquer, il se heurte à une intraitable résistance en Ulster. Les menaces de guerre civile irlandaise ajoutées aux tensions sociales (grèves révolutionnaires) plongent les libéraux dans de graves difficultés à la veille de la Première Guerre mondiale.

Le parti résiste mal à l’épreuve de la guerre. Dès 1915, les libéraux cessent de gouverner seuls. Asquith forme un gouvernement de coalition avec les conservateurs, puis il est évincé en 1916 par ceux-ci, alliés à Lloyd George. La dissension s’est introduite dans le camp libéral. C’est le début d’une longue décadence, précipitée par la Seconde Guerre mondiale.

Aux élections de 1945, les libéraux n’ont que 12 élus, et le chiffre tombe à 9 en 1950. Cependant, dans l’opinion, en particulier dans les milieux intellectuels et dans la presse, l’influence libérale continue de se faire sentir. En particulier, elle s’exerce dans le sens du rapprochement de la Grande-Bretagne avec l’Europe.

Après 1960 s’esquisse une renaissance libérale. Cette remontée est due à la désaffection à l’égard des deux principaux partis, au dynamisme des prises de positions libérales, à l’ouverture à certaines aspirations de la jeunesse. Des élections partielles encouragent les espoirs et, aux élections du 28 février 1974, les libéraux obtiennent 19,3 p. 100 des voix et 14 élus. Cependant le libéralisme joue moins le rôle d’une force politique que celui d’un simple courant d’opinion.

F. B.

➙ Chamberlain / Conservateur (parti) / Gladstone / Grande-Bretagne / Palmerston.

 S. Maccoby, English Radicalism (Londres, 1935-1961 ; 6 vol.) ; The English Radical Tradition, 1763-1914 (Londres, 1952 ; 2e éd., 1966). / A. Mabileau, le Parti libéral dans le système constitutionnel britannique (A. Colin, 1953). / T. Wilson, The Downfall of the Liberal Party, 1914-1935 (Londres, 1966). / R. Douglas, The History of the Liberal Party, 1895-1970 (Londres, 1971).

Libération (ordre de la)

Ordre français créé en 1940 par le général de Gaulle.


Le ralliement des territoires français de l’Afrique équatoriale permit à de Gaulle de doter la France libre d’une organisation politique et administrative des pouvoirs publics (ordonnance du 27 octobre 1940). C’est dans ce cadre nouveau qu’il voulut récompenser ceux qui « se seront signalés d’une manière exceptionnelle dans l’œuvre de libération de la France et de son empire ». Tel fut l’objet de l’ordonnance no 7 du 16 novembre 1940, signée à Brazzaville et instituant l’ordre de la Libération. Les membres du nouvel ordre, qui ne comporte qu’une seule classe, portent le titre de compagnons de la Libération. Son organisation a été fixée par le décret du 29 janvier 1941, qui définit aussi les caractéristiques de l’insigne, au revers duquel est inscrite la devise Patriam servando victoriam tulit (« en servant la patrie, il apporta la victoire »). En 1945, il a été décidé de créer un collier du Grand Maître de l’ordre, qui, inspiré de celui de l’ancien ordre royal de Saint-Michel, a été remis au général de Gaulle le 31 août 1947. Un conseil de l’ordre de 5 compagnons, présidé par le chef des Français libres, reçut pouvoir de délibérer sur toute proposition et de maintenir les statuts et la discipline. Le nombre de ses membres sera porté à 10 en 1943, puis à 15 en 1944. Le premier grand chancelier fut le capitaine de vaisseau (et futur amiral) Georges Thierry d’Argenlieu (1889-1964), remplacé en 1958 par le général François Ingold (né en 1894), puis en 1962 par Claude Hettier de Boislambert (né en 1906). Le cérémonial de la remise de l’insigne, auquel le général de Gaulle a voulu donner une place de choix immédiatement après la Légion d’honneur, a été précisé en 1944 et comporte la formule suivante : « Nous vous reconnaissons comme notre compagnon pour la libération de la France dans l’honneur et par la victoire. » Au lendemain de la guerre, l’ordre reçut par décret du 10 août 1945 un nouveau statut, inspiré de celui de la Légion d’honneur. Doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, il possède son budget propre. Un musée de l’ordre a été installé à Paris dans une annexe de l’hôtel des Invalides, où il rassemble de nombreux souvenirs de l’épopée de la France libre et de celle de la Résistance. En raison de son importance, l’ordre a été représenté en tant que tel par 7 compagnons à l’Assemblée consultative d’Alger en 1944.